Energie, transports, bouchons... trois projets smart city expérimentés cette année à Paris

Energie, transports, bouchons... trois projets smart city expérimentés cette année à Paris Data City, l'initiative d'open innovation de Numa, a dévoilé les start-up sélectionnées par des grands groupes pour les aider à résoudre des problématiques business grâce aux données.

Depuis trois ans, Data City, le programme d'open innovation lancé par l'accélérateur de start-up NUMA et la mairie de Paris , réunit grandes entreprises ou institutions et start-up autour de projets concrets qui font appels aux données pour résoudre des problématiques business et de service public. Data City vient d'annoncer ce 28 février la liste des start-up sélectionnées pour résoudre les quatorze challenges proposés en novembre 2017. Le JDN a sélectionné trois projets qui seront expérimentés cette année dans Paris et sa région.

Identifier les bâtiments énergivores à grande échelle

Y'a-t-il une solution pour repérer des bâtiments à la consommation énergétique anormale sans réaliser un audit dans chacun d'eux ? C'est la question qu'a posé Engie aux start-up. "Nous disposons d'une base de données de la consommation théorique que devraient avoir les bâtiments de Paris," explique Audrey Robat, directrice de l'évaluation des risques métier chez Engie. "Nous aimerions la comparer avec les données réelles récupérées par nos filiales CPCU (chaleur) et Climespace (froid). Cette analyse d'écart nous permettrait de repérer des bâtiments en surconsommation."

C'est là qu'entre en jeu Openergy, une start-up qui développe une plateforme SaaS spécialisée dans la garantie de performance énergétique. "Habituellement, nous modélisons chaque bâtiment (sa géométrie, ses matériaux, ses usages) pour déterminer un objectif de consommation, que nous comparons ensuite à sa consommation réelle," raconte le cofondateur d'Openergy Riad Ziour. "Mais grâce aux données d'Engie, nous allons pouvoir appliquer nos algorithmes de data mining et de comparaison à l'échelle d'une ville." La start-up aidera notamment Engie à déterminer, selon le profil du bâtiment, si sa surconsommation provient d'une mauvaise exploitation des systèmes ou de mauvais comportements des usagers. Autre apport d'Openergy: sa capacité à analyser des plages de consommation très fines, environ toutes les 15 minutes, ce qui permet d'obtenir des informations intéressantes sur la consommation à différents moments de la journée, contrairement à des moyennes sur une semaine ou un mois.

La fiabilité de cette solution sera testée sur cinquante bâtiments parisiens appartenant à la mairie et BNP Parisbas Real Estate.  Dans une dizaine d'entre eux, les gestionnaires de bâtiments fourniront leurs données de consommation pour comparer avec cette nouvelle méthode d'évaluation à grande échelle . L'objectif est ensuite de proposer aux gestionnaires des bâtiments des aménagements dans leurs pratiques qui ne nécessitent aucun travaux mais peuvent tout de même leur faire réaliser des économies substantielles. "Rien qu'avec ces aspects comportementaux, on peut atteindre 20 à 30% de réduction de consommation", assure Audrey Robat.

Connaître en temps réel l'affluence dans les transports

Sopra Steria, une entreprise de services numériques, qui travaille notamment avec des villes et des sociétés de transport sur les problématiques d'information voyageur, leur fournit des données globales sur la fréquentation des transports. Mais elle est pour l'instant incapable de donner ces informations en temps réel. Des données qui permettraient de développer de nouveaux services, par exemple adapter l'itinéraire d'un voyageur en fonction de ses chances d'avoir une place assise dans un bus. "Les moyens de mesure de l'affluence  traditionnels, comme le comptage vidéo, sont assez coûteux.  Il est impossible de les installer dans chaque station de transport en commun," assure Sébastien Chicou, manager de l'innovation chez Sopra Steria.

En Ile-de-France, GeoUniq peut traquer les déplacements de 450 000 personnes avec une précision de 5 mètres et une position mise à jour tous les 25 mètres.

