Licenciements économiques : les dernières évolutions du droit

Alors que le nombre de destructions d'emplois atteint des records, comment évoluent la loi et la jurisprudence en matière de licenciements économiques. Le point complet.

En 2008, dans un contexte économique dégradé, les mesures de prévention des licenciements économiques et d'accompagnement des salariés licenciés existantes ont été renforcées. La jurisprudence, elle, a continué à préciser la notion et le régime du licenciement économique.  I) LA PREVENTION DES LICENCIEMENTS ECONOMIQUES   1 - Le chômage partiel (Articles L 5122-1 à 3 ; D 5122-30 à 42 du Code du travail)   Les salariés qui, liés à leur employeur par un contrat de travail, subissent une perte de salaire résultant de la fermeture temporaire de leur établissement ou de la réduction de l'horaire de travail pratiqué en deçà de la durée légale de travail, peuvent bénéficier d'une indemnisation au titre du chômage partiel.   Jusqu'alors la réduction ou la suspension temporaire de l'activité devait être imputable à la conjoncture économique ou à certains événements particuliers : difficultés d'approvisionnement en matières premières ou en énergie, sinistres de caractère exceptionnel...   Cependant, afin de tenir compte de la dégradation récente de la conjoncture économique, l'instruction DGEPF n° 2008/19 du 25/11/2008 précise "les conditions d'une application dynamique du chômage partiel, qu'il s'agisse, par exemple, de répondre favorablement aux demandes des entreprises en redressement judiciaire, dans la perspective de leur reprise ; aux demandes des entreprises de sous-traitance affectées par les difficultés de leurs donneurs d'ordres, ou encore, d'assouplir l'

étation du caractère temporaire du chômage partiel". L'appréciation du recours au chômage partiel est donc assouplie.    Dans ce cadre, les salariés peuvent bénéficier d'une allocation spécifique à la charge de l'Etat ; d'une indemnisation conventionnelle complémentaire à la charge de l'employeur ; d'une rémunération mensuelle garantie. Les allocations de chômage partiel sont versées par l'employeur à l'échéance normale de la paie. L'État rembourse à l'entreprise, si sa demande a été acceptée, le montant de l'allocation spécifique (2,44 ou 2,13 € par heure selon la taille de l'entreprise mais deux projets de décret prévoient de porter, avec effet rétroactif au 1/01/2009, l'allocation à 3,84 €/h pour les entreprises de 1 à 250 salariés et à 3,33 €/h pour les entreprises de plus de 250 salariés et de permettre désormais la prise en charge de tous les salariés - abrogation de l'article R 5122-8 du code du travail qui prévoit des cas d'exclusion du dispositif du chômage partiel) dans la limite d'un contingent annuel fixé, par salarié, à compter du 1/01/2009 à :  * 800 heures pour l'ensemble des branches professionnelles ;  * 1 000 heures pour les industries du textile, de l'habillement et du cuir, pour l'industrie automobile et ses sous-traitants, qui réalisent avec elle au minimum 50  % de leur chiffre d'affaires ainsi que pour le commerce de véhicules automobile. L'avenant du 15/12/2008 (qui n'est pas encore entré en vigueur), modifiant de l'accord national interprofessionnel du 21/02/1968 prévoit de porter l'indemnisation du chômage partiel de 50 à 60 % de la rémunération horaire brute et de fixer à 6,86 €/h le montant de l'indemnité minimale. Lorsque le chômage partiel se prolonge au-delà de 6 semaines (au lieu de 4 semaines avant le décret du 22/12/2008), les salariés dont le contrat de travail est suspendu sont considérés comme étant à la recherche d'un emploi, pouvant alors être admis à l'allocation d'aide de retour à l'emploi versée par l'Assedic ; on parle alors de "chômage partiel total".   2 - Portée de la GPEC   La loi du 18/01/2005 a posé, en matière de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC), une obligation de négociation triennale avec les partenaires sociaux pour les sociétés ou groupes de sociétés employant au moins 300 salariés en France et les entreprises de dimension communautaire employant au moins 150 salariés en France (article L 2242-15), ceci pour planifier les actions à mettre en oeuvre  (par exemple formations, mobilités professionnelles etc....) pour faire face aux mouvements d'effectifs, tout en répondant aux besoins de l'entreprise, et éviter, autant que possible, les licenciements économiques.   