Agréger moins pour gagner plus : comment Free2Move est devenu rentable

Agréger moins pour gagner plus : comment Free2Move est devenu rentable L'appli lancée par PSA en 2017 mêle un service d'autopartage maison et un agrégateur, qui a totalement changé de stratégie d'intégration pour ne plus être un gouffre financier.

En septembre 2017, ce qui était encore le groupe automobile français PSA (depuis fusionné avec Fiat-Chrysler pour devenir Stellantis) lançait l'agrégateur de mobilités Free2Move. L'appli proposait alors son propre service d'autopartage en free floating dans quelques grandes villes dont Paris, ainsi qu'une vaste agrégation de services de mobilités tiers : autopartage, VTC, vélos ou encore stationnement.

Cinq ans plus tard, la rationalité financière est passée par là, et l'appli n'est plus tout à fait la même qu'à ses débuts. Des changements qui ont permis à Free2move de devenir rentable, une rareté parmi les agrégateurs de mobilités. Certes, l'appli a poursuivi le développement de son offre d'autopartage maison : Free2Move compte lancer trois nouvelles villes d'ici la fin de l'année, en plus des cinq actuelles (Paris, Madrid, Lisbonne, Washington, Portland). Elle a aussi développé dans certains pays dont la France un réseau de concessionnaires dans des zones peu denses devenus des agences Free2Move dans lesquelles les clients peuvent venir récupérer un véhicule loué depuis l'appli, et qui génèrent à présent 20% de ses trajets.

Ni revenus, ni relation client

En revanche, l'agrégateur de mobilités a été profondément remodelé. Car Free2Move a rencontré le même problème de modèle économique que tous les agrégateurs : comment gagner de l'argent en prélevant des commissions à des services qui sont eux-mêmes déficitaires ou réalisent des marges lilliputiennes ? L'équation était insoluble, reconnaît Brigitte Courtehoux, directrice générale de Free2Move. "Ces services ne rapportaient quasiment pas de chiffre d'affaires, nous ne faisions donc que porter des coûts", raconte-t-elle. "Pour que ce soit viable, il aurait fallu atteindre des audiences énormes, donc dépenser beaucoup en marketing, ce qui n'aurait fait que creuser davantage les pertes pendant longtemps."

Autre obstacle majeur dans la relation entre les agrégateurs et services de mobilités, celui de la relation client, de plus en plus jalousement gardée par les services de mobilités, à mesure qu'ils grossissent et ont de moins en moins besoin d'apporteurs d'affaires. L'étape cruciale de la relation client, le paiement, se fait le plus souvent chez l'opérateur du service, qui refuse de laisser partir l'utilisateur dans l'appli de l'agrégateur au risque de le perdre. "Nous avons fini par nous dire qu'il n'était pas viable de ne pas maîtriser la relation client", ajoute Brigitte Courtehoux.

Fort de ces constats, Free2Move a éjecté tous les services qui nuisaient à sa rentabilité et ne permettaient pas à ses clients de réserver puis payer sans quitter l'application. Résultat, on trouve beaucoup moins de services qu'avant sur l'agrégateur, recentré autour de la location de voitures (courte ou longue durée), des VTC, de la recharge électrique et du stationnement.

35 millions d'euros de chiffre d'affaires

Des changements qui ont entraîné la perte de certaines fonctionnalités et donc d'une forme de qualité de service. Par exemple, on ne trouve plus dans l'agrégateur des services d'autopartage comme Getaround permettant de louer et déverrouiller un véhicule sans passer par une remise des clés. C'est le retour des loueurs traditionnels avec leurs agences et leurs contrats à rallonge. La commande de VTC en temps réel a également disparu, laissant place aux commandes à l'avance d'Allocab et Le Cab. Ce qui n'a pas entrainé un effondrement de l'usage, assure Brigitte Courtehoux, puisque ces services agrégés (ainsi que les locations de voitures via les concessionnaires) représentent un tiers de l'activité de Free2Move. Les deux autre tiers sont constitués d'un côté par l'activité d'autopartage maison dans les grandes villes et par la fourniture de services B2B (API et systèmes de gestion de flotte) de l'autre.

Mais l'avantage de ces changements est qu'ils ont permis à Free2Move d'atteindre la rentabilité depuis l'année dernière. Free2Move ne s'épanche pas sur le montant ces profits, mais précise avoir enregistré un chiffre d'affaires de 35 millions d'euros en 2020, en croissance de 20% par rapport à 2019. Free2Move a suivi la leçon d'Uber et de tant d'autres start-up à la recherche de rentabilité : il faut parfois savoir rapetisser pour survivre.