Pourquoi la Google SGE n'est pas encore prête à voir le jour en Europe

Pourquoi la Google SGE n'est pas encore prête à voir le jour en Europe Le géant américain se heurte à différents obstacles, en particulier juridiques. Le DMA et le DSA notamment lui mettent des bâtons dans les roues. Jusqu'à quand ?

Disponible en anglais mais pas que dans plus de 120 pays à travers le globe, la Google SGE, pour Search Generative Experience, s'affiche dans un encart en haut de la SERP, en état réduit ou encore sous forme d'opt-in. L'expérience de recherche répond directement à la requête grâce à l'IA. Un mode conversationnel s'affiche en bas de la réponse. Les sources sont généralement présentes à droite du contenu généré et dans celui-ci.

D'après le moteur de recherche, SGE doit permettre d'approfondir plus rapidement un sujet, de découvrir de nouveaux points de vue et de nouvelles informations plus facilement. Elle permet désormais  d'effectuer des achats ou de recevoir des résumés succincts de différents résultats.

Apparue en mai 2023 aux Etats-Unis, la SGE n'est toujours pas proposée en phase de test en Europe. Un certain nombre d'obstacles, notamment juridiques, y empêcheraient sa venue. Parmi eux,  le DMA. Rappelons que celui-ci doit amener davantage de concurrence dans les services numériques et éviter les logiques d'écosystèmes en Europe. Les services Google comme Search, Youtube, Maps, Shopping, Play ou Chrome sont concernés. Le 6 mars 2024, les plateformes qualifiées de "contrôleurs d'accès" devront d'ailleurs s'ajuster à de nouvelles obligations sous peine de pénalités.

Des points spécifiques pourraient fragiliser le déploiement de SGE sur le Vieux continent.  "Les concurrents de Google pourraient l'attaquer sur la base de l'abus de position dominante", imagine Anthony Bem, avocat spécialisé notamment sur le numérique. "Le DMA pourrait aussi faire figure d'épouvantail pour le géant américain, dans la mesure où le périmètre des services essentiels de plateforme n'est pas clairement défini pour ce qui est des systèmes d'IA", ajoute Gaël Mahé, avocat en droit du numérique. "On pourrait par exemple légitimement s'interroger sur la possibilité de Google SGE d'être considéré comme un assistant virtuel au sens du DMA." Indiquons que selon le DMA,  les contrôleurs d'accès ne pourront plus imposer les assistants virtuels par défaut à l'installation de leur système d'exploitation. "Un écran multi-choix devra être proposé pour pouvoir opter pour un service concurrent."

Autre règle potentiellement problématique pour Google, le DSA. Censé combattre les contenus illicites, dangereux et préjudiciables sur Internet, il oblige à modérer et à être transparent sur les algorithmes notamment. Sont par exemple concernés Google Search, Google Shopping, Google Play, Google Maps et Youtube.

"Avec Google SGE se pose la responsabilité pour les contenus qui seraient illicites ou illégaux", exprime Anthony Bem. "Google peut essayer de se déresponsabiliser vis-à- vis des contenus générés. Mais il ne pourra nier le fait que son IA répond à un algorithme qui lui permet de créer du trafic et donc de gagner de l'argent. Or, le critère financier est souvent retenu pour évaluer la responsabilité d'un site Internet, qui est la qualification juridique de Google, et ce, même s'il n'est pas auteur des contenus illicites."

"Avec le DSA, Les exigences en matière de transparence et d'atténuation de risques, au même titre que le RGPD, pourraient refroidir Google pour  tester son outil sur le territoire européen", analyse Gaël Mahé. Concernant le RGPD, "les tests de Google SGE ont de fortes probabilités d'impliquer des croisements de données et des traitements particuliers nécessaires pour nourrir l'algorithme de l'outil", continue l'avocat. "Le RGPD impose notamment des règles en matière de transparence vis-à-vis des personnes concernées sur les opérations de traitements, ou encore des potentielles collectes de consentements. Ces normes pourraient aussi entraver la mise en place d'un déploiement massif de versions de test de Google SGE."

Des efforts encore trop timides ?

La firme américaine a récemment communiqué sur l'arrivée prochaine d'une bannière de consentement, le choix par défaut du moteur de recherche et du navigateur, l'accord pour partager des données inter services et la mise en avant de liens vers des sites de comparaison. Pour l'instant, les signes d'ouverture de Google dans le sens de ces règles ne devraient pas amener rapidement l'arrivée de la SGE sur le Vieux continent pour nombre d'observateurs.

"Les concessions de Google pour le DMA via des modifications en matière de transparence sont un bon indicateur de sa volonté de se conformer à la réglementation. Mais elles ne présument en rien de son envie de déployer SGE sur le territoire européen à date", estime Gaël Mahé. "Une chose est sûre, les autorités de la concurrence porteront un œil plus qu'attentif au fonctionnement de Google SGE, afin de contrôler notamment le caractère non biaisé des recommandations générées."

David Groult et Roman Fougerolle, respectivement head of SEO et consultant SEO chez  Noiise, qui disent attendre avec "curiosité" l'arrivée de SGE en Europe, ne perçoivent pas dans ces actions même un quelconque signe d'accommodement de la multinationale. "Nous pensons que Google s'est d'abord concentré sur la mise en conformité de ses autres services qui posaient soucis, comme Google Maps, Google Flights, ou Google Places. Nous n'estimons donc pas que ces dernières annonces puissent réellement débloquer la situation de la SGE."

Selon nombre d'observateurs,  Google pourrait jouer la carte de la patience pour parvenir à ses fins. "Il pourrait se focaliser sur l'outil et attendre que le flou juridique lié à SGE disparaisse", raconte Gaël Mahé. "Il est fortement probable que la firme de Mountain View prenne davantage de temps pour parfaitement se contraindre aux attentes de l'Europe", avancent de leur côté David Groult et Roman Fougerolle. Les prochaines communications  de l'entreprise américaine à ce sujet sont très attendues.