Après un an et demi de galères, le covoiturage courte-distance se rassure

Après un an et demi de galères, le covoiturage courte-distance se rassure Avec les retours massifs au bureau depuis la rentrée, le secteur ressort de la crise avec un modèle économique renforcé et des trajets qui repartent enfin à la hausse.

Pour les plateformes de covoiturage courte-distance, la rentrée 2021 était celle de toutes les incertitudes, mais s'est avérée rassurante. "C'est un énorme soulagement", reconnaît Adrien Tahon, directeur de BlaBlaCar Daily (ex-BlaBlaLines) la déclinaison courte-distance de BlaBlaCar. "Nous avions entamé l'été avec un combo pass sanitaire et variant Delta qui nous faisait craindre de nouvelles restrictions en septembre", précise-t-il. Au lieu de cela, la plateforme dit avoir rattrapé ses volumes de trajets de septembre 2019 (septembre 2020 n'est pas pertinent pour comparer car les trajets étaient toujours en forte baisse). Chez son concurrent Klaxit, les volumes sont même en hausse de 50% par rapport à septembre 2019. La plateforme estime qu'elle sera revenue en octobre à son niveau de février-mars 2020, c'est-à-dire la dernière période d'activité normale, coincée entre les grèves de janvier qui avaient dopé les trajets et le début du confinement mi-mars qui les avait arrêtés. 

Si le marché s'est effondré depuis le début du covid, son potentiel s'est paradoxalement développé. Car dans le même temps, la plupart des autorités organisatrices de mobilités (AOM), principalement des métropoles, agglos ou régions, se sont mises à subventionner les trajets pour les rendre gratuits ou presque pour les passagers. "Début 2020, seule l'Ile-de-France subventionnait les trajets, aujourd'hui ce sont une trentaine d'AOM qui le font en France", relève Julien Honnart, président et fondateur de Klaxit.

Moins de pertes

La plupart des AOM versent également des commissions aux plateformes, ce qui leur permet d'être rentables sur ces trajets. L'exception majeure était la région Ile-de-France, qui constitue la grande majorité du marché français, et a finalement commencé à verser des commissions depuis juin. Mais d'après les opérateurs, celles-ci sont trop basses et les font toujours opérer à pertes. L'apparition de ce modèle économique, bien qu'encore chancelant, "permet de rassurer nos investisseurs", admet Julien Honnart. Même chose chez BlaBlaCar Daily, qui peut convaincre plus facilement sa maison-mère d'investir, comme elle l'a fait en septembre avec des campagnes de communication en Ile-de-France. 

L'autre point positif se trouve sur le versant B2B de ces plateformes, qui se font rémunérer par les entreprises pour leur fournir une application, faire connaître le covoiturage courte distance auprès des employés et animer la communauté. Les démarchages de clients ont repris presque à plein régime en cette rentrée, alors que les entreprises avaient d'autres priorités en plein covid et télétravail que d'organiser une offre de covoiturage. "Cela faisait un an et demi qu'on ramait", raconte Julien Honnart et pour la première fois l'appétence revient chez les entreprises." 

Télétravail : même pas mal

La grande inconnue de cette rentrée était l'impact de la pérennisation du télétravail sur l'activité des plateformes. Chez BlablaCar Daily, on a bien ressenti un léger effet remote, note Adrien Tahon. "Les vendredis sont beaucoup plus faibles qu'avant. Historiquement, ils généraient 5 à 10% de trajets en moins que les autres jours de la semaine avec les départs en weekends, mais en septembre nous sommes plutôt à 10-20% de trajets en moins." Klaxit n'a pas encore ressenti d'effet télétravail, même si 20% de ses entreprises clientes ont accordé plus de deux jours de télétravail à leurs employés.

"Avec le télétravail, les vendredis sont beaucoup plus faibles qu'avant"

Quoiqu'il en soit, le gâteau des transports est tellement énorme que les nouveaux utilisateurs devraient largement compenser d'éventuelles réductions du nombre de trajets hebdomadaires par certains utilisateurs actuels, estiment Julien Honnart et Adrien Tahon. "Ce serait un problème si nous avions déjà saturé le marché des transports du quotidien, mais le covoiturage n'est qu'une goutte d'eau aujourd'hui", développe Julien Honnart. Mieux, il pense que le télétravail peut s'avérer bénéfique. "Si vous prenez votre voiture tous les jours pour aller travailler sans vous poser de questions, il est difficile de basculer sur le covoiturage. Mais si vous organisez davantage votre routine avec des jours de télétravail, vous allez aussi réfléchir à la manière de vous déplacer et organiser vos trajets à l'avance." Se déplacer moins mais covoiturer plus, le nouveau paradigme du secteur ?