Mastodon & Lens : l'émergence des réseaux sociaux de nouvelle génération
Facebook, Instagram, X… les principaux réseaux sociaux ont vu leur image écornée ces derniers mois. Utilisation douteuse des données des utilisateurs, invasion de robots, censure, désinformation, excès de publicité… Les motifs de mécontentement sont nombreux. Le sujet a pris de l'ampleur lorsqu'Elon Musk a racheté Twitter en octobre 2022, qu'il allait ensuite rebaptiser X.
Les utilisateurs à la recherche d'alternatives se sont alors tournés vers les rares alternatives décentralisées existantes, comme Nostr, Farcaster, Lens, Minds, ou encore CyberConnect. Mais deux d'entre eux ont particulièrement retenu l'attention, en particulier des médias : Mastodon et Lens Protocol.
Mastodon, "l'anti-X"
Dans le mois qui a suivi le rachat de Twitter par Elon Musk, le trafic de Mastodon lancé en 2016 a littéralement explosé, augmentant de plus de 600%. Aujourd'hui, le réseau social revendique environ 1,8 million d'utilisateurs actifs, un nombre en constante augmentation. Cependant, ce chiffre reste bien en deçà des 368 millions d'utilisateurs mensuels de X, selon les données de Statista.
Imaginé par Eugen Rochko, un développeur qui voulait créer une version décentralisée de Twitter, ce réseau social se distingue par son approche ouverte, décentralisée et open source. Basé sur un modèle économique financé par des dons et fonctionnant comme une organisation à but non-lucratif, Mastodon repose sur une petite équipe de quatre salariés auxquels il faut ajouter des bénévoles et des freelances.
N'importe qui peut mettre en place un serveur Mastodon, et les administrateurs ont la liberté de le connecter avec d'autres serveurs afin de permettre à leur utilisateurs d'y accéder. Le réseau social repose sur le protocole ActivityPub, qui permet aux utilisateurs d'intéragir avec d'autres réseaux sociaux basés sur le même protocole, comme PixelFed, un clone d'Instagram.Cet écosystème de réseaux sociaux interconnectés est surnommé le "Fediverse".
"La principale préoccupation des créateurs est la perte potentielle d'audience lors du changement de plateformes", explique Renaud Chaput, CTO de Mastodon. "L'introduction d'ActivityPub répond à cette préoccupation, garantissant que les créateurs peuvent migrer facilement. Cela correspond à la volonté des institutions européennes de favoriser la portabilité des données, pour un transfert facile du contenu et des abonnés". Pour de nombreux observateurs, l'interopérabilité, c'est-à-dire la possibilité d'envoyer un message depuis un réseau social vers un autre, par exemple depuis Facebook vers X, constitue en effet l'une des pistes permettant de redonner du pouvoir aux utilisateurs. "L'utilisation partagée d'ActivityPub par diverses plateformes est une force significative", estime Renaud Chaput. "Elle favorise un écosystème ouvert où n'importe qui peut développer un logiciel social, implémenter ActivityPub et rejoindre le fediverse - une collection de serveurs qui utilisent le protocole."
Ce modèle semble d'ailleurs intéresser les géants du secteurs tel que Meta, qui a récemment posté un article évoquant l'incorporation de son nouveau réseau social, Threads, au sein du fédiverse. "Nous voulons que Threads vous permette de communiquer avec d'autres internautes sur d'autres plateformes du fédiverse que nous ne possédons et ne contrôlons pas", écrit Meta sur son blog . "Cela signifie que votre profil Threads vous permet de suivre des internautes qui utilisent d'autres serveurs du fédiverse et d'être suivi par ceux-ci".
Lens Protocol, le réseau social Web3
Lens Protocol a actuellement le vent en poupe, après avoir effectué au mois de juin une levée de fonds de 15 millions de dollars. Lens Protocol est conçu comme un graphe social : ouvert, modulable, et sans restrictions, où la propriété revient aux utilisateurs. De plus, il offre une interface à laquelle n'importe quelle application peut se greffer. Un graphe social met en lumière les liaisons entre diverses entités. C'est en se basant sur cette matrice, riche des interactions entre ses utilisateurs, que de nouveaux réseaux sociaux peuvent voir le jour.
L'un des atouts majeurs du protocole réside dans la capacité offerte aux utilisateurs de concevoir des profils singuliers sous forme de NFT. Ces profils, stockés dans leurs portefeuilles cryptographiques, leur permettent d'archiver du contenu. Il est construit sur la blockchain de Layer-2 Polygon, ce qui permet des transactions plus rapides, moins chères et moins énergivores que le réseau principal d'Ethereum. Un aspect indispensable au vu du grand nombre d'actions que requiert l'utilisation d'un réseau social. Son code ouvert (open source) donne également la chance aux développeurs et innovateurs de façonner des applications sur mesure.
Mais au-delà de ces caractéristiques, la vraie révolution se trouve dans l'usage de la blockchain et des NFT. Ils abolissent littéralement les frontières entre les diverses plateformes sociales, permettant aux utilisateurs de transporter leur identité et historique d'une plateforme à l'autre sans friction. La blockchain renforce aussi l'intégrité des données en garantissant une transparence sans faille.
Enfin, l'aspect le plus disruptif est probablement le changement de paradigme concernant la propriété des données : chaque utilisateur, en tant que propriétaire de son graphe social, détient désormais le pouvoir de monétiser son contenu auprès d'une audience. Depuis le lancement du protocole en mai 2022, Lens a déjà accueilli des centaines d'applications, d'outils et, plus généralement, d'initiatives au sein de son écosystème, nommé "Lensverse".