Le courtier en ligne Saxo Bank débarque en France
La banque danoise d'investissement et de trading en ligne se lance sur le marché français. La crise financière devrait l'aider à vendre son expertise en matière de CFD, instruments financiers qui permettent de profiter de la baisse des cours.
Saxo Bank, spécialiste danois de l'investissement et du trading en ligne, a jeté son dévolu sur le marché français. La banque avait préparé son lancement dans l'Hexagone en acquérant en mai dernier le courtier en ligne Cambiste.com. Une fois obtenu l'agrément de la Banque de France pour devenir une banque régulée, Cambiste a pris, le 25 septembre dernier, le nom de Saxo Banque France. Ses deux spécialités : le Forex, marché des devises, et les Contrats sur différences (CFD).
D'après Pierre-Antoine Dusoulier, fondateur de Cambiste.com et désormais PDG de Saxo Banque France, Saxo Bank n'est pas touchée par la crise financière actuelle : "Nos produits sont des alternatives aux produits classiques d'achat d'actions et d'obligations qui permettent précisément de se protéger des fluctuations du marché." Voire d'en profiter.
En effet, les CFD, instruments de trading dérivés de toute une gamme d'instruments financiers - actions, matières premières, devises, indices, titres de créance négociables... -, fonctionnent aussi bien lors des hausses comme des baisses des marchés. "Prenons l'exemple d'un client classique, qui détient depuis un an un portefeuille d'actions du Cac 40 chez un courtier en ligne. La valeur du portefeuille a perdu environ 30 % depuis le début de l'année. Il ne veut pas vendre ses actions - il aimerait toucher les dividendes ou compte sur le fait qu'à plus long terme, les actions remonteront - mais il se doute que le marché va continuer à baisser. S'il ouvre un compte en CFD et vend des CFD Cac 40, dès que le Cac descendra de 1, il gagnera 1. L'inverse est vrai aussi mais ce n'est pas grave, car il détient toujours son portefeuille d'actions chez son courtier en ligne." Un mécanisme compensatoire qui ne fait pas gagner d'argent mais offre une protection contre la baisse de la bourse. Au détail près que la vente à découvert de certains titres (bancaires notamment) est interdite actuellement.
Mais comme l'explique le spécialiste, les CFD permettent d'aller beaucoup plus loin. "Leur intérêt est qu'on peut acheter ou vendre sans posséder le bien. On peut donc 'se mettre short' - c'est à dire vendre - 10 000 euros de Cac 40 et prendre position sur 50 000 euros. Si le Cac descend de 1, alors on gagne 5." L'effet de levier peut aller jusqu'à 1 pour 25. Ainsi pour une mise de 100 euros on peut perdre jusqu'à 2 500 euros, ou les gagner bien sûr.
Or les CFD, arrivés en France seulement à la fin de l'année 2007, se généralisent déjà dans le reste du monde. En Grande-Bretagne, la moitié des transactions sur le marché des actions sont faites en CFD. En France, quasiment aucune. D'où le potentiel considérable que Pierre-Antoine Dusoulier prête au marché français, à condition que celui-ci accepte de se mettre à une pratique - vendre ce qu'on ne possède pas - pour l'instant peu populaire. Et très risquée car fondée sur un effet de levier important.
D'après lui, le Forex est également très intéressant en ce moment. "Ceci parce que l'évolution d'un portefeuille de devises, comme de matières premières, est décorrélée de l'évolution des indices boursiers." Un marché cependant bien particulier qui ne déplaîra pas aux amateurs de sensations fortes puisque les changements sur les devises ont été lors des derniers mois particulièrement brusques.
La situation financière de la banque danoise serait donc, elle aussi, totalement décorrélée de son secteur : en ces temps de disette pour les établissements bancaires, elle affiche depuis 8 ans une croissance supérieure à 50 % par an et son résultat opérationnel évolue à la même vitesse. "Et cela s'accélère : septembre 2008 est le meilleur mois qu'on ait jamais eu, ajoute-t-il. En 2008, nous devrions atteindre 100 % de croissance."
En revanche, conformément à une stratégie déjà déployée dans de nombreux pays, Saxo Bank ne va pas essayer de se faire une place parmi les Boursorama et autres banques bien établies qui proposent des services de courtage. "Plutôt que d'attaquer le marché français en tant que banque, nous avons choisi de proposer notre technologie - en marque blanche notamment - à d'autres acteurs institutionnels, courtiers en ligne ou banques qui disposent déjà d'un marché et le connaissent très bien", explique Pierre-Antoine Dusoulier. 80 % du produit net bancaire de Saxo Bank provient d'ailleurs de tels partenariats.
Saxo Banque France se fixe donc pour ambition d'établir un partenariat avec un grand acteur français dans les semaines qui viennent, à l'image du partenariat mondial qu'a sa grande sœur danoise avec Citibank : "Toutes les transactions de ses clients particuliers sur les marchés CFD et Forex passent par notre plate-forme".
Deux nouvelles plateformes de trading viennent d'ailleurs de s'ajouter à l'offre du courtier en ligne, SaxoMobileTrader et SaxoWebTrader, qui permettent de passer des ordres depuis un téléphone mobile ou sur n'importe quel ordinateur connecté à Internet, sans avoir besoin d'installer d'application spécifique.
Naturellement, le marché français des changes et des CFD commence à intéresser aussi bien les courtiers traditionnels que d'autres types d'acteurs. Ainsi, le britannique IG Markets s'est lancé en France il y a maintenant un an et d'autres acteurs opèrent depuis l'étranger comme WH Self Invest (Luxembourg). Toutefois, cela n'inquiète pas outre mesure le PDG, plutôt pas mécontent de partager avec d'autres l'effort d'éducation des particuliers que nécessitent encore ces nouveaux instruments financiers.