Voulant lui impulser une nouvelle dynamique, les partenaires sociaux ont conclu un accord national interprofessionnel le 14/11/2008 (ouvert à la signature) qui prévoit notamment que "la GPEC ne doit pas être un outil favorisant les licenciements collectifs et ne doit pas être considérée comme une étape préalable aux procédures de licenciement économique et aux Plans de sauvegarde pour l'emploi qui obéissent à des règles spécifiques". Pour sa part, l'article 9 de l'accord national interprofessionnel du 11/01/2008 sur la modernisation du marché du travail, étendu par arrêté du 23/07/2008,  estime que "en tant que démarche globale d'anticipation, la GPEC doit être entièrement dissociée de la gestion des procédures de licenciements collectifs et des PSE". C'est une réponse à certaines décisions judiciaires ayant considéré que l'engagement de négocier sur la GPEC était une condition préalable obligatoire à la mise en oeuvre de licenciements économiques (CA Paris 7/03/2007).   L'accord du 14/11/2008 ajoute cependant que la GPEC doit permettre de consolider l'emploi et, le cas échéant, de mieux armer les salariés confrontés à une restructuration.  II) LES DISPOSITIONS COMMUNES AUX LICENCIEMENTS ECONOMIQUES    1 - Définition du motif économique   Tout licenciement pour motif économique doit être justifié par une cause réelle et sérieuse (Art L 1233-2 du code du travail) énoncée par la lettre de licenciement (cause économique et sa conséquence sur l'emploi).   La cause économique : l'article L 1233-3 du code du travail, non limitatif, vise les difficultés économiques et les mutations technologiques. Les difficultés économiques de l'entreprise s'apprécient, si elle fait partie d'un groupe, au niveau du secteur d'activité de ce groupe. Ainsi, une entreprise française prospère peut licencier si des difficultés économiques existent au niveau du secteur d'activité du Groupe d'appartenance (Cass Soc 28/11/2007 n°06-40489). La spécialisation d'une entreprise (ex : fabrication d'un produit déterminé) ne suffit pas à exclure son rattachement au secteur d'activité du groupe dont elle relève (ex : technologies de l'automobile), cette approche étant trop restrictive (Cass Soc 8/07/2008 n°06-45934).   La jurisprudence retient, en plus, la réorganisation de l'entreprise ou d'une association laquelle, si elle n'est pas justifiée par des difficultés économiques ou des mutations technologiques, doit être indispensable à la sauvegarde de sa compétitivité ou de celle du secteur d'activité du groupe auquel elle appartient (pour anticiper des risques ou assurer sa survie - Cass Soc 2/04/2008 n°07-40640) et la cessation complète d'activité (non caractérisée, par exemple, s'il y a fermeture d'une usine et transfert d'activité en raison de nuisances causées à l'environnement - Cass Soc 13/02/2008) si elle ne résulte pas d'une légèreté blâmable et si toutes les possibilités de maintien de l'activité et des emplois ont bien été recherchées (Cass Soc 28/10/2008 n°07-41984).   En revanche, la mise à la retraite d'un salarié par l'employeur, dans le cadre d'une réduction d'effectifs, n'est pas un licenciement (Cass Soc 18/03/2008).   Les conséquences sur l'emploi : la suppression du poste du salarié concerné (la mention, dans la lettre de licenciement, "suppression de 3 postes" a été jugée imprécise - Cass Soc 29/10/2008 n°07-43545) ; la transformation de l'emploi ou la modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail.   La rupture résultant du refus par le salarié d'une modification de son contrat pour un motif non inhérent à sa personne est en effet un licenciement pour motif économique (Cass Soc 24/09/2008 n°07-40694). Par exemple, elle est caractérisée quand un employeur, en raison de difficultés économiques, propose à un salarié une diminution de son salaire sur 3 ans. La modification du contrat pour un motif économique obéit alors à une procédure particulière (art L 1222-6 du code du travail). L'employeur adresse à chaque salarié concerné une proposition de modification par lettre recommandée avec accusé de réception mentionnant qu'il a un mois à compter de la réception pour faire connaître son refus, sinon il est réputé l'avoir acceptée. C'est à la date d'envoi par le salarié de sa lettre de refus qu'il faut se placer pour apprécier le respect du délai légal (Cass Soc 23/09/2008 n°07-42602). Cet arrêt précise clairement que l'employeur qui ne respecterait pas cette procédure, ne saurait se prévaloir ni d'un refus, ni d'une acceptation de la modification par le salarié.   