Révolution quantique : qu'en est-il de la propriété intellectuelle ?

La révolution quantique est en marche. Les entreprises explorent déjà cette nouvelle avancée, mais elles doivent d'ores et déjà réfléchir à la manière dont elles feront breveter leur PI.

Les brevets constituent un catalyseur indispensable à l'innovation. Alors que les réglementations peuvent varier d'un pays à l'autre, un brevet peut être valable jusqu'à une vingtaine d'années, ce qui accorde à une entreprise suffisamment de temps pour tirer profit de son invention tout en l’introduisant au monde entier. Grâce à cet échange d'idées, d'autres organisations pourront être incitées à créer de nouvelles choses. Pour les startups et les structures de plus petite taille, une grande partie de leur valeur peut être liée à leur portefeuille de brevets : elles peuvent générer des revenus considérables en concédant des licences sur leurs technologies.

Certains soutiennent que les brevets étouffent l'innovation, car il existe des exemples d'entreprises qui ont racheté des brevets pour entraver toute concurrence à leur technologie. Mais d'autres entités contourneront ceux existants pour créer de nouvelles solutions et des procédés alternatifs. De telles innovations renforcent la concurrence sur les marchés, ce qui bénéficie directement au consommateur et à la société.

Il arrive également que certaines entreprises choisissent de ne pas breveter leurs inventions, préférant les garder privées plutôt que de les révéler au public. Si l'innovation est suffisamment poussée, les organisations peuvent décider de conserver leur invention comme un secret industriel, à l’instar des utilisations quantiques liées à la sécurité nationale, qui sont plus susceptibles de demeurer confidentielles.

Toutefois, cette approche comporte des risques, car ne pas breveter une idée expose l'entreprise à une éventuelle découverte ou reproduction de son invention par la concurrence. Dans ce cas, le créateur original perdra son avantage concurrentiel et n'aura probablement aucun recours pour empêcher son concurrent de l'utiliser, en particulier s'il décide de la breveter – la législation étant en faveur du premier à déposer le brevet. Les créateurs originaux peuvent par conséquent être bloqués dans l'utilisation de leur propre technologie. Les organisations sont donc fortement incitées à agir rapidement si elles souhaitent sécuriser leur PI.

La course aux brevets quantiques

Il règne déjà une forte agitation autour de la technologie quantique dans l'arène des brevets. Une étude publiée en 2022 a cartographié le paysage des brevets portant sur cette innovation et a révélé que, depuis 2001, environ 20 000 brevets ont été accordés par les offices américains et européens. L’étude a par ailleurs indiqué que le nombre de demandes ne cesse de progresser : le nombre de brevets quantiques accordés par an a été presque multiplié par 10, passant de 161 seulement en 2001 à 1 555 en 2018.

De plus, ces brevets vont au-delà du hardware : plusieurs d’entre eux sont destinés à des applications quantiques, telles que le traitement de l'information, la cryptographie ou encore les communications. Et le défi pour les entreprises élaborant des applications quantiques est le même que pour les développeurs en informatique classique : les brevets ne peuvent pas porter spécifiquement sur un code logiciel. Les demandes de brevets doivent être établies sur la base d'inventions qui répondent à un problème technique en utilisant de nouveaux procédés inédits.

Certaines de ces demandes seront déposées par des entreprises qui explorent la technologie quantique, sans pour autant l'utiliser dans l’immédiat. À la place, elles déposent des brevets pour de nouveaux processus qui ne sont pas directement liés au quantique, mais dont le libellé vise spécifiquement leur application au domaine. Ainsi, elles protègent leur invention contre toute disruption, et en brevetant tôt, les entreprises peuvent être les pionnières sur leur marché et évincer la concurrence.

Toutefois, cette accélération des demandes de brevets suscite une certaine appréhension : l’apparition de goulets d'étranglement. Les évaluateurs de ces demandes doivent avoir des connaissances de base dans le domaine concerné pour être en mesure de saisir la nature du brevet, et de déterminer s'il s'agit d'un nouveau procédé. Mais la technologie quantique n'en est qu'à ses débuts et nécessite une solide compréhension des concepts fondamentaux. Ce qui soulève la question de la qualification des évaluateurs en matière de programmation de logiciels quantiques.

Au vu de la profusion de demandes de brevets, les offices pourraient ne pas être en mesure de prendre des décisions assez rapidement. Voire pire, ces engorgements peuvent les amener à prendre des décisions hâtives, à rejeter des demandes solides et à approuver les plus faibles. Cette situation peut se révéler particulièrement frustrante pour les entreprises qui tentent de protéger leurs applications quantiques.

Comment protéger sa propriété intellectuelle quantique ?

Les entreprises envisageant de se tourner vers le quantique doivent réfléchir à la manière dont elles vont protéger leur PI, et prévenir les futures perturbations une fois que les obstacles à cette technologie seront surmontés.

Soumettre une demande de brevet quantique n'implique pas nécessairement la création de codes ou de programmes complexes, il peut tout simplement s'agir de la formation d'ingénieurs aux concepts quantiques. De plus, l'idée brevetée ne doit pas nécessairement être opérationnelle : l'entreprise doit simplement être en mesure de décrire et expliquer ses procédés pour pouvoir revendiquer le brevet. Certaines entreprises sont même susceptibles de breveter des idées qu’elles estiment prometteuses pour l'avenir.

Aujourd’hui les organisations qui se préparent pour la révolution quantique disposent d’équipes dédiées qui sont en train de mettre au point cette transformation numérique. À ce stade, elles explorent les cas d'usage quantiques dans leurs champs d’activité et secteurs, tout en analysant le paysage des brevets déposés. Leur objectif : éviter de perdre du temps à développer des produits déjà brevetés.

Ces équipes doivent identifier les « zones blanches » du marché, où il n’existe pas encore de brevets, ainsi elles auront une plus grande marge de manœuvre pour innover et concevoir de nouvelles idées révolutionnaires.

Les entreprises devraient, à juste titre, songer à faire appel à des cabinets de conseil en propriété intellectuelle, capables de les accompagner dans leurs démarches pour contourner les barrières de brevets et trouver des espaces inoccupés. Collaborer avec un avocat expérimenté en PI, spécialisé dans le brevetage de solutions logicielles peut s'avérer inestimable lorsqu'il s'agit de soumettre une demande. Car si la technologie quantique implique de nouveaux concepts et de nouvelles approches, le processus d’une demande de brevet reste le même.

À l’heure actuelle, les entreprises qui parviennent à identifier un besoin dans leur secteur et à trouver des brèches dans le paysage des brevets sont susceptibles d'être les plus innovantes en matière de technologies quantiques. Il s'agit d'une opportunité commerciale importante à ne pas manquer pour devancer la concurrence.