Trois enjeux à relever pour généraliser la mobilité électrique en France

Dans un contexte où la loi d'Orientation des Mobilités (LOM) oblige déjà les entreprises françaises qui gèrent des parcs automobiles de plus de 100 voitures à avoir des

"Véhicules à faibles émissions" dans leurs flottes (des hybrides rechargeables, des hydrogènes ou des électriques) avec un taux de plus en plus élevé jusqu’en 2027 : l’Union européenne souhaite accélérer plus fermement cette transition écologique. Mi-février, le Parlement européen a voté la fin des ventes de véhicules thermiques au sein des pays membres à partir de 2035 pour laisser place à une flotte 100% électrique. Pour autant, toutes les zones sur le continent ne sont pas au même état d’avancement et plusieurs enjeux restent à relever pour généraliser la mobilité électrique...

Des disparités en fonction du contexte territorial

En France, l’univers de la mobilité électrique fait ressortir des spécificités territoriales, des habitudes de conduite différentes comme des divergences régionale au niveau économique. Cela montre qu’il existe un phénomène de polarisation qu’il est important d’atténuer sur le territoire français comme à l’échelle de l’Europe où chaque citoyen européen doit pouvoir accéder facilement à la mobilité électrique.

Alors que la Norvège s’érige en leader mondial de la mobilité électrique, d’autres pays nordiques suivent de près, malgré leurs grandes étendues à travers le pays impliquant de longs trajets. Quant aux Pays-Bas, numéro deux européen en nombre de véhicules électriques et où les trajets sont plus courts, l'infrastructure est bien répartie entre les bornes privées et publiques. Le pays reste toutefois prudent sur l'utilisation de la recharge publique rapide du fait d'un réseau électrique très contraint. Plus au sud, en Italie, les réseaux publics sont surtout déployés dans le nord avec un contraste d’équipement saisissant par rapport au sud du pays. Considéré comme un pays où les véhicules ne sont pas encore beaucoup vendus, l’Italie révèle l’effet de polarisation entre les régions riches du nord et les plus pauvres du sud. En Espagne, seules les grandes métropoles sont impliquées. L'étendue du territoire et la politique générale ne permettent pas une transition adaptée. Le Portugal figure quant à lui comme le bon élève des pays du sud en ayant rapidement perçu l'importance de la décarbonation de ses transports, même si le parc d’infrastructures se développe lentement.

Une ré-industrialisation au service de la transition électrique

Pour éviter ce phénomène de polarisation au sein de plusieurs pays, comme c’est le cas en France, une implantation industrielle plus dense est nécessaire. La création de plusieurs usines européennes de fabrication de batteries et de véhicules sur le continent, au plus proche des clients, et validant le principe de la baisse d’émission de gaz à effet de serre par une logistique plus locale, pourrait également jouer un rôle dans la baisse des prix. En France, Renault s’appuie sur le groupe chinois Envision pour construire à Douai une usine de batteries pour équiper ses futures voitures électriques, la construction d’une gigafactory Verkor à Dunkerque et toujours dans la région Hauts-de-France, une troisième "gigafactory" doit voir le jour à Douvrin pour offrir une capacité totale de 24 GWh à l'horizon 2028-2030, voire 32 GWh si un quatrième bloc de 8 GWh est mis en service.

Un enjeu de financement du secteur

Pour démocratiser la mobilité électrique, le déploiement de stations de recharge publiques comme privées, s’avère également capital, pour les urbains comme pour les ruraux, amenés à effectuer de grands trajets et plus consommateurs des modes de transport individuel.

En France, l’infrastructure de recharge ouverte au public ne représente que 10% de la globalité du parc et les Français privilégient la recharge sur les parkings où les véhicules électriques sont stationnés longtemps. Pour favoriser les usages, il est essentiel d’en installer davantage, en particulier dans les résidences collectives et les entreprises. Idéalement, il faudrait déployer 500 000 bornes dans le privé par an dont 60 000 dans les copropriétés, et plutôt favoriser des mécanismes d’incitations fiscales plutôt que des subventions qui travestissent le prix réel des produits.

Même s’ils invoquent la conformité à la Loi d’Orientation des Mobilités et ses 5% de places obligatoires à équiper d’ici 2025, les parkings de la grande distribution montrent l’exemple en ayant compris que l’installation de bornes de recharge est un service d’attraction pour les clients. Pour autant, les autres lieux de passage et de stationnement doivent aussi bénéficier des investissements d’infrastructure de recharge à bâtir. Beaucoup de Français n’ont pas d’autres possibilités que de se garer dans la rue, à proximité de leur logement. Il faudra répondre à cet usage dans les prochaines années. De nombreux investisseurs, comme des fonds de pension de retraite par capitalisation étrangers, investissent déjà sur ces infrastructures. A son échelle, la Banque des Territoires œuvre aussi en ce sens, mais cela doit s’étendre.

Sensibiliser le grand public

Le conducteur, quant à lui, peut être influencé par l’idée reçue qu’un véhicule électrique représente un coût plus élevé qu’un véhicule thermique, comme en atteste la dernière étude du cabinet Deloitte, qui révèle que seulement 8% des personnes interrogées envisagent d'acheter un véhicule électrique. Il est indispensable de faire de la pédagogie à tous les niveaux de la société pour casser l’idée selon laquelle un véhicule électrique serait plus coûteux qu’un véhicule thermique. En effet, le découpage du prix global est simplement bien différent pour chaque catégorie. Pour un véhicule thermique, le budget global est composé à un tiers du prix à l’achat et deux tiers à l’usage alors que c’est l’inverse pour un véhicule électrique. Malgré les prix de l’électricité en hausse, ce modèle permet de s’y retrouver en utilisant son véhicule électrique dès 1000 km par mois.

Pour prendre le virage de la mobilité électrique en France et éviter le phénomène de polarisation, des infrastructures adaptées et bien réparties sur le territoire, une industrie de l’électrique dynamique et la sensibilisation des consommateurs sont ainsi les trois leviers à relever. La mobilité électrique pour tous peut être une réalité en France ; une réalité partagée par tous, bénéfique pour l’économie, la société comme l’environnement, en tenant compte des retours d’expérience positifs des autres pays, un peu plus en avance.