Rire & pastiche, tout est dans la manière
La Cour d'Appel de Paris vient de rappeler les critères classiques de l'exception de pastiche en matière de droit d'auteur, tout en prenant en compte de manière surprenante le niveau d'éveil du public de l'oeuvre pastichée.
Le Monde après
avoir constaté la publication d'un périodique truculent intitulé « Le
Monte » imitant sa marque et reproduisant les caractéristiques de son propre
quotidien, s’est plaint d’une contrefaçon de marque et de droit d'auteur et d’une
atteinte à son image, à son honorabilité et à sa réputation commerciale.
La Cour d’appel de Paris, dans un
arrêt du 25 janvier 2012 « Le Monde c/ Le Monte », a débouté Le Monde
en considérant que le périodique « Le Monte » était un pastiche
répondant aux lois du genre, à savoir qu’il comportait des transformations
visant à faire rire ou sourire, se distinguait suffisamment
du quotidien « Le Monde » pour n’être pas confondu avec lui et était
dénué d’intention de nuire ou de dénigrer. Elle a rappelé à cette occasion que « l’appréciation de la
qualité ou de l’intensité de l’effet comique produit (est) hors de propos » ; c’est donc
la seule intention humoristique qui compte.
Jusque-là, rien
de nouveau, sauf que pour apprécier l’existence ou non d’un risque de confusion,
la Cour s’est placée du point de vue du public du Monde qui se veut être « des lecteurs lettrés, supérieurement
avertis de la configuration de la presse écrite en France, qui savent
distinguer entre informations et extravagances, journalisme et divagation
(…) au premier coup d’œil jeté sur la
première page ou même seulement sur le haut du journal ».
Ainsi, doit-on en déduire que le champ de l’exception de
pastiche pourrait varier en fonction du degré de discernement des lecteurs de l’œuvre
pastichée, peu important d’ailleurs qu’ils ne soient pas les lecteurs du
pastiche ! Que vaut-il mieux dès lors : avoir des lecteurs avertis ou
des lecteurs non avertis ?