Le confinement conduit à la mise en place d'organisations en mode distribué, bénéfiques demain à toute la société

Nous assistons à la délocalisation totale de l'entreprise qui tente de mettre en place un fonctionnement exploré jusqu'alors dans le cadre de l'innovation managériale.

Si tout le monde est à distance, tout le temps, ce n’est plus du télétravail 

Télétravail et travail en mode distribué sont deux situations bien distinctes qui nécessitent des pratiques différentes pour fonctionner. Le travail collaboratif tel qu’appliqué par les entreprises depuis des années se limite à permettre de travailler en dehors des murs de l’entreprise ponctuellement et souvent de manière très planifiée. Si bien que cela décompose le temps du télé-travailleur entre des plages de travail au contact de ses collègues et des plages de travail plus au calme. C’est assez peu impactant sur la façon de travailler, voire apporte un peu de respiration dans des semaines marathons. Actuellement, c’est l’ensemble des collaborateurs qui se trouvent délocalisés chez eux. Les liens sociaux doivent se renouer différemment, les échanges informels ont disparu, le management ne peut plus s’appuyer sur la richesse de la relation en face à face. Ce fonctionnement appelé "distributed work" par les anglo-saxons est celui choisi par des entreprises qui n’ont pas de locaux.

Le mode distribué est une situation imposée aujourd’hui par le confinement mais qui répond à l’évolution du monde du travail. Il répond au besoin de travailler au sein d’un écosystème avec de nombreux partenaires et dans les grandes entreprises, d’alterner le travail entre différents projets mobilisant des acteurs différents. Il permet bien évidemment de limiter les déplacements et ses impacts environnementaux. C’est également l’opportunité d'élargir les lieux de résidence possibles et donc de concilier des emplois et des cadres de vie qui ne l’étaient pas.

La crise vient précipiter la confrontation à large échelle de l’entreprise à des approches considérées jusqu’alors comme de l’innovation managériale. Ce "travailler autrement" n’est pas un sujet nouveau et il se met en pratique dans des structures innovantes, des start-up, des entités de grandes entreprises ou surtout de manière informelle ici et là. Actuellement, le travail ne s’est jamais aussi peu défini par les horaires et le lieu, désarmant bon nombre de managers... Il est facile de constater que chacun doit être plus autonome, amenant les manager à responsabiliser et assurer l’alignement de l’équipe sur les objectifs. Au-delà du travail à distance, la crise a désorganisé les entreprises. Le manager "auprès de qui on attend des instructions parce qu’il sait" s’est retrouvé inopérant. Cette ancienne idée du rôle du manager montre ses limites face à la complexité croissante des situations, leur évolution rapide parfois de manière chaotique. L’organisation doit rendre les équipes capables de faire face à des situations nouvelles, y apporter des réponses et coordonner leurs exécution.

Les attentes à l’égard de l’entreprise évoluent également : la définition de leur raison d’être était un sujet montant avant la crise, mais aussi les critères de choix des salariés, en particulier des jeunes générations, donnent plus d’importance à l’autonomie, le sens et l’équilibre de vie professionnelle / personnelle.

Profiter du changement imposé pour questionner ses pratiques de travail

L’organisation en mode distribué nécessite d’adapter les pratiques de management, de travail et les outils. Ce changement est amorcé, parfois avancé même, mais l’entreprise a besoin de l’acter et de le rendre explicite. Savoir collaborer et créer de l’engagement sont indispensables pour travailler en mode distribué : mobiliser pour trouver de l’information, fédérer autour d’un consensus, obtenir du temps de ses collègues, travailler à plusieurs pour résoudre des nouveaux problèmes ou faire face à de nouvelles situations. L

L’alignement d’une équipe sur les objectifs et l’engagement de chacun nécessite d’autres pratiques de travail communes. L’agilité managériales, c’est à dire, l’application des principes de l’agilité aux pratiques de management est la solution montante. Adoptée par les pionniers des entreprises sans bureau, elle est reprise par des organisations restant avec des équipes localisées comme la Maif. Les différents rôles dans l’équipe ou entités collaborant doivent apprendre à travailler ensemble et simultanément, et non pas séparément et par étapes successives. Ce management agile peut se mettre en place à l’échelle de l’équipe, progressivement sur différents sujets et retrouver une démarche plus globale portée par l’entreprise.

Il s’agit également de connecter les collaborateurs de terrain, les mettre en réseau et leur permettre de communiquer via messagerie, en groupe, de manière réactive pour faire circuler l’informer, se coordonner et s’entraider mieux. Pour autant, faute de pratiques et d’organisations adaptées, et malgré des outils de collaboration avancés, le confinement aura montré certes le potentiel des outils de travail à distance ou l’enjeu du digital pour l’économie réelle, mais aussi le chemin restant à accomplir par les organisations pour travailler différemment.