Expédition des commandes : comment les DNVB livrent bataille

Expédition des commandes : comment les DNVB livrent bataille Si les livraisons constituent un dilemme pour les jeunes marques en ces temps de crise sanitaire, certaines ont choisi de les maintenir coûte que coûte, quitte à préparer les colis... à domicile.

Alors que la crise du coronavirus impose de réduire au maximum les contacts, les livraisons constituent un risque pouvant faciliter la transmission du virus. Dans ce contexte, la question du maintien ou non de l'expédition des commandes se pose pour les jeunes marques que sont les DNVB. "Poursuivre l'envoi des commandes ne va-t-il pas à l'encontre de ce qui nous est demandé ? Mais les interrompre totalement ne nous condamne-t-il pas à mettre la clé sous la porte ? questionne Mathilde Houset, fondatrice de Smoon, marque de culottes menstruelles créée en février 2019. Cela n'a pas été un choix facile et aujourd'hui encore, nous pourrions tout à fait revoir notre position en fonction de l'évolution de la situation."

"Notre logisticien pousse les marques de première nécessité comme la nôtre à livrer leurs produits"

Pour l'heure, Smoon a décidé de continuer l'expédition des commandes pour permettre aux femmes de vivre leurs règles plus sereinement pendant le confinement, en leur évitant de sortir de chez elles pour se procurer serviettes ou tampons. "Nous avons considéré que le maintien de l'activité avait peut-être un peu de sens", soutient Mathilde Houset. L'une des fondatrices a rapatrié une partie du stock sur son lieu de confinement et se charge elle-même de la préparation des commandes dans le respect des consignes d'hygiène. Une fois prêtes, La Poste prend le relais, comme à l'accoutumée. Smoon dispose d'un packaging sous forme d'enveloppe qui se glisse en boîte aux lettres. La livraison est donc assurée sans contact. Sans surprise, les ventes de la marque ont chuté de 50% au cours des deux premières semaines de confinement. "Nous avons beaucoup stressé, confie Mathilde Houset. Nous venons de souffler notre première bougie alors il va sans dire que nous ne disposons pas de la solidité financière d'un grand groupe. En revanche, nous sommes plus agiles pour nous mobiliser rapidement."

Si les culottes menstruelles appartiennent à la catégorie des produits de première nécessité, c'est aussi le cas des lessives concoctées par Les Petits Bidons depuis janvier 2019. "Les 10 premiers jours de confinement ont été compliqués car nous travaillons beaucoup avec Mondial Relay, qui a cessé son activité en raison de la crise, explique le fondateur, Cyril Neves. Très vite, nous avons décidé de supprimer les récupérations de commande en ne proposant plus l'option Mondial Relay sur notre site." Résultat, la marque a basculé sur l'option livraison à domicile sans frais supplémentaire pour les abonnés, et le coût de la livraison via Colissimo a été revu à la baisse pour ne pas impacter les ventes.
Basé en Normandie, le logisticien des Petits Bidons poursuit lui aussi son activité en tenant compte des mesures de santé et d'hygiène, son équipe ayant été réduite. "Nous avons été avantagés car il pousse les marques de première nécessité comme la nôtre à livrer leurs produits. Son engagement nous aide beaucoup", souligne le fondateur. S'il observe une stabilité des ventes voire une légère décélération ces derniers jours, aucun pic d'achat de lessive en grande quantité n'a été constaté avec les mesures de confinement. Cyril Neves analyse : "Notre business model orienté vers l'abonnement nous permet d'assurer un minimum de chiffre d'affaires et c'est plutôt rassurant. Mais la situation est incertaine car le retail et l'e-shop classique comptent beaucoup et le nombre d'abonnements n'augmente pas".

La cosmétique sur le front

Outre trouver le prestataire adéquat se pose la question de la protection des salariés intervenant sur toute la chaîne, en amont et lors de la livraison. Voici la réponse de Ning Li, fondateur de la marque de cosmétiques Typology, créée en février 2019 : "En amont, les laboratoires avec lesquels nous travaillons sont déjà familiers des mesures de protection de base sur la chaîne de formulation. Le port des masques et des blouses fait partie du quotidien dans le milieu cosmétique et pharmaceutique." En aval, le logisticien de Typology, Néolys, réalise la préparation des colis sans jamais perdre le contact avec La Poste pour s'informer des bureaux de poste ouverts au jour le jour. Quant au conditionnement logistique, celui-ci s'effectue au moyen d'un roulement de deux équipes pour éviter la contamination. L'une est mobilisée le matin, l'autre intervient l'après-midi. Comme les culottes menstruelles de Smoon, les produits vendus par Typology trouvent leur place directement dans les boîtes aux lettres et sont livrés sans aucun contact avec le destinataire. Si les ventes de la DNVB ont connu un impact négatif au début des annonces de confinement, la marque s'est depuis relevée, renouant avec un volume de ventes similaire à la période pré-confinement. "Je suis optimiste mais aussi prudent car, au vu de l'incertitude de la situation, tout peut basculer du jour au lendemain. Nous dépendons aussi de nos prestataires", lâche le fondateur évoquant un éventuel droit de retrait du personnel de La Poste appuyé par les syndicats.

