Comment mieux écrire en pensant à ses destinataires

Un principe élémentaire, mais trop souvent oublié : si j’écris, c’est pour des destinataires, des clients, diverses catégories de lecteurs spécifiques, et c’est à eux que je dois penser en priorité. Une réflexion indispensable pour écrire à la fois mieux et « plus efficace ».

Un principe élémentaire, mais trop souvent oublié : si j’écris, c’est pour des destinataires, des clients, diverses catégories de lecteurs spécifiques, et c’est à eux que je dois penser en priorité. Une réflexion indispensable pour écrire à la fois mieux et « plus efficace ».

Comment améliorer mes capacités d’écriture ?

C’est la question qui se pose depuis l’école ou le collège et jusqu’à l’Université pour tous les jeunes… et que les adultes devraient aussi continuer à se poser de temps en temps. En ajoutant alors immédiatement cette deuxième question : pour être plus efficace, comment adapter mes écrits à mes diverses catégories de lecteurs ?
Cette chronique a pour objectif de vous aider à réfléchir sur les diverses situations d’écriture, sur les impératifs essentiels qui s’imposent, et notamment sur la prise en compte de vos destinataires, dans la vie personnelle comme dans la vie professionnelle.
Cette note a d’abord une portée générale, et sera donc utile à chacun dans toutes les situations d’écriture (personnelle ou familiale, professionnelle, et notamment administrative et juridique, et bien entendu aussi, pour les candidats, en situation d’examens ou de concours, ou encore au cours des procédures de recrutement). A chacun d’y trouver ce qui peut lui être le plus directement utile pour ses travaux quotidiens de rédaction et pour son perfectionnement professionnel, et pour toutes les situations de communication.

Les diverses situations d’écriture

Depuis l’enfant qui s’applique à l’école ou pour ses petits ou grands devoirs à la maison, jusqu’à l’adulte qui cherche mots et tournures pour une lettre « délicate » ou « ennuyeuse », au fonctionnaire ou au cadre d’entreprise qui doit rédiger son courrier professionnel, la consigne est la même : il s’agit de produire un écrit efficace au bénéfice du lecteur.
Et les difficultés sont les mêmes : désir d’y arriver, mais peur de ne pas pouvoir. C’est alors l’inhibition, la paralysie, la peur devant la feuille blanche (ou maintenant devant l’écran de son ordinateur), et c’est l’ensemble des difficultés d’expression ou de style pour chaque phrase, voire pour chaque mot. « Je ne trouve pas mes mots … ». Le « syndrome de la page blanche » est bien connu… et beaucoup de grands écrivains en ont souffert (beaucoup l’ont caché… mais certains l’ont avoué, ou même en ont fait des nouvelles ou des romans, ou même des poèmes !).
En réalité, bien écrire, dans la vie privée comme dans la vie professionnelle, cela s’apprend. Vos atouts se trouvent dans votre écriture à vous, dans votre formation, et dans votre travail quotidien, individuel ou en équipe. Il faut simplement les connaître, et bien les réemployer.
Pourquoi donc ne pas perfectionner votre geste premier d’écriture ? Écrire plus facilement, devenir à la fois plus efficace et plus rapide. Faire de l’écriture non plus une corvée, mais un plaisir, un plaisir quotidien. Non plus une ennemie, mais une alliée. Vous exprimer de façon personnelle, tout en réussissant pleinement les écrits professionnels.

L’impératif essentiel

Un impératif essentiel : tenir compte du destinataire, votre lecteur, votre public. Attention donc, dans la vie professionnelle, à ne pas mélanger les publics. Ne pas écrire pour soi, mais en pensant à votre lecteur.
Si vous êtes dans une hiérarchie lourde, ne pas écrire pour tel ou tel échelon de la hiérarchie, mais bien pour le destinataire final, et en principe pour lui seul. C’est ce qui se fait notamment, aux concours administratifs, dans les épreuves de « rédaction d’une note ou d’une lettre». Pensez aussi pour les épreuves de notes de synthèse, ou à un niveau plus modeste, aux « cas pratiques ». Et pensez à bien vous situer dans votre entreprise : ce n’est pas seulement une question d’organigramme, cela peut impliquer aussi une analyse fine des relations humaines et commerciales.
Donc, bien écrire, c’est d’abord tenir compte du destinataire :
  • Pour la correspondance personnelle, de ce qu’il est concrètement, son caractère comme son attitude vis-à-vis de vous, et ses attentes (si c’est quelqu’un d’assez proche, famille ou ami);
  • Pour la correspondance professionnelle, de sa situation éventuelle en tant qu’administré (dans l’Administration, les problèmes sont plus délicats lorsqu’il s’agit d’appliquer une réglementation difficile ou contraignante … ou lorsqu’il faut notifier un refus) ou par exemple en qualité de client si vous travaillez dans une entreprise;
  • de sa fonction sociale ou économique, ou de sa place dans vos relations professionnelles, ou par rapport aux fonctions de votre entreprise ou de votre administration.
Et voici un point sur lequel trop de candidats n’ont pas suffisamment réfléchi. Dans le cadre scolaire ou professionnel, l’écriture est souvent plus compliquée, parce que le destinataire est généralement dédoublé.
Il faut en effet distinguer :
  • celui à qui l’on s’adresse : lecteur, client, partenaire, public;
  • celui auprès duquel on doit « faire ses preuves », l’examinateur, le jury, le patron, les supérieurs hiérarchiques.
Et pour chacun d’eux, outre les exigences spécifiques du genre de rédaction, il convient de prendre en compte sa place et sa fonction sociale, éventuellement aussi les aspects concrets de sa personnalité.
Donc deux personnes (ou séries de personnes) à prendre en compte, deux points de vue complémentaires, éventuellement deux séries d’impératifs qui en découlent.

