Guillaume Clément (COO Dailymotion) "Notre algorithme est aux antipodes de ce que proposent les applications sociales vidéo"

Dailymotion fait peau neuve et part à la conquête de la GenZ : ouverture aux créateurs, débats avec les utilisateurs et exploration de contenus. Son directeur général adjoint présente le "nouveau Dailymotion".

JDN. Vous annoncez ce jeudi 11 mai le lancement d'un "nouveau Dailymotion". Qu'est-ce qui change fondamentalement ?

Guillaume Clément est le chief operating officer de Dailymotion © S. de P. Dailymotion

Guillaume Clément. Tout, sauf le nom, Dailymotion, qui reste pertinent car nous souhaitons devenir un réflexe de consommation quotidien pour nos utilisateurs. Dailymotion va désormais proposer une très grande diversité de sources de contenus. Cela passe notamment par un algorithme tout à fait aux antipodes de ce que proposent les applications sociales vidéo. Chez ces dernières, on observe une forte perte de repères, une extrême similarité des contenus, la radicalisation des idées, la violence de débats, le manque de transparence des algorithmes, l'absence de diversité, etc. Or, une plateforme peut tout à fait être cool et divertissante tout en répondant à ces enjeux, c'est-à-dire en proposant des nuances, des contenus de différents horizons et de la découverte dans un cadre sain.

D'où notre signature "change ton feed" pour ce lancement. Dailymotion s'ouvre également à la participation des utilisateurs sous le signe de la bienveillance : la fonctionnalité "react" permet de commenter chaque sujet en vidéo. Nous souhaitons que nos utilisateurs se divertissent, apprennent des choses mais également qu'ils puissent participer, réagir et débattre. C'est un point très fortement différenciant comparé aux autres plateformes. Dans la plupart d'entre elles, la proportion de gens qui réagissent et participent est minime. Nous souhaitons aller vers le débat, c'est plus que jamais nécessaire.

Dailymotion s'ouvre aux créateurs : vous rassemblez 200 d'entre eux en France "et ce n'est que le début" dites-vous. Quelle est votre ambition ?

Nous avons le souhait de rassembler à terme entre 3 000 et 5 000 créateurs en France. Le but est surtout que les utilisateurs s'enrichissent et réagissent aux contenus, qu'il s'agisse d'une vidéo du Monde ou d'une créatrice qui parle de sexisme dans la rue à Paris. L'utilisateur pourra donner un avis sur un contenu professionnel d'un créateur, poster sa propre vidéo, et avoir en retour la réaction d'un créateur à ce qu'il aura dit. Il s'agit vraiment d'ouvrir la plateforme et de ne pas privilégier l'un plutôt que l'autre : c'est l'algorithme et toute l'intelligence artificielle de Dailymotion qui assurera une bonne balance dans la répartition entre les différentes sources, points de vue, manières de décrire, etc. Le but est d'offrir la diversité pour enrichir la perception des gens. Nous sommes les seuls au monde à le proposer aujourd'hui. Evidemment nos équipes assureront la modération de tout cela comme il se doit avec l'aide de l'intelligence artificielle.

Quels sont les critères de sélection des créateurs ?

Dans un premier temps, nous nous sommes concentrés sur les créateurs qui répondent à notre positionnement en proposant une approche d'explication, décryptage, nuance, bienveillance, la compréhension du monde, etc. et surtout qui ont envie de nous rejoindre. En effet, nous ne pouvons  pas sortir le chéquier pour chaque créateur : il faut qu'ils croient à notre projet, que ce dernier va attirer du monde et qu'ils pourront en vivre. Nous avons choisi des créateurs avec des communautés de toutes tailles : par exemple, Verbozz, avec 3,8 millions d'abonnés sur TikTok, spécialiste des nouvelles technologies, Expresso Critique, bien plus confidentiel, 3 500 abonnés sur YouTube et des vidéos d'une extrême qualité sur le cinéma ou Loïc Roussel, 570 000 abonnés sur TikTok, qui décrypte des sujets d'actualité.

