Le management transversal : un acteur clé en mal de reconnaissance…

La vitalité du management transversal est devenue telle... qu’il est devenu stratégique de s’interroger sur son influence actuelle et sur les modes de fonctionnement qui peuvent conduire à sa pleine réussite.

Le management transversal n’est pas une nouveauté dans nos entreprises puisque depuis le début de la décennie 80 nous constatons son essor à  travers la démarche qualité, la maîtrise des processus, le mode projet. Toutefois, sa vitalité est devenue telle qu’il est stratégique de s’interroger sur son influence actuelle et les modes de fonctionnement qui peuvent conduire à sa pleine réussite.
La transversalité aura été sans la moindre contestation la principale innovation de ces dernières années avec l’émergence de nouvelles activités support (contrôle de gestion, contrôle interne, …) mais aussi la mutualisation des moyens et des compétences au sein d’une entreprise, voire la coopération inter-entreprise sur des activités stratégiques.
Rappelons les principales raisons qui expliquent aujourd’hui l’intérêt de jouer la carte de cette approche :
* Expérimenter  la mise en place d’une activité nouvelle ou de niche,
* Maîtriser les processus de travail
 par une meilleure synergie et interactivité entre les entités,
* Optimiser la productivité
par le biais d’une harmonisation des pratiques ou la polyvalence interne,
* Capitaliser l’expérience
entre les acteurs sur une activité complexe et évolutive.

Par ailleurs, la transversalité favorise souvent un double mouvement:  l’externalisation de certaines fonctions et la décentralisation des responsabilités.
En effet, la chaîne de valeur ne s’arrête plus aux frontières de l’entreprise car celles-ci implique les fournisseurs mais aussi les clients. La pyramide hiérarchique voit son centre de gravité s’abaisser entraînant une meilleure réactivité dans la prise de décision.
Dans un contexte mouvant et instable, le management transversal est capable d’apporter  l’agilité nécessaire à la résolution de problèmes complexes à partir de structures qui ne sont pas pérennes, favorisant ainsi l’intelligence collective et l’innovation.   

Une structure fantomatique
Surprenant paradoxe : le management transversal se développe dans l’entreprise sans s’inscrire, le plus souvent,  dans une stratégie clairement affichée… et sans proposer non plus une cohérence globale en mesure d’exploiter, au mieux, les potentialités de la synergie produite par une telle démarche.
En effet, ne cherchez pas à connaître le nombre de managers impliqués dans ce management transversal: votre demande restera sans réponse. Ne cherchez pas à identifier le dispositif  de pilotage assurant la coordination des actions en cours, celui-ci est rarement mis en place. Inutile par ailleurs de vouloir évaluer avec précision le temps budgété pour conduire ces actions, ni la valorisation envisagée pour promouvoir ou reconnaître les mérites.
Le management transversal est devenu un acteur majeur du changement mais il n’a pas d’existence reconnue dans la gouvernance de nos entreprises.
Une manière de prendre conscience de l’anonymat dans lequel s’exprime ce management transversal est une forme de management trop souvent considéré comme de la conduite de projet, ce qui a pour conséquence  d’occulter l’intérêt d’une analyse critique sur l’efficacité réelle de cette approche et les questions qu’elle soulève.

Une approche aux multiples facettes
Une explication de ce phénomène réside certainement dans le fait que le management transversal s’exprime sous des formes différentes, aux contours flous et dans une finalité opérationnelle parfois imprécise.
Nous profitons de l’occasion pour proposer notre définition du management transversal et pour préciser ses différentes composantes.
Le management transversal c’est « le pilotage et l’animation de ressources (humaines, financières, matérielles) appartenant à des entités hiérarchiques distinctes mais regroupées dans le cadre d’un projet ou d’une activité commune ».

Les composantes du management transversal sont :
* La conduite d’un projet
 : il implique pour une durée définie et sur un objectif clairement identifié lors du lancement des acteurs  appartenant à des entités voire des métiers différents,
* Le pilotage d’une activité ou d’un processus récurrent : il concerne des experts ou référents regroupés autour d’une thématique stratégique telle que la qualité, la sécurité ou bien encore les ressources humaines,
* L’animation d’un groupe de travail ou d’une task force : elle vient répondre à une préoccupation ponctuelle et fait l’objet d’une question urgente à gérer par l’organisation (communication de crise, problème client),
* L’animation d’un réseau ou d’une communauté de pratiques : celle-ci a pour but de regrouper des acteurs appartenant au même métier (manager, commerciaux, …) afin de partager les bonnes pratiques.
Le web 2.0 apporte avec les réseaux sociaux d’entreprise et les plates formes collaboratives des possibilités accrues de pouvoir agir au sein d’un collectif en dépassant les contraintes spatiales et temporelles.
Quelle que soit l’approche, le manager transversal  a pour mission d’assurer une mission exigeante au niveau du résultat et qui relève de la gestion humaine d’un groupe ne dépendant pas hiérarchiquement de lui.
Ajoutons que cette mission n’est pas nécessairement prioritaire pour les acteurs et leur hiérarchie.
La capacité à utiliser au mieux cette organisation horizontale repose, sans nul doute, dans  son pilotage global et son harmonisation avec le management vertical. En effet, les ressources humaines sont communes et elles  se trouvent souvent écartelées entre des intérêts perçus comme divergents.
Il y a nécessité de valider l’intérêt de pouvoir faire fonctionner en simultané ces différents groupes transversaux en s’interrogeant notamment sur la capacité à les financer. Une telle approche aurait pour mérite d’éviter des tensions inutiles. Par ailleurs, comment accepter l’absence d’une coordination globale qui génère de fait de la contre-productivité.
Elle repose aussi sur la clarification du qui fait quoi tant il ressort l’utilité de clarifier la contribution attendue des différents acteurs : manager transversal, directeur référent, comité de pilotage, chefs de service…
Le manager transversal n’est rien sans l’aide de la structure hiérarchique et cette réalité oblige à mettre à plat la coopération à construire.  De la même manière que dire si la contribution des acteurs n’est pas prise en compte dans les systèmes RH de l’entreprise : formation, appréciation des performances, gestion de carrière.
A ce titre, il devient urgent de sortir le management transversal de sa clandestinité en lui accordant par la valorisation des résultats une vraie légitimité dans le fonctionnement actuel de nos entreprises.