Marie-Claude Dupuis (RATP)  "Nous voulons lancer un transport aérien compétitif du VTC premium en 2030"

La directrice stratégie, innovation et développement de l'opérateur de transport présente son plan pour relier 10 grands pôles d'Ile-de-France avec des services de transport par drone.

JDN. La RATP veut créer une filière de drones de transport de personnes (VTOL) en Ile-de-France avec le groupe ADP et le soutien de la région. En quoi consiste cette initiative ?

Marie-Claude Dupuis est la directrice stratégie, innovation et développement du groupe RATP. © RATP

Marie-Claude Dupuis. Au niveau mondial, on compte plus de de 200 projets de VTOL de transport de personnes et autonomes. Il y a un vrai engouement de la part des entreprises et des investisseurs au sujet de cette nouvelle forme de mobilité. Mais l'enjeu de ce secteur est son intégration en milieu urbain dense. Airbus, qui travaille sur ses propres modèles de VTOL, est venu nous en parler il y a  plus d'un an et nous avons commencé à travailler à trois avec ADP sur une feuille de route qui doit nous permettre d'offrir des services de mobilité aérienne à l'horizon 2030. D'ici là, la première étape sera de créer une plateforme d'expérimentation à l'aérodrome de Pontoise (Val-d'Oise), où des tests de vol seront réalisés à partir de juin 2021 par notre premier partenaire, la start-up allemande Volocopter, qui développe des VTOL. L'objectif est de présenter une démonstration opérationnelle pour les Jeux olympiques de 2024.

Pour nous aider concevoir ce projet, nous avons également lancé un appel à manifestations d'intérêt avec ADP et Choose Paris Region, qui prendra fin le 13 novembre. Nous recherchons des solutions dans cinq domaines : les véhicules, les infrastructures et l'énergie, les services en lien avec le Maas, l'intégration dans l'espace aérien ainsi que l'acceptabilité.

Quels types de trajets espérez-vous développer avec cette nouvelle offre ?

Notre objectif est de remplacer les hélicoptères sur les trajets de plus de 30 kilomètres pour un prix concurrentiel avec les VTC premium et moto-taxis, soit environ 80 euros. L'idée serait de relier les grands pôles de la région entre eux et aux aéroports. Nous réfléchissons aussi à une ligne qui permettrait de traverser rapidement Paris d'Est en Ouest.

Quelles infrastructures comptez-vous créer pour accueillir ces engins ?

"L'idée est de construire une dizaine de vertiports avec un maillage dans toute l'Ile-de-France"

L'idée est de construire une dizaine de vertiports qui permettront de faire atterrir et décoller les engins, avec un maillage dans toute l'Ile-de-France. Ils seront soit construits au sol, soit en haut d'immeubles en milieu urbain dense, pour des raisons de place, mais aussi pour limiter les nuisances liées au bruit.

Le modèle économique de ces services est encore flou. Etes-vous certaine de réussir à les rentabiliser ?

Nous essayons de valider le modèle économique. Une des limitations pour l'instant est la présence obligatoire d'un pilote dans les VTOL, qui ont vocation à devenir pleinement autonomes. En particulier lorsque le trajet se fait dans un appareil à deux places, comme celui présenté par Volocopter, ce qui ne permet de facturer qu'un seul passager par vol. Le système ne sera viable que si nous arrivons à enlever ce pilote. Pour obtenir les autorisations, il faudra réaliser des phases de vols tests avec un humain à bord pendant 18 mois à deux ans, comme sur les véhicules autonomes terrestres. L'autre limite vient des autorisations de survol de zones urbaines très restreintes.

Pour ces raisons, croyez-vous aux promesses de certaines start-up du secteur qui affirment qu'elles vont régler le problème de la congestion urbaine en déplaçant une grosse partie du trafic dans les airs ?

C'est n'importe quoi et ça ne verra jamais le jour. Il ne faut pas imaginer que nous allons transformer Paris en une ville avec des VTOL qui circulent partout. L'ordre de grandeur que nous visons est de quelques milliers de trajets par jour.

Marie-Claude Dupuis est directrice stratégie, innovation et développement du groupe RATP, ainsi que membre du comité exécutif. Elle a rejoint la RATP en 2015 en tant directrice du département matériel roulant bus, avant de prendre son poste actuel en 2017. Ingénieure de formation (Ecole Polytechnique), elle a occupé depuis 1988 différents postes de direction aux ministères de l'Environnement et de l'Industrie jusqu'en 2005, où elle est devenue directrice de l'Agence nationale pour la gestion des déchets radiocatifs (Andra).