La digital workplace face au Covid : des salariés déboussolés, les providers au front

La digital workplace face au Covid : des salariés déboussolés, les providers au front Comment la collaboration numérique a-t-elle évolué suite à la montée en flèche du télétravail ? Les solutions du marché se sont-elles adaptées ? Réponses avec le baromètre 2021 de Lecko.

Le cabinet de conseil français Lecko vient tout juste de publier son baromètre 2021 : "Etat de l'art de la Transformation interne des organisations". Véritable tour de contrôle des pratiques en matière de digital workplace en France, l'étude foisonne d'enseignements sur la manière dont les salariés ont appréhendé le travail à distance, avec à la clé un mode de collaboration de facto 100% digitalisé. Elle détaille en parallèle l'effort fourni par les éditeurs pour adapter leur solution au nouveau contexte.

Visioconférence : attention danger 

Dans le cadre de ce vaste baromètre annuel, Lecko a réalisé une enquête en lien avec le cabinet d'étude YouGov visant à prendre le pouls des salariés français sur les conditions "digitales" du télétravail. Sur 1 000 professionnels interrogés en décembre 2020, tous issus d'entreprises de plus de 500 salariés basées en France, 69% constatent un changement de pratiques de travail dans leur équipe depuis le début de la crise sanitaire. Au sein de cette population, 59,5% le considèrent positif et 40,5% le perçoivent comme négatif. Ces derniers sont nettement plus nombreux à considérer les réunions comme moins utiles et moins efficaces suite au passage à la visioconférence (voir les deux graphiques ci-dessous). "Nous ne sommes pas tous égaux dans notre faculté à nous adapter à un nouveau contexte de collaboration. Plus le changement est brutal, plus les disparités sont criantes", commente Arnaud Rayrole, directeur général et cofondateur de Lecko.

© Lecko

Pratiquement inexistante dans l'édition 2020 du baromètre, la visioconférence est citée par 51% des personnes consultées parmi leurs outils collaboratifs de prédilection. "Elle ne parvient pas pour autant à déloger l'e-mail qui reste très largement devant", s'étonne Arnaud Rayrole (voir graphique ci-dessous).

Visio vs mail

© Lecko

"Chez les clients où nous avons déployé nos analytics, on note que les visioconférences durent en général une heure, soit le temps que les solutions proposent par défaut", poursuit Arnaud Rayrole. "En revanche, les visio ont tendance à déborder. Du coup pour certaines populations, 30 à 50% des réunions s'enchaînent, sans moment de battement. Ce qui se traduit par des meetings moins efficaces pendant lesquels les participants gèrent leurs mails en parallèle."

Autre conséquence de ce mode de fonctionnement : les plages de travail des salariés débordés par la visio s'allongent, ces derniers ayant besoin de temps supplémentaire pour plancher sur leurs dossiers à tête reposée. Résultat : 25% des répondants estiment que le télétravail engendre un effort supplémentaire pour maintenir une séparation entre temps de travail et temps personnel, et adapter son temps de travail.

© Lecko

A l'instar de Zoom, l'utilisation de Teams pour la visioconférence a explosé depuis le premier confinement (lire l'article Comment le Covid-19 a catapulté la digitalisation du travail). Mais la solution de Microsoft, qui se définit avant tout comme une messagerie d'équipe, ne s'est pas pour autant imposée ces derniers mois comme une alternative aux mails, loin de là. "Chez nos client, l'usage du chat dans Teams reste confidentiel. Il est utilisé par exemple pour fixer les dates des meetings ou encore pour partager des posts ou des documents de référence", reconnait-on chez Lecko. Le cabinet prend l'exemple d'une grande entreprise industrielle dont le volume de mails envoyés a doublé en deux ans, malgré le déploiement de Teams, avec un pic record enregistré lors du premier confinement (voir le graphique ci-dessus). Conclusion : beaucoup de travail reste à faire pour amener les salariés à s'approprier la messagerie collaborative de Redmond.

Les providers ont-ils été à la hauteur ?

Nombre d'éditeurs du marché se sont attelés à adapter leurs offres aux enjeux de la crise. "LumApps, notamment, a lancé une offre spécialement dédiée aux frontline workers qui a attiré toute notre attention", souligne Bastien Le Lann, directeur associé chez Lecko. "Sachant que cette plateforme collaborative a pour ambition de s'interfacer avec les principales applications SaaS, elle pourrait permettre à terme à des opérateurs, sur des lignes de production par exemple, d'accéder à des référentiels de procédures ou de qualité, d'ouvrir des tickets sur ServiceNow, ou encore de poser des congés dans Worday. Le tout depuis le même environnement." 

