Twitter rend son API payante : qui sera impacté ?

Twitter rend son API payante : qui sera impacté ? Si elle a fait beaucoup de bruit, la décision de Twitter de rendre payantes les fonctionnalités de son API jusque-là accessibles en mode gratuit devrait avoir un impact limité auprès des professionnels. Mais la prudence est de mise.

L'annonce est tombée jeudi 2 février : "A partir du 9 février, nous ne proposerons plus d'accès gratuit à Twitter API versions 2 et 1.1. Une option payante sera proposée à la place", indiquait Twitter via... Twitter. Les réactions n'ont pas tardé, un bon nombre de fonctions étant affectées par cette nouvelle, parmi lesquelles la recherche et l'analyse d'informations publiées (tweets, tendances par mot-clé, réseaux de relations des membres, etc.) et la publication automatisée et planifiée de tweets. Si l'inquiétude reste entière pour de nombreux robots publiant des informations et des alertes de toutes sortes à l'attention du public en général, les réponses et signaux envoyés depuis par Elon Musk viennent calmer la tempête du côté des professionnels, a priori peu affectés par la nouvelle mais qui restent malgré tout prudents.

Le patron controversé a déclaré le jour de l'annonce de la mesure que cent dollars par mois associés à la vérification de l'identité pour accéder à Twitter API suffiraient "pour en finir avec l'action des robots malveillants et des manipulateurs d'opinion". Si ce montant se confirme, même les PME, associations et chercheurs n'auront plus d'inquiétude à se faire, analyse Nicolas Vanderbiest, fondateur de Saper Vedere, cabinet d'intelligence stratégique spécialisée dans l'analyse des réseaux sociaux. "Tout organisme peut se permettre de débourser 100 dollars par mois s'il le faut pour continuer de mener ses recherches sur Twitter. Seuls peut-être les doctorants, les étudiants pour leur mémoire, voire les pigistes ou blogueurs seraient impacté a priori", ajoute-t-il. C'est gênant certes, mais limité.

A noter que l'immense majorité des acteurs professionnels sont déjà facturés pour l'analyse des données et le social listening. "Notre accès à Twitter est déjà payant", confirme Constance de Villenfagne, responsable de marketing pour l'Europe du Sud de Talkwalker, plateforme d'intelligence consommateur et de veille des réseaux sociaux partenaire de Twitter. "Dans un usage professionnel, on ne peut pas se permettre de rater un seul tweet et seule l'API payante offre cette exhaustivité", précise Nicolas Vanderbiest. "Le flou reste cependant entier pour toute application à usage professionnel qui n'était pas facturée jusqu'à présent, comme par exemple pour afficher automatiquement un tweet intégré dans un article ou espace de travail", conclut-il.

Du côté des agences se servant ou déployant des outils de gestion automatisé de posts et de messages et d'analyse d'audience via l'extraction de followers et de followings, la prudence est de mise : un mur de 100 dollars semble anodin, mais à condition que ce soit précisé noir sur blanc. "L'impact ne devrait pas être important pour les outils de gestion des réseaux sociaux professionnels, mais tout dépendra de l'ordre de grandeur. Souvenez-vous quand en 2017 l'API est devenue payante pour le social listening à partir d'un certain volume de requêtes : du jour au lendemain un service qui était gratuit pouvait représenter plusieurs dizaines de milliers d'euros par mois", analyse Quentin Bordage, CEO de Kolsquare, plateforme d'influence marketing.

Chez Hootsuite, outil de gestion de réseaux sociaux référent du marché, pas de changement : "Nous sommes des partenaires officiels de Twitter et à ce titre ces changements n'ont aucun impact sur notre activité ni sur celle de nos clients". Agorapulse, outil français de gestion de réseaux sociaux,, si on attend plus de précisions notamment sur le prix avant de se prononcer sur l'impact éventuel d'une telle décision, la nouvelle est accueillie favorablement. "Le fait de ne plus offrir d'API gratuite et de la rendre payante assainira le marché car seuls les outils avec un business model pourront continuer à opérer. Sans compter qu'en payant pour l'accès à l'API, on devient client de Twitter et on bénéficie en contrepartie d'un interlocuteur et d'un service de leur part", analyse Emeric Ernoult, fondateur et CEO d'Agorapulse. Même son de cloche chez l'Agence des médias sociaux : "Cette décision est une bonne nouvelle pour couper tous ces robots qui viennent polluer le feed et ne laisser que les outils validés et qui payent l'accès. Cela offrira plus de traçabilité à un prix tout à fait symbolique", analyse Cyril Attias, fondateur de l'agence.

Il n'en demeure pas moins qu'une telle mesure ne garantit pas la fin des robots. "Il est possible de faire du scrapping (collecte massive de données, ndlr.) sans pour autant passer par l'API de Twitter. Une plus grand difficulté d'accès à l'API peut théoriquement avoir l'effet contraire et favoriser le développement de ces robots de scrapping", commente Quentin Bordage.

Quid des robots dont les contenus ou les fonctionnalités sont appréciées des membres ? Un certain nombre devrait être maintenus, selon ce qu'augure la précision donnée par Elon Musk pendant le week-end selon laquelle "Twitter activera une API légère en écriture seule gratuite pour les robots fournissant du bon contenu". Mais la notion de "bon contenu" reste à déterminer et laisse la place à toute interprétation. Si la porte semble a priori ouverte pour les robots de publication d'information gratuites de type services météo, photos de lieux, etc., que dire de tous ces robots d'envoi d'alertes sur les faits et les dires de personnalités politiques, médiatiques ou économiques ? Quid aussi des robots et petits plugins gratuits qui facilitent la vie des utilisateurs, comme les fonctions de rappel d'un tweet, d'affichage en un seule texte de plusieurs tweets successifs ("threads"), de capture d'écran de tweets, de téléchargement de vidéos appréciées, etc. ?

En attendant plus de détails, le marché mise sur un énième rétropédalage de la part de Twitter, du moins pour ce qui est de la date d'entrée en vigueur de cette décision, et ceci afin de mieux préparer la phase de transition.