Représenter un objet dans une publicité peut être un cas de contrefaçon

Lorsque l'on commercialise des vêtements, comment communiquer sur ses propres produits sans porter atteinte aux droits des tiers ? C'est le dilemme de la célèbre chaîne suédoise H&M, qui, pour faire la promotion d'un modèle de robe, avait doté les mannequins de chaussures Louis Vuitton.

 

Par un arrêt du 6 mai 2014, la Chambre commerciale de la Cour de cassation a approuvé une cour d'appel d'avoir condamné H&M pour contrefaçon.
Dans cet arrêt, la Cour de cassation retient que les chaussures en cause étaient bien visibles, d'autant que le mannequin, vêtu d'une robe courte, était photographié de face et présenté seul sur fond blanc. Les chaussures étaient donc destinées à mettre la robe en valeur.
Cette solution n'est pas nouvelle : il y a près de trente ans déjà, Christian Lacroix avait obtenu l'arrêt d'une campagne de publicité représentant des robes et des bijoux dont il était l'auteur, sans son autorisation, pour une publicité en faveur d'une ligne de maquillage. Le juge des référés avait considéré à l'époque qu'il "convenait de mettre fin à un trouble manifestement illicite et d'interdire, en conséquence, la poursuite d'une campagne publicitaire organisée au mépris des droits de Christian Lacroix."
A rebours, la jurisprudence tolère désormais qu'un tiers photographie ou filme une œuvre sans autorisation de l'auteur, à condition qu'elle ne constitue que l'accessoire d'un sujet principal différent. Cette exception, d'origine jurisprudentielle, repose sur la théorie dite de l'accessoire ou de "l'arrière-plan". Elle a d'abord été appliquée aux œuvres (architecture, sculpture...) situées dans les lieux publics. Dorénavant, il importe peu que l'œuvre soit située dans un lieu public ou non : le critère est bel et bien celui de l'accessoire.
Cette théorie de l'accessoire a fait l'objet d'une application fameuse à propos de cartes postales représentant la place des Terreaux à Lyon. Dans cette affaire, il a été jugé que cette exploitation ne portait pas atteinte au droit de reproduction de l'architecte auteur des aménagements de cette place, car "l'imbrication entre le patrimoine historique et les aménagements modernes réalisés est telle qu'elle interdit en pratique de distinguer les deux éléments" et qu'"aucune des cartes postales incriminées ne reproduit isolément l'œuvre des demandeurs, laquelle n'est photographiée que comme accessoire du sujet principal."
Mais cette solution ne pouvait pas trouver application dans notre affaire H&M, puisque les juges du fond avaient précisément relevé que les chaussures Louis Vuitton figuraient au même plan que la robe objet principal de la campagne publicitaire. L'arrêt de la Cour de cassation retient même que les souliers "étaient mis en évidence par le port de jambières et les différentes positions adoptées par le mannequin". Les chaussures étaient donc "parfaitement identifiables et participent indéniablement à une mise en scène destinée à mettre en valeur les vêtements commercialisés par la société défenderesse."
En somme, à moins de présenter les mannequins pieds nus… ou portant des chaussures qu'elle pouvait elle-même commercialiser, H&M ne pouvait que porter atteinte aux droits de Louis Vuitton sur ce modèle.
De manière générale, toute campagne publicitaire doit donc faire l'objet d'un soin particulier afin d'éviter ce genre de problématique tenant aux droits de propriété intellectuelle des tiers sur des objets divers et variés.