Le licenciement consécutif au refus du salarié, notifié avant l'expiration du délai d'un mois, a été jugé, sans cause réelle et sérieuse, et non pas simplement irrégulier (Cass Soc 05/03/2008 n°06-46094).     2 - L'obligation préalable de reclassement (Art L 1233-5)   Avant tout licenciement pour motif économique (y compris s'il est collectif), l'employeur recherche toutes les possibilités de reclassement existant dans l'entreprise ou le groupe dont il relève, parmi les entreprises dont l'activité, l'organisation ou le lieu de travail permettent d'effectuer des permutations de personnels, y compris à l'étranger, et propose ensuite aux salariés dont le licenciement est envisagé, tous les emplois disponibles de la même catégorie ou, à défaut, de la catégorie inférieure (offres individuelles, précises et écrites).         L'employeur ne peut limiter ses offres de reclassement en présumant du refus de salariés de postes à l'étranger car ils avaient déjà refusé des postes sur Paris (Cass Soc 24/06/2008 n°06-45870). Mais si le salarié a lui-même clairement fixé les conditions de son reclassement après un premier refus (ne pas travailler loin de son domicile pour des raisons familiales), la Cour de Cassation considère désormais qu'il ne peut ensuite reprocher à l'employeur justifiant avoir fait des recherches dans ce périmètre géographique, de ne pas lui avoir proposé de poste hors de celui-ci (Cass Soc 13/11/2008 n°06-46227).   Enfin, l'employeur ayant recruté plusieurs salariés dans une période concomitante à la mise en oeuvre de la procédure de licenciement, et qui n'établit pas l'impossibilité de pourvoir ces postes par la salariée licenciée, n'a pas satisfait à son obligation de reclassement (Cass Soc 24/09/2008, n°07-42.2008).     3 - L'ordre des licenciements (Art L 1233-5 à 7)   Qu'il soit individuel ou collectif, l'employeur doit arrêter les critères déterminant les salariés, qui au-delà des emplois concernés, doivent être licenciés.   La non réponse de l'employeur à la lettre du salarié (envoyée dans le délai légal de 10 jours suivant la fin de son contrat de travail) demandant à connaître les critères retenus pour fixer l'ordre des licenciements cause nécessairement à ce dernier un préjudice distinct de celui réparant l'absence de cause réelle et sérieuse de licenciement (Cass Soc 24/09/2008 n°07-42200). Le cumul d'indemnités est donc, pour la première fois, admis mais dans ce seul cas de défaut de réponse pour l'instant. On peut raisonnablement penser que la Cour de Cassation l'admettra également lorsque l'employeur n'applique pas les critères conventionnels (ou légaux) servant à fixer l'ordre des licenciements.   4 - La priorité au réembauchage (Art L 1233-45)   Ce droit, ouvert pendant un an au salarié licencié, subsiste même en cas de reprise postérieure au licenciement de l'entité économique par un autre employeur (Cass Soc 9/07/2008).     III) Le particularisme du Licenciement économique en cas de procédure collective (Art L 1233-58 du code du travail)   Au cours de la période d'observation ouverte par le jugement de redressement judiciaire, le juge commissaire peut autoriser les licenciements économiques urgents, inévitables et indispensables (article L 631-17 du code de commerce) qui seront prononcés par l'administrateur judiciaire, signataire des lettres de licenciement. Si celles-ci ont cependant été signées par le chef d'entreprise, les salariés n'ont droit qu'à une indemnité pour procédure irrégulière soit au moins un mois de salaire (Cass Soc 11/06/2008 n°07-40352). L'administrateur judiciaire peut dispenser un salarié de l'exécution de son préavis (Cass soc 22/10/2008  n°07-42.140).   L'annulation du jugement de liquidation judiciaire de l'employeur prive de fondement et d'effet les licenciements pour motif économique prononcés en vertu de cette décision par le liquidateur judiciaire, qui sont ainsi sans cause réelle et sérieuse (Cass. soc 16/12/2008 n°07-43.285).

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