Gérald Karsenti (HP France) "Nous avons sauvé 200 emplois en France !"

Dans cette interview exclusive, le P-DG de HP France détaille ses choix stratégiques, notamment pour préserver les emplois du groupe en France. Il revient également sur la politique du géant en matière d'innovation.

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Gérald Karsenti est président directeur général de HP France depuis juillet 2011. © HP

JDN. Qu'en est-il du chantier de transformation de HP ?

Gérald Karsenti. D'abord, il faut bien comprendre que nos résultats opérationnels étaient excellents sur 2012. Fin 2011, Meg Whitman a décidé de lancer un vaste plan de restructuration, et réaligner les actifs à leur juste valeur. Ce qui nous a conduit à passer des provisions tout au long de l'année 2012. C'est ce qui explique les pertes que nous avons connues aux troisième et quatrième trimestres. Mais si l'on retire ces provisions exceptionnelles, nous avons réalisé 11 milliards de profit, et 10,6 milliards de cash-flow. Sur le terrain, l'année 2012 a donc été bonne compte tenu du contexte.

Le premier trimestre 2013 a été aussi plutôt bon. Notre chiffre d'affaires a certes baissé [NDLR de 6%, à 28,4 milliards de dollars], mais moins que ce qui avait été prévu par les analystes. Nous avons gagné des parts de marché dans les serveurs, marché sur lequel nous sommes numéro 1, mais aussi sur le réseau et le stockage.

Quant à notre activité de services, elle est en restructuration au niveau mondial. Mais ça ne nous empêche pas de gagner des positions aussi sur ce segment, notamment en France. Pour preuve, nous avons décidé de doubler la capacité de notre datacenter de Grenoble. Avec notre centre de données de L'Isle-d'Abeau près de Lyon, il s'agit de nos deux infrastructures les plus modernes en France.

Où en sont les projets de vos clients sur le front du Cloud Computing ?

Ils avancent vite. Je constate qu'ils ont suivi pour la plupart la même démarche que nous : apprendre en avançant. Au lieu de perdre du temps à chercher à conceptualiser ce nouveau domaine, ils se sont lancés. On se rend compte, d'ailleurs, que les appels d'offres sont beaucoup plus matures aujourd'hui. Nous opérons actuellement une cinquantaine de clouds pour le compte de nos clients. C'est notamment le cas de Nexans avec un cloud privé, ou encore Renault [NDLR qui a recours à HP pour héberger les données de ses véhicules électriques].

"Il est important de continuer à booster l'emploi"

Nous sommes le seul acteur à couvrir toute la chaine de l'information. Nous allons en effet du datacenter, jusqu'aux usages de l'informatique pour les utilisateurs finaux, avec nos terminaux et imprimantes, en passant par le réseau. Dans ce schéma, le cloud fait partie de nos principales priorités de développement. Avec, à la clé, deux axes d'investissement : renforcer nos capacités de traitement de données d'une part, et assurer la sécurité de l'information d'autre part. Les acquisitions d'Autonomy et Vertica répondent au premier axe, les rachats de Fortify, TippingPoint ou ArcSight au second. A cela s'ajoute une vraie démarche de facturation de nos ressources IT à l'usage, complétant nos technologies de consommation à la demande.

D'ailleurs, notre volonté est aussi bien de proposer des services de cloud privé ou public hébergés chez nous, que d'épauler d'autres fournisseurs dans la mise à place de leur propre cloud. C'est ce que nous faisons avec SFR pour son offre de cloud historique. C'est d'ailleurs un partenariat que nous avons étendu à Numergy : le cloud souverain lancé par SFR va en effet également s'adosser à une pile de technologies HP. J'annonce d'ailleurs que nous intégrons officiellement nos offres de cloud communes avec SFR à notre catalogue.

Quelle est la position d'HP sur la question du BYOD ?
Elle rejoint notre vision sur l'infrastructure convergente, qui remonte à 2006 et 2007. Cette vision, qui n'a pas changé depuis, nous conduit à œuvrer au rapprochement des technologies IT grand public avec l'informatique d'entreprise. Elle répond donc aujourd'hui aux problématiques du Bring Your Own Device dont nous parlent en effet de plus en plus nos entreprises clientes.

Comment envisagez-vous les perspectives de HP France sur les deux ans à venir ?
La France est dans une posture complexe. L'industrie est en difficulté. Les services souffrent. La compétition internationale est virulente. La réduction de la dette n'est pas simple à gérer. Sur notre segment, les ventes de PC décroissent. Les dépenses informatiques vont très peu progresser sur 2013.

Dans ce contexte, il est important de continuer à booster l'emploi. C'est le sens de l'initiative que j'ai prise au sein de HP après l'annonce de Meg Whitman des 29 000 départs au niveau mondial. L'idée était de solliciter nos dispositifs de formation interne pour que les 520 salariés, parmi les plus anciens, qui devaient partir en pré-retraitres soient remplacés en interne. J'ai annoncé un plan d'embauches de 220 jeunes pour remplacer les salariés ayant bénéficié de cette ascension.

"Nous sommes capables de stocker la Bibliothèque François Mitterrand dans un Apéricube"

C'est suite à ces propositions, qui ont donné lieu à une grand négociation avec les représentants du personnel, que Meg Whitman a décidé de revoir à la baisse le plan français de 520 à 300 suppressions de postes, avec à la clé un réalignement des embauches à 120 jeunes. Au final, nous avons donc réussi à sauver plus de 200 emplois, qui correspondent aussi à des vrais postes. Sauf si la situation économique s'aggrave plus que prévu, cette l'emploi chez HP France devrait rester stable au moins jusqu'à fin 2014.

Quels sont dès lors les grands axes de HP en matière d'innovation ?

Nous avons plusieurs axes de développement en R&D. Sur les terminaux d'abord, nous sortons la Slate 7 qui tourne sous Android, et cible le marché de la grande consommation. Pour les entreprises, nous avons conçu l'ElitePad 800, sous Windows 8. Nous avons également commercialisé un convertible, avec le HP Envy X2.

En matière d'infrastructure, nous avons lancé le projet HP Project Moonshot qui vise à faire tenir 3000 serveurs dans un espace grand comme l'équivalent d'un réfrigérateur. C'est le nombre de serveurs d'un centre de données français de taille moyenne. Au total, nous diminuons ainsi l'espace de 94%, la consommation énergétique de 89% et les coûts de 69%. Ce produit sera lancé en France en avril.

Et sur le stockage...

Côté stockage, nous investissons beaucoup dans la résistance à mémoire. Nous avons repris cette invention qui remonte aux années 1970 pour miniaturiser les unités de stockage, et optimiser leur consommation d'énergie. Nous sommes par exemple capables de stocker l'équivalent de la Bibliothèque François Mitterrand dans un Apéricube. Nous étendons aussi l'offre issue du rachat de 3Par, notamment avec le produit de milieu de gamme Mini 3Par, mais aussi autour du système de sauvegarde StoreOnce.

Biographie professionnelle : Gérald Karsenti est président directeur général de HP France depuis juillet 2011. Il a rejoint le groupe en 2007 en tant que directeur général des ventes de l'entité Enterprise Business France, et occupait depuis septembre 2010 le poste de directeur général de l'entité Enterprise Services France en charge des activités de transformation et d'infogérance. Avant de rejoindre HP, Gérald Karsenti était président d'une filiale de services dédiée aux applications au sein du groupe Capgemini. Il a également occupé le poste de directeur général adjoint de Sogeti France. Il a enfin travaillé près de 18 ans chez IBM, ses dernière responsabilités ayant été celles de vice président du Software Groupe France.