L’école (au sens large, incluant l’université et la formation continue) est une institution qui prépare à la vie sociale, non seulement en la vivant, mais en l’imitant. Ainsi l’élève, puis l’étudiant, est-il amené à pratiquer des exercices de simulation d’écriture, destinés à le perfectionner et à témoigner du niveau atteint : rédactions, dissertations, rapports ou comptes rendus, notes de synthèse. Et « cas concrets » pour les formations au management.
C’est plus vrai encore pendant les stages en entreprise ou dans l’Administration.
Les destinataires sont donc alors :
  • celui de la note, de la rédaction ou du compte rendu,
  • celui qui juge dans le cadre de l’institution. Il « est » à la fois sa fonction sociale et sa personnalité concrète. C’est un professeur, un jury, un supérieur ou quelqu’un d’autre tenant une fonction analogue.
Dans le cadre scolaire, le destinataire est parfois désigné très simplement. « Raconte à un ami une belle journée de printemps ». « Écris une lettre de vacances à ta grand-mère ». « Raconte à ta famille tes vacances aux sports d’hiver. » « Raconte pour un journal ton dernier match ou ta dernière course. » Bien dire à nos enfants et petits-enfants ; s’exercer à rédiger un journal dès l’école ou le collège, c’est un excellent investissement !
Dans le cadre scolaire ou universitaire, et dans celui des concours, la dissertation pose un problème spécifique : quel est le destinataire ? En général, il n’est pas précisé ; mieux vaut s’en donner un (sinon on risque de trop s’écrire pour soi-même). Faites donc en imagination, dans votre esprit, comme destinataire le professeur, ou un public de lecteurs, que vous traiterez avec respect et prudence (en expliquant bien, sans agressivité ni sentiment de supériorité, en cadrant bien le sujet, vos objectifs et vos développements).
En ce qui concerne la note de synthèse administrative et juridique, ou encore économique et financière, le plus souvent, le public n’est pas défini. Il faut donc imaginer un public assez large de personnes cultivées mais ne connaissant pas le dossier (votre objectif est donc de leur donner sous forme condensée tous les éléments d’information essentiels).
Si le jury a défini un public destinataire et un objectif, il faut évidemment en tenir compte de façon parfaitement précise.
En ce qui concerne la note administrative, elle est souvent adressée au supérieur hiérarchique direct, ou à une plus haute autorité (dans une administration centrale, le ministre ; dans une collectivité territoriale, le maire, ou le président du conseil général, ou le président du conseil régional). A signaler également : d’autres services, services voisins ou services déconcentrés. Ou même encore, le public, les administrés.

Cas particulier: celui des destinataires en situation difficile

C’est notamment le cas pour le public des services sociaux. Il faut alors adapter la rédaction pour la rendre la plus simple possible, facilement compréhensible. Bien prendre le temps de tout expliquer. C’est notamment le travail des assistants et assistantes de service social.
Le même type de situation peut se produire dans la vie des entreprises.

 Le cadre professionnel est celui de la valorisation possible (et souhaitable), mais aussi de l’effort, de la contrainte, voire de la fatigue (comme cela se produit d’ailleurs les jours de concours).

 L’effort peut et doit être intelligent (pas seulement « primaire » ou « mécanique »), la contrainte doit être limitativement comprise et acceptée, la récupération peut être organisée plaisamment.

 Et voici une réflexion élémentaire, qui permet de relier l’apprentissage, l’acquisition des connaissances, la lecture et l’écriture. Apprendre ne suffit pas. Encore faut-il comprendre.

 Et ce qui est bien appris est le plus sûrement bien compris. Mieux encore, en bonne logique, ce qui a été bien compris est plus sûrement bien appris, et donc facile à retenir.

 De tout cela, l’écriture témoigne Elle dévoile la personnalité du rédacteur, ses acquis et ses habitudes de pensée.