"A la différence de Microsoft 365, Workplace from Facebook comme LumApps s'ouvrent  efficacement au personnel de terrain"

Quant aux digital workplace venant se greffer sur Microsoft 365 (Office 365), telles Powell ou Mozzaik365, elles ont aussi annoncé la sortie ou le développement de fonctionnalités à destination du personnel de terrain. Problème : ces initiatives sont tributaires de la suite de Microsoft qui ne répond pas vraiment à ce scénario. "Pour accéder aux contenus dans SharePoint, les utilisateurs doivent avoir une adresse e-mail, être inscrit dans l'annuaire de Microsoft 365 et disposer d'une licence. Du coup, les frontline workers ne peuvent accéder aux données stockées dans SharePoint qu'en mode lecture", regrette Bastien Le Lann. 

Calqué sur l'expérience simple et efficace de Facebook, Workplace a été conçu, à contrario, dès le départ pour embarquer toute l'entreprise sans limitation, et y compris les frontline workers. "A la différence de Microsoft 365, Workplace from Facebook, à l'image de LumApps, s'ouvre efficacement au personnel de terrain, en autorisant notamment les connexions sans nécessiter d'adresse e-mail", confirme Bastien Le Lann. En vue de renforcer encore son positionnement sur ce segment, Workplace intègre depuis peu un module baptisé Shift Cover dessiné pour piloter les rotations des équipes de terrain. "A l'image de ce que fait LumApps, Facebook va devoir renforcer son interopérabilité avec les applications métiers pour apporter d'autres bénéfices que la mise en réseau de toute l'entreprise", pondère Lecko dans son étude.

La gestion de crise, priorité des éditeurs

Toujours en vue de répondre à la pandémie, plusieurs plateformes collaboratives ont en outre développé des fonctionnalités de gestion de crise prêtes à l'emploi. Là encore, LumApps et Workplace sont à la manœuvre. "Ils ont tous deux mis au point des templates de communication pour répondre à cet enjeu. C'est aussi le cas de Jamespot", observe Bastien Le Lann. 

Reste que réseau social d'entreprise nu permet déjà de gérer la situation en amont. "Dès que les autorités communiquent sur une nouvelle phase de confinement, il contribue à accélérer la mise en place des protocoles sanitaires en favorisant le partage de bonnes pratiques entre implantations et services", argue Arnaud Rayrole. Preuve de son utilité dans cette phase critique : Lors de la première vague, Lecko a relevé une hausse substantielle des taux d'engagement sur le réseau social d'entreprise de certains de ses clients, jusqu'à 15 ou 20%.

Matrice Lecko des applications collaboratives

La taille du cercle dépend du niveau d'influence sur le marché (nombre d'utilisateurs, notoriété de la solution, parts de marché, capacité de l'éditeur à animer un écosystème). © Lecko
Décryptage des trois segments de marché de la matrice de Lecko
Applications orientées processus
La raréfaction progressive des acteurs spécialisés sur ce sujet continue en 2021. Paradoxalement, la mise en réseau de l'organisation n'a jamais été aussi importante. Afin de proposer des usages plus clairs et des résultats plus directs, les DSI et les métiers cherchent surtout des outils de productivité. Les surcouches aux suites de productivité que sont Microsoft 365 et Google Workspace permettent de développer cet axe tout en s'appuyant sur des outils modernisés. Workplace by Facebook se démarque comme la plateforme de référence pour connecter toute l'entreprise (y compris le terrain), tout en étant à côté de l'environnement de travail numérique, malgré un premier niveau d'articulation (identité numérique, drives, applications métiers RH et support).
Applications orientées productivité Ce segment de marché continue sa densification en 2021. Alors que les spécialistes continuent de développer de nouveaux usages, les solutions plus généralistes cherchent pour la plupart à outiller la productivité via des espaces de travail et des fonctionnalités aujourd'hui standard (coédition, gestion de tâches, flux conversationnels). Microsoft stimule ce segment du marché : autrefois positionnées sur la communication d'entreprise, les surcouches (Powell, Mozzaik365) ambitionnent désormais d'agréger les informations provenant des espaces Microsoft 365 pour rendre les utilisateurs plus efficaces dans leurs activités quotidiennes.
Applications orientées transversalité Rares sont les solutions qui parviennent à centraliser efficacement les informations et les contenus dans un espace au service de l'utilisateur. La gestion unifiée des utilisateurs et l'interopérabilité nécessaire avec des outils de travail toujours nombreux sont encore des freins forts pour les éditeurs qui veulent se positionner en tant que digital workplace. Slack consolide sa position de référence, en tant que messagerie d'équipe hautement configurable. Beezy se démarque des autres surcouches par son approche de cartes conversationnelles et de workflows articulés avec des applications métiers (Salesforce, ServiceNow, Workday) actionnables.
Source : Lecko