Antoine Bluy (Lime) "Cette crise est un catalyseur pour les mobilités douces"

Le directeur général de Lime à Paris revient sur la baisse d'activité engendrée par le reconfinement et sur ses expérimentations pour capter de nouveaux utilisateurs en lançant un abonnement illimité.

JDN. Avez-vous décidé de maintenir votre activité pendant ce reconfinement ?

Antoine Bluy est directeur général de Lime à Paris © Lime

Antoine Bluy. Nous avons maintenu notre activité et conservé nos flottes de 5 000 trottinettes et 2 000 vélos Jump. Un peu comme le gouvernement, nous allons réévaluer toutes les deux semaines la pertinence de cette taille de flotte et l'adapterons en fonction de la demande. Nous n'avons pas encore eu recours au chômage partiel, mais cela sera aussi réévalué toutes les deux semaines.

Pendant le premier confinement au printemps, vous aviez cessé votre activité. Pourquoi pas cette fois-ci ?

A l'époque du premier confinement, nous en savions encore peu sur la transmission du virus et nous avions préféré ne prendre aucun risque. En outre, de nombreux secteurs, comme l'éducation, les administrations publiques ou le BTP, poursuivent leurs activités pendant ce second confinement. Cela fait  sens de leur assurer un moyen de transport qui respecte la distanciation sociale.

Le fait de n'être plus que trois opérateurs à Paris vous permet-il aussi de maintenir l'activité plus facilement qu'à l'époque, puisque même en baisse, la demande est partagée entre moins de concurrents ?

Ce n'est pas tant ça, mais plutôt le fait que dans le cadre de cet appel d'offres, nous avons dû baisser notre taille de flotte de 8 000 à 5 000 trottinettes. A ce niveau-là, cela devient plus simple de la maintenir.

Vous avez lancé le 3 novembre un abonnement illimité à Lime et Jump pour 39 euros par mois pour des trajets de 45 minutes maximum. Espérez-vous capter une partie des trajets domicile-travail de ceux qui ne peuvent pas télétravailler ?

Exactement. Nous proposions déjà des forfaits mensuels qui offraient des réductions, mais cette formule illimitée n'était pas prévue avant le reconfinement. Nous l'avons dessinée en une semaine et l'avons lancée en France et en Allemagne, qui a aussi de reconfiné sa population le 2 novembre. C'est une offre spéciale pour le confinement, mais si elle fonctionne bien, nous réfléchirons à l'opportunité de la pérenniser.

Quelles baisses d'activité enregistrez-vous depuis le début du reconfinement ?

Le couvre-feu avait déjà fait baisser nos trajets de 15 à 30% par rapport aux jours précédents.Ensuite, durant le jeudi précédent le reconfinement, lorsqu'il y a eu d'énormes bouchons à Paris, nous avons connu un regain d'activité. Puis tout s'est arrêté net. Nos trajets sont en baisse de 70 à 80% depuis le reconfinement, par rapport aux mêmes jours l'année dernière.

Quelles seront les conséquences de ce reconfinement sur votre secteur ?

Mon avis personnel est qu'à court-terme, la situation sera très difficile puisque nous perdons énormément de trajets à cause des restrictions de déplacement. Mais à long terme, les choses se présentent de mieux en mieux. Nous sommes en train de créer toutes les conditions pour un développement accru des modes de déplacements doux. Cette crise est un catalyseur : ce qui aurait dû se faire en dix ans va prendre six mois ou un an. Lime a dépassé les 200 millions de trajets mondiaux cumulés en octobre et nous avons mis deux fois moins de temps pour passer de 100 à 200 que de 0 à 100. Et de gros marchés sont en train de s'ouvrir en Europe sur les trottinettes. Après l'Allemagne en 2019 puis l'Italie en 2020, ce sera au tour du Royaume-Uni en 2021.

Antoine Bluy est directeur général de Lime à Paris depuis mai 2020, après deux ans comme responsable des opérations de l'entreprise à Lyon. Auparavant, il a notamment été responsable des opérations de la start-up Sea Bubbles et occupé des postes d'analyste chez Unibail-Rodamco et Société Générale.