 Selon les cas, cela peut être un atout ou un handicap :
  • un handicap, si vous n’avez pas bien tenu compte des destinataires, du cadre et de la situation, si vous vous êtes parlé à vous-même, ou si vous avez « parlé en l’air », ou si vous êtes resté dans l’abstraction au lieu de vous adresser aux véritables destinataires de façon précise et bien adaptée;
  • un atout, au contraire, si vous avez su évaluer les différentes composantes de la situation, en prenant assez de distance vis-à-vis de votre travail du moment. Et si vous avez réussi à faire abstraction de votre personne et à vous mettre à la place du destinataire. En cherchant à être à la fois simple et concret, clair et objectif… et si possible exhaustif !
Et voici l’un des paradoxes pour la note de synthèse comme pour beaucoup d’écrits administratifs ou professionnels : il faut faire preuve de personnalité, sans se montrer trop « personnel ». Faire preuve de personnalité, c’est affirmer son intelligence et sa hauteur de vues. Mais ne pas se montrer trop personnel : vous êtes au service d’une entreprise ou d’une institution, et vous devez en respecter strictement le cadre, les pratiques et la politique.
La pensée doit être ferme, mais non péremptoire. Cela vaut à la fois pour l’expression, le style et le fond.

Trois principes concernant les destinataires

  • Prenez toujours en compte le destinataire de vos écrits. S’il vous apparaît trop abstrait ou absent, donnez-lui forme, faites-le exister, imaginez ses attentes. Observez-vous dialoguant avec lui.
  • Mettez toujours le destinataire en confiance et en sécurité. En principe, c’est vous qui êtes à son service, c’est vous qui devez vous adapter à son cadre de vie, et non pas lui au vôtre (sauf exceptions pour certains travaux administratifs et juridiques, où il s’agit alors d’imposer le respect du droit en établissant des relations d’autorité).
  • Enfin, ne perdez pas de vue que bien écrire, c’est composer, dans tous les sens du terme, c’est-à-dire avec les mots, les situations et les destinataires.

Bien écrire : les principes et les objectifs

Lorsque vous écrivez à des destinataires, c’est avec un but et des projets. Un but général : être lu et compris, être satisfait et satisfaire votre destinataire. Les projets peuvent être plus spécifiques. L’énoncé doit être clair, facilement compréhensible.
A chaque fois, pour chaque dossier, il est bon de faire la lumière sur votre projet principal d’écriture. Cela vous évitera de « tomber à côté », de commettre des contresens, de vous égarer sur des fausses pistes.
Très souvent, dans le travail concret, plusieurs projets spécifiques pourront être mêlés. Il vous faut les découvrir et les hiérarchiser. Voici quelques objectifs parmi les plus fréquents.
On peut écrire pour :
  • informer, faire connaître, donner des indications,
  • accrocher, interpeller, surprendre,
  • analyser, commenter, étudier,
  • convaincre, faire partager des idées, emporter l’adhésion,
  • séduire, renforcer des liens familiaux ou amicaux,
  • faire faire, ordonner, prescrire,
  • … et aussi pour divertir, ou même pour faire rêver !
Les procédés d’écriture, les « trucs », les recettes sont au service de votre plume. Ils aident à être lu et approuvé, par plusieurs voies, principalement :
  • en insistant (répétition, énumération, redondance, allitération, accumulation … );
  • en évoquant (allusion, ellipse, double sens, litote, paradoxe … );
  • en innovant (alliance de mots, correspondance, image, métaphore, métonymie …).
Nous vous invitons à travailler chaque jour un de ces objectifs ou un de ces domaines particuliers, c’est un bon moyen d’employer vos heures ou simplement vos minutes de liberté.
 
Malgré tous les dangers qui pèsent sur notre belle langue, restons optimistes quant à son avenir. Les travaux de nos Commissions de Terminologie, au plus haut niveau ceux de la Société française de Terminologie (une grande Société savante), et ceux de l’Académie française elle-même, ainsi que la vitalité de la plupart des pays francophones, sont de très bon augure à cet égard. Le Journal du Net n’est pas en reste, puisqu’il nous présente chaque jour des dizaines ou ces centaines de belles pages, et que ses auteurs prennent souvent la plume (ou se penchent sur leur clavier) pour nous inviter et nous aider à bien améliorer nos travaux de rédaction.

Pour terminer, voici le dernier paragraphe d’un beau et grand manuel du professeur Jean-Pierre Colin, intitulé Le Français…tout simplement (Eyrolles). C’est un appel qui nous fait penser à la fois à La Marseillaise et au Chant du Départ, et donc aux plus belle  heures de la Révolution française triomphante à ses débuts. A une époque donc (et cela pourrait se renouveler ?) où la langue française était à la fois la langue du courage et la langue de la liberté !
« A nos livres donc, à nos stylos, à nos claviers, ergonomiques ou non ! Courage pour les Exercices, Lisons, Écrivons,  un air printanier de victoire chante à l’horizon ! La victoire sur nos peurs, la victoire du Français… tout simplement. »