La co-évolution du freelancing IT avec les DSI
Le marché des freelances, surtout en IT, croît grâce aux besoins d'expertise externe des entreprises, offrant flexibilité et valorisation des compétences via des statuts simplifiés et diversifiés.
Ce qu’on appelle le marché des freelances cache des réalités très différentes selon les secteurs et l’utilisation de ce statut. Tout d’abord parce qu’il s’agit d’une façon de travailler qui est régulièrement en complément d’une activité « alimentaire » en CDI. Ainsi, une étude Statista révèle que le salaire mensuel moyen d’un freelance est de 470€.
Si on se concentre sur les freelance « à temps complet », on peut distinguer 3 catégories d’actifs : le marché des experts (jusqu’alors très IT), le marché des créatifs, des producteurs (le monteurs vidéos, le community managers, etc) et celui des travailleurs précarisés par la plateformisation des entreprises de transports (Uber, livraison).
Les freelances IT représentent aujourd’hui une communauté conséquente dont ses membres peuvent assez facilement naviguer entre salariat, freelancing et consulting via des ESN.
Faire face à l’hyper-croissance des besoins IT par le recours à l’expertise externe
Pour comprendre le développement de cette communauté de freelances IT, il faut comprendre comment le besoin d’expertise externe a trouvé sa demande et revenir quelques décennies en arrière. Les ordinateurs comme outils de travail se généralisent dans les années 2000, l’information circule de mieux en mieux sur le web, et les entreprises voient leurs besoins IT exploser : équipements des collaborateurs, implémentation des ERP, et développement d’infrastructures IT (pour notamment gérer ce nouvel or digital qu’est la data).
Ces besoins IT ont évidemment engendré une explosion des besoins en travailleurs possédant des compétences IT spécialisées. Pour répondre à cette demande croissante, les SS2I (Sociétés de Services en Ingénierie Informatique), aujourd'hui rebaptisées ESN (Entreprises de Services Numériques), ont constitué un vaste vivier de compétences externes. Ces ressources sont devenues un soutien précieux pour les Directions Informatiques, leur permettant de gérer efficacement l'expansion et la complexité croissante de leur périmètre d'action. Les ESN ont ainsi offert aux DSI un levier de flexibilité essentiel, autant dans les logiques de maintenances que pour des gros projets de migration vers le cloud.
Cette flexibilité s'est manifestée tant dans la gestion des variations de volume d'activité que dans l'acquisition de nouvelles compétences et expertises, sans pour autant alourdir leur masse salariale interne. Aujourd'hui, on observe une répartition variable de l'activité au sein des DSI entre experts internes et externes. Cette répartition peut osciller considérablement : certaines structures fonctionnent avec 40% de ressources internes et 60% d'externes, tandis que d'autres privilégient une composition inverse, avec 80% d'internes pour 20% d'externes.
La diversification de l’offre d’expertise externe
Si le marché est encore florissant pour ces ESN, les travailleurs de ce secteur se sont rendus compte qu’ils pouvaient valoriser leur compétence sur le marché et générer des revenus supérieurs un prix moins margé pour leur client. A titre d’exemple, un consultant SAP freelance gagne en moyenne 683€ par jours travaillés alors qu’en tant que salarié, le salaire mensuel moyen avoisine les 4 167€ (source : talent.com). Par ailleurs ce phénomène de transition du salariat vers le freelancing s’est vu amplifié par la popularisation des statuts auto-entrepreneurs et de la SASU (Société par Actions Simplifiée Unipersonnelle), les 2 formes juridiques aujourd’hui majoritaires chez les freelance, sans oublier l’option du portage salarial dont le développement s’est accéléré dans les années 2010.
Le marché étant en constante tension, cette offre freelance a donc trouvé sa clientèle et le vivier de freelance IT s’est progressivement constitué pour atteindre selon les experts une taille proche des 100k en France. A noter qu’il n’existe en réalité pas de chiffre précis sur le nombre de freelances IT car la catégorie « IT » n’a pas de définition stable et le freelancing n’est pas jamais un choix définitif. En effet, sur un marché en tension, les freelances peuvent plus facilement choisir de revenir sur une activité salariée plus stable sans être confrontés à un vide d’offres d’emploi.
Bien sûr, ce vivier de freelance IT est hétérogène et les dynamiques analysées restent relatives aux communautés qui le constituent. La communauté des développeurs est par exemple beaucoup plus importante que celle des experts en cybersécurité, dont la pénurie est ressenties par plus de 70% des entreprises françaises de plus de 100 salariés (source : 2024 Cybersecurity Skills Gap).
Que nous apprend l’émergence de ce vivier d’experts freelance dans l’IT ?
D’abord, les carrières des freelances IT donnent un aperçu du versant extrême du phénomène général des carrières professionnelles délinéarisées, qu’ils parviennent à valoriser par l’augmentation de leur TJM ce qui accroit l’attractivité de l’activité freelance.
Ensuite un écosystème de services s’est développé autour de ces freelances, autant dans des services alternatifs aux avantages et protections du salariat, que dans les acteurs du recrutement qui en même temps d’intermédier la communauté freelance, lui a donné accès à un grand nombre de clients potentiels et donc une meilleure capacité à choisir leurs missions.
Enfin, la complexification et l’accélération des nouvelles technologies a généré un tel besoin d’expertise sur le marché du service IT que l’écosystème s’est granularisé jusqu’au freelance. Cette pression technologique a obligé les DSI à être flexibles et organiser leur périmètre de manière à intégrer facilement des expertises externes.
Cette stratégie organisationnelle prélude une tendance de fonds des stratégies d’appels à l’expertise externe de la part d’autres fonctions, comme la fonction RH ou la fonction finance.