Michèle Benzeno (Webedia) "Jeuxvideo.com devient JV et le site sera refondu en septembre"

La directrice générale en charge du développement du géant français du gaming fait le point sur le repositionnement de son site.

JDN. Le site Jeuxvideo.com fait évoluer sa marque et devient JV. Pourquoi ?

Michèle Benzeno est la directrice générale en charge du développement de Webedia. © S. de P. Webedia

Michèle Benzeno. Ce rebranding n'est pas un simple coup de marketing ! Il témoigne de notre volonté de mettre ce média historique en phase avec les mutations profondes qu'a connu l'univers du gaming. 2020 a été une année incroyable. La sortie de deux nouvelles consoles, la PS5 et la Xbox Series X, a généré une croissance telle qu'elle a fait du jeux vidéo la première industrie dans le monde, avec 180 milliards de dollars de revenus annuels, devant le cinéma et la musique. Les usages se sont démocratisés avec le confinement, le jeux vidéo n'est plus l'apanage des hardcore gamers et on voit même qu'une ministre de la Culture comme Roselyne Bachelot en a fait un des piliers majeurs de notre industrie créative. Le jeux vidéo est devenu le ciment de notre pop culture et d'une industrie du divertissement, qu'il s'agisse du cinéma, de la télévision, de la musique ou des mangas… Présent depuis 25 ans, Jeuxvideo.com se devait d'évoluer. Le site devient une marque multiplateformes présente sur le Web, in-app et sur des environnements comme Facebook, TikTok ou Twitch.

Un mensuel papier dédié aux jeux-vidéo existe déjà, qui s'appelle lui aussi JV. Ne craignez-vous pas qu'il y ait confusion ?

On a évidemment contacté les fondateurs du magazine en amont du rebranding pour les en informer. On en a profité pour discuter des passerelles que nous pourrions mettre en place entre les deux marques, via de la promotion croisée par exemple. Et on leur a assuré qu'on n'avait nullement l'intention d'aller sur le print ! Pas de risque de parasitisme donc.

Comment évolue la ligne éditoriale ?

On maintient les piliers historiques que sont le traitement de l'actualité, via des news, des reportages, des tests, des solutions… Mais on s'ouvre à tout ce qui est lié à la culture du gaming, qu'il s'agisse de séries et animés lancés par Netflix et inspirés de jeux vidéo, comme Resident Evil, Far Cry, Castlevania, ou The Witcher. Ou de films de cinéma comme Tomb Raider, Detective Pikachu ou Sonic. On veut s'ouvrir à une cible plus large, devenir un média enthousiaste et incarné par des personnalités comme Salomé Lagresle à la présentation de la nouvelle formule du "Journal" ou Marie Palot avec "Snackgame". Un média dont les formats s'adaptent aux codes de chaque plateforme et typologies de joueur, du plus occasionnel au plus core, avec un gros tropisme vidéo que des formats comme le "Daily" ou "Gamelist" symbolisent bien. Un média qui se donne la possibilité de passer en live pour des événements qui comme l'E3, par exemple, nous donnent l'opportunité de revoir toute notre grille de programme.

Jeuxvideo.com, c'est aussi des forums qui font régulièrement l'actualité, rarement pour les bonnes raisons. Les forums "Blabla", notamment celui consacré aux "18-25 ans", sont le théâtre de canulars en tous genres qui dérivent parfois en provocations racistes et appels à la haine…

C'est évident que ces forums cristallisent bien des choses. Mais, comme souvent dans ces cas-là, on ne retient que le négatif. Sur les plus de 170 000 messages qui y sont publiés chaque jour, moins de 2% sont supprimés par nos équipes de modération. C'est bien la preuve qu'il s'agit d'une communauté de passionnés plutôt que des gens malveillants comme les médias les dépeignent souvent. Ceci étant dit, je tiens à rappeler que nous avons mis en place de nombreuses actions pour renforcer le volet modération. Nous avions 10 modérateurs à plein temps en 2017, nous avons doublé les effectifs dédiés. Nous avons développé une technologie d'IA qui nous permet d'être encore plus vigilants, au point de devenir le champion français de la modération. Ce n'est pas moi qui le dit mais un audit de la Commission européenne, qui démontre que nous sommes bien plus performants que Google et Facebook sur le sujet.

Vous avez néanmoins profité de la refonte du site pour reléguer les forums de "Blabla" tout en bas de page. Pourquoi un tel changement ?

Les forums Blabla ne reflètent pas la réalité des échanges sur Jeuxvideo.com, qui sont réalisés par des passionnés de gaming avant tout. Et ce n'est effectivement pas un hasard si les forums BlaBla ne sont plus vraiment mis en avant.

Pourquoi ne pas carrément y mettre un terme ? Surtout que vous ne les monétisez même plus…

Disons que ça fait partie de nos réflexions. Mais je ne peux pas me prononcer à ce stade.

On voit de plus en plus de contenus de recommandations de produits au sein de JV, avec des liens d'affiliation vers des retailers. Quelles sont vos ambitions sur le content commerce ?

Les mêmes que pour d'autres sites de la galaxie Webedia, comme dans le food. On investit depuis près d'un an dans cette stratégie, avec la création d'une équipe réunissant spécialistes du SEO et journalistes ayant une culture content commerce. On a développé une infrastructure pour se connecter aux marchands qui ont les meilleures offres. Et on compte aller encore plus loin avec une refonte du site prévue pour septembre, qui mettra l'accent sur la vidéo, le social et l'environnement hardware, avec encore plus de comparatifs. JV est une marque très prescriptrice, capable de créer des deals vertueux pour les partenaires retailers. A nous de capitaliser là-dessus.

Vous avez également fait parler de vous début avril, en étant parmi les premiers groupes médias offrant deux options aux internautes : accepter les cookies publicitaires ou payer deux euros par mois…

On a voulu rappeler à tout le monde qu'Internet n'est pas gratuit et que pour pouvoir être en mesure de proposer du contenu à la hauteur des exigences de notre communauté de passionnés, il fallait pouvoir le financer, via de la publicité ciblée ou un abonnement payant. Cela nous a valu quelques commentaires au moment du lancement mais on voit que les choses se sont tassées.

Sont-ils nombreux à payer ?

Non, les gens préfèrent accepter la dépose de cookies publicitaires.

Avez-vous échangé avec la Cnil sur la licéité d'un tel dispositif ?

Nous avons toujours été très scrupuleux concernant les sujets règlementaires. Nous nous sommes très vite rapprochés de la Cnil lorsque l'IAB a lancé son framework de transmission du consentement, pour être sûrs d'avoir une solution conforme. Nous sommes aujourd'hui dans un groupe de travail de l'IAB France sur le sujet du cookie wall et avons des échanges très constructifs avec la Cnil. Il s'agit en revanche de discuter de cas génériques. Chaque dispositif, dont le nôtre, doit faire l'objet d'un avis spécifique de la Cnil, au cas par cas.