Du nouveau dans le report des congés payés

Le salarié victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle l'ayant empêché de prendre ses congés payés peut désormais les reporter. Une porte ouverte à d'autres types de reports ? Le point.

Les congés payés doivent être pris chaque année au cours d'une période fixée à cet effet par la convention collective applicable à l'entreprise, ou, à défaut, par l'employeur, et comprenant obligatoirement la période allant du 1er mai au 31 octobre. Le respect de la période fixée pour la prise des congés est impératif puisque les congés payés non pris au cours de cette période sont en principe perdus, sauf accord de l'employeur ou disposition conventionnelle plus favorable.

Par arrêt en date du 27 septembre 2007, (n°pourvoi  05-42293), la Chambre sociale de la Cour de Cassation admet, pour la première fois, le report des congés payés quand ceux-ci n'ont pu être pris en raison d'une absence liée à un accident du travail ou à une maladie professionnelle.



1. Les faits

Un salarié en arrêt de travail du 22 septembre 2002 au 13 juin 2003 (donc pendant près de 9 mois), en raison d'une rechute d'accident du travail, a demandé un report des congés payés lui restant à prendre avant le 1er juin 2003. L'employeur a refusé sa demande. Le salarié a alors saisi le conseil de prud'hommes qui lui a accordé une somme de 789,14 euros à titre de dommages et intérêts pour refus de l'employeur de reporter les congés non pris. La société employeur s'est alors pourvue en cassation invoquant la violation des articles L.223-1 et R.223-1 du code du travail. La Cour de Cassation a rejeté le pourvoir et a donc confirmé le jugement.  


2. L'apport de l'arrêt : garantir un droit au repos effectif

Le congé doit être effectivement pris chaque année pendant la période prévue à cet effet.

Le salarié ne saurait, en y renonçant, prétendre percevoir une indemnité compensatrice. En effet, les congés constituant un temps de repos, le salarié n'est pas en droit de prétendre à une indemnité compensatrice pour les jours qu'il n'a pas pris, sauf s'il établit qu'il a été empêché de les prendre du fait de l'employeur et à la condition d'en avoir réclamé le bénéfice (Cass. Soc. 25 février 1988).

En outre, la loi ne prévoit la possibilité de reporter les congés payés non pris qu'à titre exceptionnel, lorsque la durée de travail est décomptée à l'année (article L.223-9 du code du travail) ainsi qu'au profit de salariés de retour d'un congé maternité ou d'adoption (article L.223-1 al.2 du code du travail). En effet, lorsque le congé de maternité d'une salariée coïncide avec la prise des congés payés annuels dans l'entreprise, l'employeur est tenu de lui permettre de prendre ses congés hors période.

En dehors de ces cas, et sauf dispositions de la convention collective applicable qui soient plus favorables (Cass. Soc. 13 janvier 1998) ou accord individuel conclu avec l'employeur (Cass. Soc. 27 septembre 2007 n°06-41744), la Cour de Cassation se refusait à étendre la possibilité d'un report des congés payés acquis aux autres cas d'absence.

Par l'arrêt du 27 septembre 2007 précitée, la Chambre sociale de la Cour de Cassation a donc opéré un revirement de jurisprudence en considérant le refus de report des congés par l'employeur comme fautif, au motif que le salarié, victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, a le droit de reporter les congés payés acquis après la date de la reprise du travail. Elle justifie cette solution inédite par le droit communautaire. L'arrêt fait en effet référence à la directive du 23 novembre 1993 sur l'aménagement du temps de travail et à la finalité assignée aux congés payés annuels. La Cour de Justice des Communautés Européennes, interprétant le texte communautaire, a en effet considéré que le droit de congé annuel constitue un principe de droit social communautaire revêtant une importance particulière car garantissant un droit au repos effectif (CJCE 6 avril 2006 aff. 124/05 points 28 et 29).

Ainsi, pour la Cour de Cassation, le report des congés payés non pris est, en quelque sorte, de nature à garantir l'effectivité du repos accordé par la loi au salarié.

Elle prend cependant la peine de circonscrire le droit au report des congés payés : "lorsque le salarié s'est trouvé dans l'impossibilité de prendre ses congés payés annuels au cours de l'année prévue par le code du travail ou une convention collective, en raison d'absences liées à un accident du travail ou à une maladie professionnelle".


3. La portée de l'arrêt : les absences liées à d'autres motifs

La Cour de Cassation admet l'éventualité de déroger à l'annualité des congés payés.

Toutefois, les juges de cassation se bornent, dans leur décision, à évoquer les absences dues à un accident du travail ou à une maladie professionnelle sans se prononcer sur les absences liées à d'autres motifs.

Il est donc impossible, pour l'instant, de déterminer s'ils entendent étendre cette solution aux absences liées à une maladie non professionnelle, et plus généralement, à d'autres cas d'absences.

Une extension du droit de reporter les congés payés à la date de reprise du travail, à ces autres cas, nous semblerait cependant être de nature à répondre à l'objectif communautaire de garantir aux salariés un droit au repos effectif.

Aussi, et bien que le succès de son action ne soit pas assuré, un salarié pourrait éventuellement tenter de demander judiciairement des dommages et intérêts si son employeur refusait, par exemple, une demande de report de ses congés à une date postérieure à la fin de son arrêt de travail causé par une maladie d'origine non professionnelle.   

Il sera précisé que l'arrêt du 27 septembre 2007 ne concerne pas le cas où le salarié tombe malade au cours de ses congés payés. Dans ce cas, le salarié ne peut exiger, sauf dispositions conventionnelles plus favorables, de prendre ultérieurement le congé dont il n'a pu bénéficier du fait de son arrêt de travail, l'employeur s'étant acquitté de son obligation à son égard (Cass. soc. 4 décembre 1996).