Chocapic, Lustucru... Plusieurs marques induisent en erreur les clients sur l'origine de leurs aliments

Chocapic, Lustucru... Plusieurs marques induisent en erreur les clients sur l'origine de leurs aliments

Un drapeau français sur un emballage ne veut pas dire que le produit est français. En théorie, la loi interdit aux marques cet abus. Mais en pratique un vide juridique le permet.

Un drapeau tricolore, une carte de France, un coq... dans les rayons des supermarchés fleurissent de nombreux symboles et slogans qui évoquent le "Made in France". Les marques, notamment de produits alimentaires, affichent fièrement du bleu-blanc-rouge sur leurs articles, pour signifier au consommateur qu'il achète des produits français. C'est notamment le cas pour de nombreux paquets de pâtes, raviolis, nuggets, cordons bleus, céréales, etc.

Des marques très connues comme Lustucru (qui revendique 2/3 de matières premières françaises utilisées pour la fabrication de ses produits), Chocapic ou encore Père Dodu usent de ces symboles chauvins pour certains de leurs produits (tagliatelles, céréales bio, nuggets de poulet, cordons bleu). Mais en lisant attentivement les emballages, on s'aperçoit que les ingrédients principaux ne sont pas forcément français mais proviennent de différents pays de l'Union européenne. En effet, sur les emballages, la mention "origine UE" est inscrite, en tout petit. En clair, seule la transformation finale du produit est effectuée en France.

Cette pratique des symboles tels le drapeau tricolore qui vise à franciser abusivement des produits alimentaires est pourtant proscrite par le droit français. En octobre 2021, la deuxième loi Egalim a interdit clairement "de faire figurer un drapeau français, une carte de France ou tout autre symbole représentatif de la France sur les emballages alimentaires lorsque les ingrédients primaires (...) ne sont pas d'origine française". Une telle présentation peut être donc juridiquement qualifiée de "trompeuse". Elle est passible de 300 000 euros d'amende et de deux ans de prison.

Problème, le décret d'application devant préciser les modalités concrètes de cette interdiction n'a jamais été publié par le gouvernement. Ce vide juridique permet aux industriels de continuer à multiplier les références aux couleurs nationales même si leurs approvisionnements en matières premières viennent de l'étranger.

Interrogé par Médiapart, le ministère de l'Economie explique avoir renoncé à publier ce décret "qui se heurterait aux règlements européens sur l'étiquetage alimentaire". L'association Foodwatch déplore "ce recul en catimini d'une mesure adoptée de haute lutte à l'Assemblée nationale".

Faute d'interdiction applicable, les agents de la répression des fraudes ne disposent plus que de leur pouvoir général de sanctionner les pratiques commerciales déloyales. Ils peuvent difficilement lutter contre les dérives les plus flagrantes. Résultat, les rayons regorgent de références arborant un soi-disant blason tricolore bien que leurs composants viennent de l'étranger.

Le gouvernement a annoncé vouloir renforcer les contrôles et la transparence sur l'origine réelle des produits alimentaires vendus en France. Mais les changements concrets se font attendre, laissant la porte ouverte aux ambiguïtés marketing. En attendant, les consommateurs sont incités à lire avec attention les petits caractères sur les emballages pour savoir précisément d'où proviennent les ingrédients de leurs achats.