La marque WAAM Cosmetics créée il y a quatre ans, qui a levé pour la première fois au mois de février, se retrouve elle aussi confrontée à la problématique de la livraison pendant le coronavirus. "Chaque matin, je reçois les éléments du jour concernant les bureaux de poste ouverts et qui peuvent donc livrer. De cette manière, nous mettons le site à jour et nous demandons à nos clientes d'être vigilantes au moment de valider leur commande", explique Maryam Keita, responsable marketing digital chez WAAM Cosmetics. Si la livraison est effectuée dans sa ville, la cliente reçoit son colis directement dans sa boîte aux lettres. "Avec notre équipe logistique, nous avons décidé d'optimiser le contenu des colis pour qu'ils rentrent tous dans la boite aux lettres : au maximum deux de petites tailles mais bien remplis", complète Maryam Keita. Impossible de prédire l'avenir mais pour ce qui est du présent, les ventes de WAAM Cosmetics sont en progression d'une manière générale." Dans notre secteur qui est le bio, nous constatons un regain d'intérêt pour le do-it-yourself. Nous remarquons que la cosmétique maison et les produits naturels sont plébiscités en ce moment. Le changement de consommation a commencé."

Produits dispensables

Impossible de savoir comment évolueront les ventes de bijoux, apparentés aux achats plaisirs. Une chose est sûre, la fondatrice de L'Atelier de Solène, Solène de Laborderie, a pris la décision de poursuivre les livraisons. "Je pense que c'était la moins pire, pour limiter au maximum les conséquences de la crise économique qui se dessine", justifie la jeune femme, qui a lancé son projet en mars 2017. Bijoux plaqués or et sertis de pierres fines se trouvent sur le lieu de confinement de la fondatrice. "Le stock n'est pas très encombrant, c'est une chance car les bijoux sont des petites pièces. Je m'occupe de tout à mon domicile, une journée entière sur deux. J'imprime les bons, j'empaquette et j'emballe. Entre une et deux fois par semaine, je dépose les colis à La Poste pour la livraison", détaille Solène de Laborderie, qui n'a jamais envisagé de faire appel à un logisticien. "Mon but est de limiter au maximum les interactions avec les autres. Là, je gère les commandes seule, je me lave tout le temps les mains", abonde-t-elle. Si la première semaine de confinement a été désastreuse pour L'Atelier de Solène, les ventes ont repris sur un rythme presque classique. "C'est encourageant car nous avons encore du stock, mais cela ne durera pas. Nous avons arrêté la production et les boutiques qui représentent 40% du chiffre d'affaires sont fermées", avance Solène de Laborderie.

Pour la marque de matelas Kipli, créée en novembre 2018, le recul des achats avait été anticipé alors que la marque a enregistré une baisse de ses ventes de 50% en France. "Grâce à notre logisticien, nous avons un stock suffisant sur les matelas à succès, les oreillers, sommiers et linges de lit, annonce Antoine Loredo, co-fondateur de la DNVB. Nous arrivons donc à répondre à toutes les commandes même si notre transporteur habituel, spécialisé dans les gros volumes, a dû revoir les méthodes de livraisons des matelas compte tenu de la situation." Si Kipli propose habituellement une livraison premium avec deux livreurs qui déposent le matelas dans la pièce de choix, la marque doit se contenter de livrer le matelas sur le pas de la porte conformément aux règles de sécurité en vigueur. "Normalement, nos délais de livraison sont fixés entre 1 à 2 semaines. Même si on augmente le temps de livraison nous ne sommes pas inquiets car nos concurrents évoluent sur des bases de 3 à 4 semaines", indique Antoine Loredo. 

Chez Stella & Suzie, marque de prêt-à-porter féminin lancé en décembre 2017, la logistique est peu impactée. "Colissimo récupère et envoie les colis trois jours par semaine au lieu de six jours mais les clientes sont compréhensives", sourit Max Minguez, co-fondateur de Stella & Suzie avec sa femme Margaux Minguez-Lahana. D'après lui, le plus gros enjeu reste la production car "on arrivera toujours à trouver le bon transporteur". La marque, qui s'apprête à lancer sa prochaine collection le 12 avril, avant une période indéterminée, a enregistré une baisse de 20% des ventes au début du confinement, mais se réjouit de chiffres plus convenables ces dernières semaines. "On accuse une baisse actuelle entre 5 et 10%, ce qui est moins dramatique car nous avons shooté nos dernières pièces que nous proposons en moindre quantité étant donné que nous avons moins produit, détaille Max Minguez. La baisse est donc logique."

Si les DNVB parviennent encore à livrer leurs produits, ce sont les enjeux de stock et de production qui pèsent désormais sur l'avenir des jeunes marques.