L'université interne est le centre de gravité de l'entreprise

Plus que jamais, malgré les avis divergents sur leur place et leur utilité réelle, les universités d'entreprise représentent un centre de gravité autour duquel l'organisation doit se rassembler.

Le rôle premier d'une université d'entreprise est de former les personnels, d'abord à leur embauche puis en formation continue. Pour ce faire, les universités d'entreprise combinent plusieurs modes pédagogiques : formation classique en salle, formation par l'action (action learning), outils de simulation (serious games), retours d'expérience... autant de modalités rassemblées sous la bannière des dispositifs FOAD (formation ouverte à distance) qui relient "sans coutures" le présentiel (salle de cours, poste de travail) et le distanciel (réseau social d'entreprise, intranet RH, plateforme e-learning).
Par la double sélection à la fois des modules proposés et des populations ciblées, les universités d'entreprise permettent, au niveau individuel, de mieux gérer les parcours professionnels et, au niveau collectif, de renforcer le patrimoine de compétences des filières métiers de l'entreprise. Les premiers bénéfices se mesurent donc, d'une part, en termes d'image employeur (respect de la "promesse employeur") et, d'autre part, en termes de performance. 

Plusieurs autres bénéfices se font par ailleurs sentir :
- Synchroniser trois générations qui représentent autant d'approches différentes du travail : la génération des baby boomers, la génération X et la génération Y ;
- Faire émerger et consolider de nouvelles filières d'excellence, tel le management de projet, qui constitue de plus en plus une "troisième voie" concurrençant la filière hiérarchique et la filière experte ;
- (Re)créer des espaces de convivialité, qui se font de plus en plus rares dans un environnement professionnel en flux tendu (1).
Ainsi la variété des missions des universités d'entreprise les amène-t-elles, plus ou moins rapidement selon les cas (marché, stratégie, structure... mais aussi volontarisme des instances dirigeantes), à devenir un centre de gravité, c'est-à-dire littéralement le "point de concentration des différentes forces qui permet à un corps de se tenir en équilibre".

On peut bien sûr questionner leur importance et leur ambition réelles, comme l'a fait récemment Laurent Reich(2). Ses principales critiques portent sur l'élitisme de ces structures, réservées aux cadres dirigeants ou hauts potentiels, ainsi que sur leur isolement, qui les coupe à la fois des collectifs de travail de l'entreprise et de l'environnement académique.
Pourtant, l'accès à ces structures est loin d'être réservé à une élite. A l'exception de quelques groupes qui opèrent une nette distinction entre une offre de formation "classique" et une université "haut de gamme", la plupart ouvrent leurs portes à tous les métiers et à tous les niveaux hiérarchiques. Par exemple via les "écoles des métiers" que nombres d'entreprises créent afin de se doter des compétences spécifiques à leur offre de produits et services (école "La Source" chez Nature et Découvertes (3), écoles de la relation à distance et de la distribution chez Orange).
De même, le repli sur soi semble plus l'exception que la règle. Les démarches d'innovation incluent désormais fréquemment les universités d'entreprise comme lieu de cristallisation des savoirs : la connaissance produite par les opérationnels, en situation, y est formalisée puis redistribuée sous différentes formes, dont les réseaux sociaux d'entreprise. Par ailleurs, les acteurs de l'environnement de marché sont invités à contribuer aux réflexions (Institut d'exploitation ferroviaire de la SNCF(4)). 

Centre de gravité, donc... anthropologique
, parce que, génératrice et passeuse de rites et mythes, l'université d'entreprise est le centre culturel géosymbolique de l'institution, le lieu d'où sa culture émane.
Organisationnel
, également, car elle participe d'un écosystème d'acteurs la reliant :
- à l'ensemble de la ligne managériale ;
- plus étroitement encore à certaines fonctions comme la Direction des ressources humaines, la Direction des relations sociales et la structure de conseil interne quand elle existe ;
- à l'environnement de marché enfin, par la mutualisation de formations, l'invitation d'experts... De ce fait, elle est partie prenante du management de et par la marque. En atteste par exemple Innoval, à Limoges, qui réussit à incarner dans un même lieu la marque Legrand dans toutes ses dimensions : interne - formation et motivation des collaborateurs - et externe - showroom et formation des clients.
Certains ont pris conscience de ces enjeux plus tôt que d'autres, telle Annick Renaud-Coulon(5), fondatrice du Club Européen des Universités d'Entreprise (6), qui fête ses dix ans d'existence.
A l'heure des travailleurs du savoir, de la perte de sens, de l'impératif de développement de l'employabilité, souhaitons que tous s'y intéressent de plus près encore.   

(1) Voir par exemple : "Collectifs de travail, enjeux et stratégie de mise en place", http://nicolashumeau.blog.lemonde.fr/2011/07/19/collectifs-de-travail-enjeux-et-strategie-de-mise-en-place/
(2) "Université d'entreprise : n'y-a-t-il pas usurpation de titre ?", Blog formation-professionnelle.fr, 20 juin 2011
(3) Extrait du site Web de la société : "Aujourd'hui, la formation, c'est une école, « La Source », créé en 1992 : plus de 25 modules de formation, 30 formateurs internes et une sélection de formations en externe pour s'ouvrir à d'autres compétences. De nombreuses formations ont également lieu sur le terrain en magasin. Les objectifs de la formation (6 jours de formation par an, en moyenne) sont multiples : partager des connaissances, échanger des expériences, acquérir une meilleure culture générale sur les produits et services et la politique environnementale de Nature & Découvertes, augmenter les compétences terrain pour mieux servir les clients"
(4) Extrait du site web de l'Institut : "Prendre l'initiative de créer un Institut de l'exploitation ferroviaire plutôt qu'une structure interne, envisager son ouverture à terme à d'autre acteurs, c'est aussi un façon pour la SNCF d'assumer pleinement ses responsabilités d'intégrateur d'un système ouvert"
(5) http://www.renaud-coulon.com
(6) http://www.europeancorporateuniversities.com