La data RH, pour attirer et garder les talents

Diabolisée hier encore, la donnée est entrée dans une période de grâce dans les organisations. Si son rôle dans la création de valeur pour l’entreprise n’est plus questionné, sa place nécessaire dans la transformation de la fonction RH n’est que très rarement évoquée.

Appliquée à l’homme, la donnée permet de mieux comprendre les comportements, les attentes, attirer et engager sur le long terme les salariés. En support de la fonction RH, la data peut faire émerger le manager du 21ème siècle ; celui qui saura "fidéliser" et "engager" ses collaborateurs.
Redonner du sens à la collaboration
Les nouvelles méthodes managériales ont pu faire croire qu’attirer et garder des talents pouvaient passer par des investissements en équipements technologiques, en mobiliers d’entreprise new age (cloisons en verre transparent, flex office, salles de repos, etc.). Or, la révolution de l’immobilier d’entreprise n’a pour l’instant eu que peu d’effet sur l’engagement des salariés, à en croire une récente étude CRBE. Le salarié français reste d’ailleurs parmi les plus désengagés au travail, selon une étude européenne de l'institut de sondage Gallup. D’autres avancent que dans un monde où la compétition et la performance sont devenues la norme, pour s’attirer les talents, il faut être en mesure de payer le double voire le triple de ce que proposent les géants de la Silicon Valley.

En s’éloignant de ces courants de pensée actuels et en prenant de la hauteur, comme le suggèrent Julia de Funès et Nicolas Bouzou dans La Comédie (in)humaine. Comment les entreprises font fuir les meilleurs ?, il est possible de voir dans la masse de données récoltées un moteur d’amélioration RH. Les organisations ont désormais les moyens de "faire parler" intelligemment les sources grâce à l’évolution des outils d’analyse. Désormais les directions RH s’éloignent progressivement de l’automatisation pour se recentrer à nouveau sur l’humain. La fonction RH est en train de vivre sa révolution : Amazon, par exemple, a abandonné son système automatisé de sélection des CV ; l’algorithme utilisé était fondé sur l’historique des embauches et avait donc tendance à discriminer les femmes candidates aux postes techniques (développeur logiciel par exemple).

D’autres entreprises en sont déjà à l’étape suivante : par l’analyse des "données employés", il s’agit de dégager des avantages pour les deux parties en présence (entreprise & employé). Le traitement des données RH et surtout leur croisement permet de comprendre les motifs de départ de certains employés, voire de les anticiper ou de ne plus ignorer les signes avant-coureurs : demande d’augmentation non acceptée, formations reçues ou non suivies, évolution des évaluations… Autant d’indices qui, pris isolément, passent inaperçus, mais qui prennent un tout autre sens mis bout à bout.

Vers la data RH

Cependant l’intégration de la donnée est encore nouvelle pour les directions RH. Ajoutons à cela que le regroupement des données RH n’est pas simple : le système d’information RH des entreprises est généralement constitué d’une multitude de briques fonctionnelles qui ne dialoguent pas entre elles.

C’est là que les plateformes de Data & Analytics modernes apportent une réponse, en permettant d’agréger des données de sources disparates et de faire apparaître visuellement les tendances et corrélations. Les organisations peuvent envisager des axes d’amélioration et mettre en place les ajustements nécessaires pour renforcer la satisfaction des employés. Il ne suffit pas de savoir identifier les talents, il faut aussi savoir les stimuler, voire les faire émerger.

La nature des données collectées doit donc elle aussi changer. Il faut recueillir un nouveau type de données et lancer des concertations en interne. Il ne s’agit pas seulement de se concentrer sur les données basiques contenues dans le contrat de travail (horaires ou le montant des rémunérations, etc.). Il faudra désormais y inclure les données de satisfaction, sur le management ou sur les outils et applications informatiques proposés.

A titre d’exemple, la BPCE interroge régulièrement ses collaborateurs en utilisant des critères identiques à ceux déployés pour les clients, comme le NPS (Net Promoter Score). Et si ce score n’est pas satisfaisant, la banque peut aller jusqu’à abandonner une nouvelle solution déployée !

Le manager du 21ème siècle : une utopie ?
En ajoutant la dimension data à la gestion des ressources humaines, il est possible de voir émerger le manager du 21ième siècle ; celui qui saura fidéliser et motiver ses collaborateurs tout en en se préservant malgré tout de de craindre la naissance d’une sorte d’agent qui connaîtrait tout sur tout le monde… en effet, grâce au RGPD (Règlement général sur la protection des données), la Data RH va pouvoir se généraliser dans un climat de confiance. Il appartient désormais aux entreprises d’assurer la protection et la confidentialité des données personnelles des employés.

Les directions RH pourront, en plus d’un cadre juridique favorable, s’appuyer sur le délégué à la protection des données ou DPO, nouvel acteur au sein des entreprises de plus de 250 salariés. Ce dernier pourra créer un pont entre employés et RH, tout en garantissant un usage légal des sources.

A ce stade, envisager une nouvelle approche de la donnée et de la fonction RH est nécessaire. La modernisation ou transition des ressources humaines permettra une meilleure compréhension des collaborateurs et une "fidélisation" des talents. En un mot, plus que la technologie, le salaire ou le mobilier, une meilleure compréhension des salariés pourra être moteur de productivité