Approche pragmatique du calcul de l'empreinte carbone de l'IT d'entreprise

Le calcul de l'empreinte carbone de l'IT de son entreprise, un vrai casse tête, mais une réglementation à respecter. Par où commencer?

Le compte à rebours a commencé. La directive sur les rapports non-financiers des entreprises (Corporate Sustainability Reporting Directive - CSRD) impose de nouvelles mesures de durabilité pour la première fois à partir de l'exercice 2024, pour les rapports publiés en 2025. Il reste peu de temps pour collecter les données et estimer votre empreinte carbone, y compris celle de vos actifs informatiques, car quelle que soit sa contribution à votre empreinte carbone globale, elle doit être prise en compte. Mais comment relever ce défi ? Considérons trois segments : les plateformes cloud, les équipements des utilisateurs finaux et les équipements des data centers.

Toutes les directives relatives aux rapports sur la durabilité, telles que les normes européennes de reporting sur le développement durable (European Sustainability Reporting Standards - ESRS), se réfèrent au protocole sur les gaz à effet de serre (Greenhouse Gaz - GHG) et à sa définition des périmètres (Scope) pour la mesure des émissions de gaz à effet de serre. Pour l’IT, les deux principaux périmètres sont le Scope 3 - les émissions intrinsèques, ou « embodied », qui comprennent principalement les émissions provenant de la fabrication et du recyclage des équipements que vous utilisez ou des services que vous achetez, et le Scope 2 - les émissions d'utilisation, ou « usage ». En tant qu’utilisateur de ressources IT, les informations relatives au Scope 3 doivent vous être communiquées par vos fournisseurs, et il vous incombe d'estimer (ou de mesurer, nous reviendrons sur ce sujet) le Scope 2.

Comment cela s'applique-t-il à l’utilisation du Cloud public ? Facile, pour le Cloud public ou privé (s'il n'est pas interne), c'est un service que vous achetez et qui n'impacte que votre Scope 3. Mieux encore, votre fournisseur devrait vous donner le delta à ajouter à votre Scope 3, sur la base de ses Scopes 2 et 3, proportionnellement à votre utilisation du Cloud. Dans la réalité, ce n'est pas si facile. Le problème est qu'aujourd'hui, les fournisseurs Cloud ne calculent pas tous de la même manière : leurs émissions liées à l'utilisation peuvent être « location-based », basées sur l’électricité produite localement, ou « market-based », basées sur l’électricité achetée, évidemment verte ; la fabrication et le recyclage des équipements ne sont pas toujours comptés. Ces deux exemples ont un impact significatif sur les chiffres obtenus, ce qui rend les comparaisons impossibles, mais surtout vous n'avez aucune transparence sur le calcul. Une option consiste à compléter les données manipulées dans le cadre d’une démarche FinOps par des données GreenOps de manière standardisée pour les principaux fournisseurs de services Cloud. En d'autres termes, utilisez les données de facturation, ce que vous avez utilisé et combien de temps, et recoupez les avec des sources dédiées et indépendantes pour convertir ces données en émissions de carbone, et vous aurez alors le delta à ajouter à votre scope 3.

Qu'en est-il du segment des équipements des utilisateurs finaux ? Pour le Scope 3, comme pour le Cloud, vos fabricants devraient vous fournir les données, sinon des sources indépendantes peuvent être utilisées pour les récupérer. Pour les équipements les plus anciens, vous devrez peut-être faire des hypothèses, car ce type de données n'est fourni/collecté que depuis quelques années. Pour le Scope 2, cela pourrait être un cauchemar, encore plus avec le travail hybride. Dans les fiches techniques des équipements (ou dans des sources indépendantes), vous trouverez la consommation moyenne d'électricité, c’est ce qui est généralement utilisée pour estimer les émissions. Pourquoi est-ce acceptable, du moins au début ? Parce que 84 % des émissions sont liées au Scope 3 (approvisionnement et fin de vie). Ce n'est peut-être pas parfait, mais cela permet de définir une base de référence. Le point clé pour ce groupe est en fait la confiance que vous avez dans la connaissance de vos actifs informatiques. Si vous n'utilisez pas encore une base de données de gestion de la configuration (CMDB) mise à jour par un moteur de découverte et de topologie automatique, il est temps de vous y mettre. Cela ne vous aidera pas à retrouver les écrans disparus depuis le Covid ????, mais cela améliorera drastiquement la qualité de vos données et vous fera gagner du temps.

Pour le segment des équipements des data centers, la situation est presque la même que pour les équipements des utilisateurs finaux, à une exception près : le rapport entre l'approvisionnement et l'utilisation s'inverse : 85% des émissions sont dues à l'utilisation. C'est pourquoi on ne peut pas utiliser la consommation moyenne d'énergie sans risquer de sous-estimer la situation réelle. Une option envisageable consiste à étendre les mesures d'Observabilité à la consommation d'énergie afin de disposer d'un chiffre précis inclure dans votre reporting CSRD, et qui vous permettra de travailler sur les optimisations possibles.

Pour résumer, vous devez identifier tous vos actifs informatiques - qu'ils soient on-prem ou dans le Cloud - et compléter leurs caractéristiques avec leurs émissions carbones afin de pouvoir intégrer sereinement les données de l’empreinte carbone de l’IT au reporting non financier de votre entreprise. Comme il s'agit d'un processus complexe, il ne sera pas parfait dès le premier jour, mais il n'y a aucune excuse pour ne pas commencer dès aujourd'hui, en prenant différentes hypothèses selon les segments d'équipements informatiques sur lesquels vous travaillez. En outre, les données que vous collecterez vous donneront des indications sur les actions que vous pourrez entreprendre pour améliorer cette base de référence et réduire votre empreinte carbone. Nous aborderons ce sujet dans le prochain article. Stay tuned !