Marketplaces : j'y vais, j'y vais pas ?

Pour qui ouvrir une marketplace fait sens ? Pour qui au contraire vaut-il mieux aller vendre sur les marketplaces ? Il ne faut pas sous-estimer les enjeux dans la chaîne de création de valeurs.

Depuis deux ans, les projets d'ouvertures de marketplaces se succèdent. La Redoute, Galeries Lafayette, Zalando, Nature et découvertes, Monoprix, 3Suisses, et de nombreux autres, qui attendent le bon moment pour communiquer.
Beaucoup d'acteurs de la distribution s'interrogent : dois-je moi aussi ouvrir une marketplace ? Ou alors dois-je aller vendre sur les marketplaces des autres ?

Petit rappel : une marketplace est un lieu d’échanges public ou privé, entre clients et fournisseurs, mis à disposition par un opérateur qui joue un rôle de tiers de confiance, avec mise en concurrence totale ou partielle.
Le concept de marketplace a été défriché par Amazon depuis 2000, suivi quelques années plus tard par les acteurs internet forts sur les catégories compétitives à faible marge comme l'électronique grand public : Pixmania, RueDuCommerce, PriceMinister, Fnac.com, Cdiscount…

Avant toute chose, il faut répondre à une question : suis-je une marque, ou un distributeur ?

Michael Porter a il y a quelques décennies conçu un diagramme qui classifie les entreprises sur 3 axes : le prix, le produit, le service. L'idée est que toute entreprise doit choisir un combat principal, et un seul. En particulier, la marque est forte sur ses produits, le distributeur l'est sur son service.

Une marque mise sur la qualité produit avant tout, et de ce fait ne peut avoir des prix bas, mais peut tenter d'avoir un niveau de service convenable. Un distributeur investit dans ses points de vente, ses parkings, la formation des vendeurs, etc.

Si vous êtes une marque produit, vous pouvez avoir intérêt à aller sur les marketplaces des autres :

  • Vous êtes habitué à distribuer vos produits en indirect dans le monde physique, donc pas de rupture dans votre business model,
  •  Vous n'avez pas de forte compétence de distribution B2C, encore moins en digital, donc pas de complexité.
Les marketplaces vous permettent alors, en s'appuyant en général sur un partenaire logisticien adapté au B2C, de distribuer votre offre en e-commerce sans avoir à en supporter le pilotage en interne.
Si au contraire vous êtes un distributeur leader sur son territoire, avec des centaines de points de vente, distribuer les produits en indirect sur les marketplaces peut sembler illogique :
  • Vous maîtrisez le B2C et êtes en concurrence avec les marketplaces,
  • Vous êtes monté en compétence sur le digital depuis plusieurs années.
De ce fait, ouvrir une marketplace peut vous sembler intéressant pour atteindre 4 objectifs :
  • Optimisation de vos coûts d'acquisition de trafic Web,
  • Élargissement de l'offre produits, tests rapides de nouveaux assortiments,
  • Optimisation du positionnement stock (éviter les ruptures),
  • Optimisation de l'image prix (je préfère faire acheter chez moi un produit vendu par un autre, même si occasionnellement je le source mais à un prix moins intéressant).
Ce choix d'aller sur les marketplaces vous transforme alors peu à peu en opérateur de service : la valeur que vous créez n'est plus tant dans l'offre que vous sourcez, mais dans l'intermédiation que vous offrez entre les fournisseurs et les clients finaux. Avant de se jeter à l'eau, il faut donc reconnaître, en tant que distributeur physique, ses propres limites dans le pilotage produits et prix.
 
L'ouverture d'une marketplace est loin d'être anodine dans la chaîne de création de valeur. Elle chahute les fondamentaux : la cohérence de l'offre et la maîtrise de son contenu, le prix, la relation client, le compte d'exploitation, l'organisation entre centrale d'achats, magasin, équipe digitale… Ceux qui se lancent mettent le font souvent étape par étape, pour roder le modèle pendant 1 à 2 ans avant qu'il ne soit intégré de façon satisfaisante.
Et vous ? Êtes-vous plutôt une marque forte qui doit être vendue partout, un champion du prix B2B qui cherche à atteindre le B2C, ou un distributeur B2C fort qui veut devenir le one stop shopping sur son territoire ?