L'entreprise souhaite donc explorer des méthodes alternatives et moins onéreuse pour arriver à ses fins. L'expérimentation sera réalisée dans une station de tram, probablement située sur le boulevard Masséna, dans le XIIIe arrondissement de Paris. Premier partenaire dans cette quête, la start-up GeoUniq, qui produit des données à partir de la géolocalisation des smartphones. "Nous avons installé notre kit de développement (SDK) dans un panel d'applications partenaires, ce qui nous permet de suivre de manière anonymisée leurs utilisateurs qui ont activé la géolocalisation, même lorsque l'appli est fermée," précise Giosué Guastaferro, directeur des opérations de GeoUniq.  En Ile-de-France, la start-up possède un échantillon de 450 000 personnes dont elle peut traquer les déplacements, avec une précision de 5 mètres et une position mise à jour tous les 25 mètres.

Deuxième start-up partenaire de Sopra Steria, Affluences. La start-up agrège et analyse toutes sortes de données provenant de différents capteurs pour calculer la taille des files d'attentes et les taux d'occupation des bâtiments. Ici, elle aura donc pour mission de mêler le comptage vidéo traditionnel de Sopra Steria à la géolocalisation de GeoUniq, ainsi qu'à d'autres sources données qu'elle est habituée à déployer chez ses clients, comme les beacons ou le comptage infrarouge. "L'idée est de vérifier quels types de capteurs seront les plus pertinents," explique le cofondateur d'Affluences Paul Bouzol.  

Mieux mesurer le trafic routier

Se ruiner dans un comptage précis ou n'avoir accès qu'à des estimations à peu de frais. C'est le choix auquel est confrontée la direction des routes d'Ile-de-France (Dirif). Pour calculer le nombre de véhicules présents sur ses routes, la Dirif utilise des boucles de comptage magnétiques installées sur les chaussées des grands axes franciliens. Elles apportent des données précises, mais le parc d'appareils, qui ont été installés pour les premiers dans les années 80, est de moins en moins fonctionnel. "Selon nos estimations, renouveler l'intégralité du parc nous coûterait 40 millions d'euros", affirme Romain Rémésy, chef de l'unité observatoire et ingénierie du trafic de la Dirif. Hors de question.

"Renouveler l'intégralité de notre parc de capteurs nous coûterait 40 millions d'euros."

Depuis quelques années, la Dirif a trouvé une nouvelle source d'information abordable qui lui a permis de ne pas remplacer toutes les boucles de comptages hors service : elle achète des données FCD (Floating car data, ou données de véhicule flottant) issues des informations de géolocalisation des téléphones des conducteurs. Seul problème : les données FCD donnent seulement la vitesse moyenne du trafic, ce qui permet de déduire indirectement son intensité (une vitesse très lente indique des bouchons), mais pas de compter précisément le nombre de véhicules.

Pour obtenir le meilleur de ces de ces deux mondes, la précision à bas coût, la Dirif va faire appel aux capacités d'intelligence artificielle (IA) de la start-up Wintics. Elle offre à la fois des prestations de conseil pour les entreprises souhaitant se mettre à l'IA et développe des algorithmes sur mesure. "Notre proposition, c'est de vérifier si on peut, en se nourrissant des données FCD qui ne représentent qu'une petite partie du trafic, estimer combien de voitures se trouvent sur un tronçon," détaille Quentin Barenne, en charge de la stratégie digitale et la gestion de projets chez Wintics. "Toute la difficulté du challenge est que nous ne savons pas quel pourcentage du total des véhicules présents sur la route envoie ces informations."

Pour y arriver, il faudra donc entraîner un algorithme à calculer l'écart moyen entre les estimations de trafic des données GPS et le vrai trafic mesuré par les boucles de comptage. La comparaison sera réalisée à partir de données historiques portant sur des axes du sud-ouest de la région (n385, n118, A6…) Si la méthode fonctionne avec une précision assez satisfaisante, elle permettra à la Dirif de se débarrasser pour de bon de la plupart de ses boucles de comptage.