6 dossiers chauds pour la rentrée des éditeurs en ligne et la presse
1. Le projet de loi Dati sur les recommandations des Etats Généraux de l'Information menacé
Le marché attendait avec impatience pour cette rentrée le projet de loi Dati, censé réguler la mise en place des 17 propositions et recommandations des Etats Généraux de l'Information. Mais la décision de François Bayrou d'engager la responsabilité de son gouvernement le 8 septembre risque de tout faire capoter si ce dernier n'est pas maintenu.
"Notre principale attente vis-à-vis de ce projet de loi concerne les droits voisins qu'il est censé renforcer. Nous espérons que ce principe sera rapidement repris dans une proposition de loi si le gouvernement n'est pas maintenu", explique Léa Boccara, responsable du pôle juridique et des affaires publiques de l'Alliance de la presse d'information générale (Alliance).
2. Droits voisins : la CJUE doit se prononcer sur l'affaire Meta encore cette année
Les éditeurs de presse retiennent leur souffle en attendant la décision de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), attendue pour cette année encore, au sujet de l'applicabilité des droits voisins aux réseaux sociaux. Meta avait contesté en Italie cette obligation en décembre 2023. La cour s'était ensuite autosaisie de l'affaire pour répondre à la question de savoir si les réseaux sociaux relèvent des droits ou non. La réponse à cette question impactera les éditeurs de tous les pays membres de l'UE.
La tension est montée d'un cran depuis que le rapporteur général de la CJUE a rendu son avis, le 10 juillet dernier, en indiquant notamment que lorsque les contenus sont partagés sur les plateformes sociales par les éditeurs de presse ou par les utilisateurs eux-mêmes à titre privé ou non-commercial, ils ne sont pas soumis aux droits voisins. "L'interprétation du rapporteur général réduit à peau de chagrin ce qui serait soumis aux droits voisins vu que seuls seraient concernés d'après lui les contenus de presse partagés en mode public par les utilisateurs, soit quasiment rien", analyse Léa Boccara. "Si la cour abonde dans le sens de son rapporteur général, ce sont les droits voisins dans leur ensemble qui risquent d'être enterrés avant la fin de l'année. Voyant que la directive européenne ne s'applique pas aux réseaux sociaux, Google n'acceptera pas non plus de continuer de s'y assujettir", analyse, circonspect, Pierre Petillault, directeur général de l'Alliance.
3. Pay or consent : l'orientation du CEPD ne devrait plus tarder
Cela fait plus d'un an que l'industrie de l'édition en ligne et de la publicité attend la publication cette fois-ci imminente de l'avis du Comité européen de la protection des données (CEPD) quant au pay or consent sur l'open web. Le CEPD s'était déjà exprimé au printemps 2024 défavorablement sur le pay or consent mis en place par Meta dès novembre 2023, en prévision de l'entrée en vigueur du DMA. Face à l'avis du CEPD et craignant les foudres de la CE, Meta avait revu sa copie quelques mois plus tard, en novembre 2024, en baissant le prix de l'abonnement sans publicité et en permettant une "troisième voie" : les utilisateurs qui se rendent sur leurs paramètres peuvent opter par des "publicités moins personnalisées". La CE doit bientôt se prononcer sur la conformité de ce mécanisme au DMA, ce qui explique sans doute le fait que le CEPD ne se soit pas encore prononcé sur la légalité de ce mécanisme sur l'open web. "Le CEPD risque fort de vouloir généraliser à l'open web son refus du pay or consent. Nous ne sommes évidemment pas favorables à une 'troisième voie'", prévient Léa Boccara.
4. La décision de l'action des éditeurs espagnols contre Meta attendue pour la fin de l'année
Le secteur de l'édition en ligne français s'attend à ce que la justice espagnole rende prochainment sa décision quant à la plainte déposée en décembre 2023 par 83 éditeurs espagnols contre Meta pour concurrence déloyale. Cette affaire est suivie de très près vu qu'en avril dernier plus de 80 groupes médias français ont fait de même auprès du Tribunal des activités économiques de Paris. Ces derniers demandent à Meta près d'un milliard d'euros de réparation. Au cœur de ces actions se trouve le manque à gagner des éditeurs du fait du non-respect par Meta du Règlement général sur la protection des données (RGPD).
5. La presse tiraillée par les coûts de l'activité print
Le papier assure encore 80% des revenus des groupes de presse membres de l'Alliance. "Même chez des éditeurs avec une consommation fortement digitalisée, le poids du papier sur les recettes reste largement majoritaire, il assure les deux tiers pour un titre comme Le Monde", explique Pierre Petillault. "Or, les coûts fixes d'impression et distribution explosent. Des accords de réduction d'effectifs avec des plans de départ à des conditions très favorables ont été négociés avec les syndicats représentants les imprimeries et seront déployés dès la rentrée", poursuit Pierre Petillault. "Nous espérons que l'Etat pourra accompagner les groupes de presse à faire face à ces dépenses.". Autre enjeu majeur de la filière pour la rentrée : la mise en péril du protocole d'accord entre la presse, l'Etat et La Poste qui garantissait des tarifs de distribution jusqu'en 2026.
6. Un financement européen spécifique pour la presse à venir ?
Le cadre financier pluriannuel, soit les priorités budgétaires de l'Union européenne pour la période 2028-2034, a été présenté le 16 juillet par la Commission européenne avec une nouveauté de taille : la prévision d'une aide spécifique pour les médias européens dans le cadre d'AgoraEU. "C'est la première fois que la Commission européenne annonce un soutien financier spécifique aux médias et à la presse, bref à la production professionnelle de l'information", salue Pierre Petillault. La proposition de la Commission doit encore être négociée avec le Parlement européen et le Conseil de l'UE avant son adoption finale et son entrée en vigueur en 2028.