La France a un incroyable “Talent Recruiter”
"Top Recruiter: The Competition" : dans ce programme de téléréalité américain, diffusé depuis 2012, des professionnels des Ressources Humaines s’affrontent pour mériter le titre tant convoité de "meilleur recruteur". Et si ce concept débarquait en France ?
Cuisinier, pâtissier, danseur, chanteur, patineur, plongeur, séducteur, aventurier : on ne compte plus les émissions qui cherchent à révéler des talents en France, avec en général un bon accueil du public. Pourtant, début septembre, The Apprentice, Qui décrochera le job ? sur M6, où des candidats s'opposent pour décrocher un poste de Directeur du développement commercial en CDI, a été déprogrammé au bout de deux épisodes seulement.
Pourquoi un tel flop médiatique, alors que Top Recruiter a passionné au point de se décliner cette année en une série de films documentaires, dont la sortie est prévue en novembre ? Ce n’est pas la thématique du recrutement qui a pêché. Nicolas Coppermann, patron d'Endemol, société productrice de The Apprentice, a lui-même donné la réponse : "On s’est planté sur le concept".
Effectivement, là où The Apprentice retrace le parcours classique d’un candidat, Top Recruiter passe de l’autre côté de la barrière, apporte quelque chose de nouveau en pénétrant directement dans les coulisses du recrutement pour en divulguer tous les rouages. Et si le prochain programme de téléréalité sur nos écrans mettait en scène ceux qui, aujourd’hui, détectent, sélectionnent, attirent et intègrent ces talents dans nos entreprises, à quoi ressemblerait-il ?
Challenge n°1 : Comment me trouvez-vous ?
Pour des questions d’optimisation des coûts et de réduction des cycles, les recruteurs sont aujourd’hui amenés à utiliser de plus en plus d’outils technologiques pour détecter les meilleurs talents. Jobboards, réseaux sociaux et CVthèques en ligne viennent s’ajouter aux bases de données internes, pour former un gigantesque vivier de candidats. Les premiers entretiens de sélection peuvent par ailleurs se faire par webcam, avant de ne finalement rencontrer en face-à-face que les postulants les plus convaincants. Les événements de recrutement (salons, forums, événements "maison") sont également un levier fort et efficace, tout comme peut l’être un réseau personnel.
Dans cette épreuve, les prétendants au titre de "top recruiter" auraient pour mission de trouver la meilleure combinaison possible entre ces outils et processus, pour détecter les profils les plus en adéquation avec un poste donné. Les pièges ? Il est, par exemple plus difficile de détecter les signes non verbaux envoyés par les candidats par écran interposé ; l’approche via les réseaux sociaux permet certes de toucher un plus grand nombre de personnes, notamment celles qui ne sont pas en recherche active, mais nécessite de repenser la façon dont on les adresse.
Challenge n°2 : Dis-moi ce que tu tweetes, je te dirai qui tu es
Certains prétendent qu’ils peuvent juger un candidat juste en le regardant dans les yeux. D’autres ne jurent que par les évaluations, enchaînant les questions pour tester les capacités cognitives. Dans la pratique, la réussite d’un collaborateur ne dépend pas seulement de son aptitude à gérer les problématiques liées à son secteur et à son activité, mais également de son attitude dans l’entreprise, de son engagement vis-à-vis de son employeur, de son potentiel de développement.
Dans cette épreuve, serait donc jugée la capacité à trouver le mix parfait entre ces différentes composantes. Et de jongler, pour cela, avec tous les outils disponibles : les évaluations (des aptitudes, des compétences), afin de détecter les capacités utiles au poste mais également transverses, et le potentiel d’évolution ; les tests de personnalité, afin de valider leur adéquation avec la culture de l’entreprise, son mode de management ; la visibilité sur les réseaux sociaux : centres d’intérêt affichés, implication dans des groupes de discussion, articles de presse relayés, recommandations d’autres membres ; et le "feeling" personnel !
Challenge n°3 : Qu’on leur donne l’envie
Le recruteur est bien souvent la première personne de l’entreprise qu’un candidat rencontre. Certes, l’image employeur ne repose pas que sur lui ; le pouvoir d’attraction démarre bien en amont, et dépend de tous les processus et initiatives mis en place dans l’organisation : bien‑être des salariés, opportunités de développement personnel et professionnel, qualité du management, niveau de rémunération, implication sociale et environnementale, etc. Le recruteur n’en reste pas moins un rouage essentiel de la machine, dont le rôle sera – notamment – de représenter l’entreprise.
Dans cette épreuve, il s’agirait pour le recruteur de trouver la meilleure balance entre temps d’écoute et temps de parole en entretien, afin d’à la fois bien cerner toutes les facettes d’un candidat et de lui exposer justement les valeurs de l’entreprise. Et d’adopter un processus respectueux tout au long du cycle de recrutement, que celui-ci continue jusqu’à l’embauche effective, ou s’arrête en chemin. Rien n’est en effet pire pour l’image d’une entreprise qu’une mauvaise expérience au cours d’un processus de recrutement.
Challenge n°4 : Welcome aboard
Un recrutement ne s’arrête pas à la signature du contrat de travail. L’intégration du nouvel arrivant, ou "onboarding", ne s’improvise pas non plus au dernier moment. Avant même son premier jour, l’entreprise pourra lui offrir un accès à son intranet, lui envoyer une vidéo de bienvenue, gérer une bonne partie des détails administratifs liés à son poste. Ensuite, livret d’accueil, présentations, documentation, aménagement des bureaux, matériel mise à disposition, programmes de formation, attribution d’un tuteur, sont autant d’initiatives que l’entreprise pourra prendre afin que le nouveau collaborateur soit opérationnel le plus tôt possible.
Dans cette épreuve, les apprentis "Top Recruiters" auraient à suivre un candidat fraîchement embauché de sa prise de poste jusqu’à sa parfaite intégration dans l’entreprise, tant humaine que professionnelle. Ne pas oublier les basiques, communiquer, savoir répondre aux inquiétudes, détecter les malaises, rectifier le tir en cas de besoin, suivre les évolutions de compétences, analyser les premières performances : autant de défis à relever pour s’assurer que le nouveau collaborateur se sentira suffisamment à l’aise dans ses fonctions, dans son environnement de travail, avec ses collègues et son management, pour participer rapidement et pleinement à l’atteinte des objectifs de l’entreprise.
Challenges n°5 : L’entretien d’embauche, reverso
Un mauvais recrutement peut avoir des conséquences désastreuses sur les finances d’une entreprise. Car il ne s’agit pas juste des coûts de recrutement et de formation qui sont dépensés en vain. Perte de productivité, impact négatif sur le moral des autres salariés ou sur la relation avec les clients, perte d’opportunités business, sont d’autres dommages collatéraux. Une étude[1] montre que le coût moyen d’une erreur de casting s’élève à 40 000 euros. C’est dire si l’entreprise doit choisir avec soin celui ou celle qui aura la charge de développer son capital humain.
Dans cette épreuve finale, les recruteurs auraient donc à défendre l’ensemble de leur parcours dans cette aventure, leurs temps forts comme leurs échecs. Savoir représenter les intérêts et les valeurs de l’entreprise, nouer des relations fortes avec les candidats, écouter et comprendre, ne jamais baisser les bras, intégrer sans cesse de nouveaux outils : voilà quelques unes des compétences requises pour prétendre au titre de "Top Recruiter".
[1] Etude Harris Interactive pour CareerBuilder, 2013 - http://www.careerbuilder-corporate.fr/2013/05/14/quel-est-le-cout-dun-mauvais-recrutement/