Au final les créateurs seront pour vous une nouvelle source d'audiences. Quel modèle de rémunération leur proposez-vous ?

Bien entendu, les créateurs représenteront une nouvelle source de revenus pour Dailymotion. Pour ce qui est des audiences, nous sommes très bien représentés auprès des plus de 35 ans, moyennement auprès de 25-35 ans et très mal auprès des 18-25 ans. Notre objectif est en effet de nous renforcer auprès de la GenZ.

Nous appliquerons aux créateurs les mêmes capacités de monétisation (équipes commerciales et technologie) que nous consacrons aux médias traditionnels selon un modèle de partage de revenus au CPM. Indépendamment du volume, que nous comptons bien chercher, le revenu pour mille vues d'une vidéo (RPM) est très fort chez Dailymotion, il peut monter jusqu'à 6 euros, et les créateurs le savent. Nous sommes la plateforme en France qui monétise le mieux ses contenus. Le volume viendra grâce à notre nouveau positionnement.

Dans un deuxième temps, nous donnerons aux créateurs d'autres moyens de monétiser leurs créations et base de fans, comme les abonnements aux contenus exclusifs. Quant à l'accueil qu'ils nous réservent, nous sommes surpris par leur appétit : ils sont séduits par notre positionnement, ils croient à notre produit et de plus ils connaissent bien notre capacité à générer des revenus.

Depuis l'intégration de Dailymotion à Vivendi en 2015, vous avez arrêté de pousser les contenus des utilisateurs (UGC) pour vous focaliser sur les vidéos de vos éditeurs partenaires, des marques médias professionnelles. Pourquoi ce virage maintenant ?

C'est justement celui-là le vrai basculement et c'est la raison pour laquelle nous insistons sur le nouveau Dailymotion aujourd'hui. Il faut savoir qu'au moment du rachat par Vivendi, Dailymotion n'allait pas très bien. L'entreprise perdait de l'argent et n'était pas assez technologique pour mener de front tous ses combats. Dans ce contexte, il nous a fallu tout d'abord nous concentrer sur le BtoBtoC, c'est-à-dire les annonceurs et les médias traditionnels pour nous sécuriser d'un point de vue industriel. C'est une transformation réussie qui nous a permis de disposer en France de 90% des médias traditionnels qui diffusent de la vidéo équipés de la technologie Dailymotion. C'est une technologie que nous vendons désormais même à d'autres entreprises, au-delà du seul secteur des médias.

Tout cela nous a permis de nous restructurer et de nous solidifier, sauf que la proposition de valeur de Dailymotion.com et ses applications restait minimale. On pouvait y consommer des contenus très orientés musique, sport, news et divertissement, mais la promesse s'arrêtait là. Nous avions même dû fermer les commentaires et même l'upload aux UGC. Désormais que la restructuration de l'entreprise est réussie, nous cherchons la croissance en nous appuyant sur les valeurs de notre groupe : culture, débats, liberté d'expression et rayonnement international.

Quels sont vos objectifs business avec cette nouvelle application et la mise en valeur des créateurs ?

Nous souhaitons doubler notre nombre d'utilisateurs actifs sur trois ans et le tripler sur cinq ans (Dailymotion en France rassemble 19,45 millions de visiteurs uniques par mois selon Médiamétrie en mars 2023). Nous souhaitons devenir un réflexe quotidien et non plus mensuel chez nos utilisateurs. Par ailleurs, nous serons à nouveau sur une croissance à deux chiffres (en 2022, le chiffre d'affaires de Dailymotion a augmenté de 29,5% comparé à 2021, ndlr.). Le BtoC nous servira donc de relai de croissance supplémentaire, en parallèle à notre activité BtoBtoC qui marche très bien.

Comptez-vous lancer ce nouveau Dailymotion également à l'international ?

Oui, dès 2024, tout est prêt. Nous restons en France pour l'instant, où nous investissons des millions d'euros en marketing pour faire savoir et assurer un lancement réussi du nouveau Dailymotion.