Vincent Redrado (Digital Native Group) "Les marchands qui ne disposent pas de neuf mois de trésorerie vont traverser des moments difficiles"

Le fondateur du cabinet de conseils dédié aux DNVB prodigue les premières recommandations pour gérer au mieux son activité en pleine crise du coronavirus.

Vincent Redrado, CEO de Digital Native Group. © Digital Native Group

JDN. Quel regard portez-vous sur la crise du coronavirus et ses effets sur les marques digitales ? 

Vincent Redrado. Nous sommes nombreux à penser que le coronavirus mettra temporairement à l'arrêt l'activité du e-commerce. Les produits vendus par les DNVB comme les bougies ou les vêtements ne sont pas des denrées de première nécessité dont la population a besoin en ce moment. Amazon ne sera bientôt plus en capacité d'assurer les livraisons car les entrepôts seront en sursis. Les marchands qui ne disposent pas de neuf mois de trésorerie minimum et qui envisagent de lever des fonds dans les mois à venir, vont traverser des moments difficiles. 

Quelles sont les solutions pour générer de la trésorerie en cette période  ?

Il y a plusieurs leviers à activer pour accroître quelque peu sa trésorerie, en commençant par soumettre le plus de collaborateurs au chômage partiel. Il faut aussi pouvoir s'arranger avec son bailleur pour décaler son loyer, négocier auprès de sa banque les versements différés des échéances de prêt, ou encore reporter les paiements à l'Urssaf. Toutes ces actions doivent être effectuées le plus rapidement possible. 

Comment les DNVB peuvent-elles continuer à assurer une expérience client optimale alors que la chaîne d'approvisionnement et la distribution sont dans le même temps perturbées ?

Effectivement, au-delà du besoin de trésorerie, les marques doivent maintenir leur activité. Dans ce contexte, l'enjeu est de proposer une communication adéquate aux consommateurs en étant transparent sur l'offre disponible sur le site. Il ne s'agit pas d'adopter une démarche commerciale mais au contraire, d'expliquer simplement les mesures mises en place par la marque. Par exemple, une marque peut préciser que la livraison à domicile est maintenue mais que la livraison via Mondial Relay n'est plus assurée, en estimant à peu près la durée. Je pense que la meilleure posture à adopter pour les DNVB actuellement est de rappeler leurs valeurs. C'est l'occasion pour elles de souligner la qualité de leurs produits. 

En cette période, les attentes des consommateurs sont quasi inexistantes de toute façon, étant donné qu'ils ne consomment pas. Personne ne pense à Pâques, à la Fête des mères ou à s'offrir des cadeaux en ce moment. Les marques n'auront pas de nouvelles collections pour les mois d'avril-mai, mais disposeront d'un stock important en raison des faibles commandes au cours des semaines précédentes où elles n'auront pas atteint leurs objectifs de ventes. 

Pensez-vous que les DNVB disposent des ressources nécessaires pour surmonter cette crise ? 

DNVB ou pas, toutes les entreprises sont en ordre de bataille pour tenir le plus longtemps possible avec un minimum de trésorerie, et gérer au mieux la relance. Je suis optimiste pour les moyennes et grosses structures qui pèsent auprès de leurs  fournisseurs. Elles s'en sortiront en réduisant les coûts. Pour les plus petites structures qui atteignent tout juste le million d'euros de chiffre d'affaires, ce sera compliqué sans trésorerie suffisante et sans nouveau produit, même en limitant les frais. 

Une fois la crise passée, je pense que les DNVB auront des marques plus fortes en raison des valeurs qu'elles défendent. On a enfin compris que le fait de tout fabriquer en Chine n'était pas la meilleure idée. Les DNVB auront des cartes à jouer pour opérer les changements de consommation, car elles s'inscrivent dans les valeurs recherchées par la population. A savoir la production locale, le prix juste et la communication transparente.

 

Diplômé de l'école de commerce et de management Toulouse Business School, Vincent Redrado a commencé sa carrière chez PriceMinister au service publicité et partenariat. En 2012, il crée sa première entreprise The Tops, une marketplace lifestyle permettant à la jeune génération d'acheter et partager les dernières tendances et produits. The Tops réunit alors 300 DNVB.  Âgé de 32 ans, Vincent Redrado est le fondateur de Digital Native Group depuis janvier 2019, un cabinet de stratégie opérationnelle spécialiste des DNVB.