A-t-on encore besoin de segmenter les clients à l’ère du Big Data ?

Devenus multi-facettes et éclectiques, les clients souhaitent se sentir et unique et reconnu comme tel dans le dialogue qui les lie à la marque. Le temps de la segmentation de masse est révolu, place à l’hyper-personnalisation.

Le concept de segmentation est en pleine mutation. Initialement, pour segmenter des clients ou prospects, seuls des critères géographiques et sociodémographiques (âge, sexe, catégorie socio-professionnelle) étaient utilisés. Aujourd’hui, les marketeurs ont affiné leurs segments en intégrant davantage de critères, notamment comportementaux à l’exemple de la segmentation RFM (Récence du dernier achat, Fréquence d’achats et Montants des dépenses), voire des critères psychographiques (personnalité, style de vie, groupe d’appartenance, reconnaissance en certaines valeurs, etc.), pourtant plus subjectifs en apparence et donc plus difficiles à mesurer.

La prise en compte de ces nouveaux critères a ainsi permis de mieux appréhender l’hétérogénéité des clients ou prospects en fonction de leurs modes de consommation. La collecte et le traitement des données à grande échelle, rendus possible par le Big Data, va jusqu’à permettre d’identifier et caractériser un individu unique. Améliorant leurs techniques de connaissance du client, les entreprises semblent désormais être en mesure d’entrer en relation directe avec celui-ci pour lui proposer une offre et une expérience sur-mesure, c’est-à-dire hyper-personnalisée et hyper-contextualisée.

Les clients ont changé, on ne peut plus les appréhender comme avant…

Les clients ne rentrent plus dans les cases traditionnelles et ne souhaitent plus être catalogués selon telle ou telle étiquette (exemple de la « ménagère de moins de 50 ans »). Devenus multi-facettes et éclectiques, les clients souhaitent se sentir et unique et reconnu comme tel dans le dialogue qui les lie à la marque. Mieux informés et donc plus exigeants, ils inversent ainsi le rapport de force existant avec les marques.

C’est donc pour répondre à ces nouvelles exigences qu’est apparu le concept d’hyper-personnalisation. Il s’agit d’une forme poussée de personnalisation du contenu des offres, mais également de l’expérience vécue par le client - qui se doit d’être unique - à l’échelle individuelle et en temps réel.

Bien plus qu’une segmentation ultrafine, l’hyper-personnalisation est aussi l’adaptation à un contexte : une hyper-contextualisation. En effet, le client change. Il n’est pas dans les mêmes dispositions et n’a pas les mêmes habitudes selon l’heure et le lieu où il se trouve. Ce qui peut le faire passer d’un « segment » à un autre en fonction du contexte. L’hyper-personnalisation est donc aussi l’adaptation de la relation client en temps réel, en y adaptant aussi bien le contenu des offres que les interactions et l’expérience client dans son ensemble.

Les marketeurs et autres communicants ont bien compris que la nouvelle lecture des besoins et des attentes clients se mesurerait désormais à l’échelle de l’individu. En effet, aujourd’hui 9 professionnels sur 10 considèrent que l’avenir réside dans le marketing « individualisé ».

Les nouvelles technologies au service de l’hyper-personnalisation

Puisque nous en savons aujourd’hui davantage sur les clients (leur identité, leurs comportements, leurs  habitudes et préférences, etc.), il est désormais devenu possible de mettre en place des scores clients de plus en plus fiables et précis, permettant par exemple de prévoir avec pertinence les prochains actes d’achats, notamment grâce au volume, la variété et la vitesse de traitement de ses données.

Ces avancées technologiques permettent également la personnalisation des interfaces clients des sites web et applications mobiles. La nouvelle génération d’outils CRM, qui commencent à assimiler les données des réseaux sociaux, va dans ce sens avec l’objectif de développer une relation étroite et un véritable dialogue avec les clients.

Le marketing transactionnel, qui se limite aux interactions qui précèdent et succèdent aux actes d’achats, laisse désormais la place au marketing dit relationnel, dans lequel la proportion des interactions entre une marque et un client prend le pas sur le temps dédié à la transaction en tant que telle. C’est pourquoi les chatbots – des logiciels conversationnels – envahissent aujourd’hui les pratiques Marketing. Les géants du net (Facebook, Google, Amazon…), mais également des entreprises françaises comme Voyages-sncf.com ou Axa, ont tous largement investi dans ces assistants intelligents, qui capitalisent sur les données clients disponibles, l’historique des recherches internet et les informations sur la relation d’un client avec la marque.

Mais qu’en est-il de la personnalisation du contenu des offres ? Dans les services (Banques, Assurances, Télécoms), fleurissent les offres modulaires, dites sur-mesure, à l’image de Yomoni qui propose de démocratiser une gestion d’épargne personnalisée en s’appuyant sur des robot-advisors qui ne sont rien d’autres que des algorithmes proposant des conseils automatisés. En ce qui concerne la personnalisation des produits, c’est plus difficile, même si le développement de l’impression 3D ouvre des perspectives sur la mass-customization des produits (exemple initié par Nike).

L’hyper-personnalisation connait néanmoins certaines limites…

Il existe des limites à l’utilisation de données clients : méfiants, les consommateurs prennent en effet leurs précautions pour limiter au maximum l’accès à leurs data personnelles. Pour répondre à cette méfiance, il faut faire preuve de transparence dans l’utilisation des données et surtout apporter aux clients une contrepartie tangible, comme une meilleure qualité de service : c’est du donnant-donnant.

Il existe aussi des limites humaines pour discerner une infinité de modèles individuels : sans travail préalable, les grands volumes de données ne permettent pas aux marketeurs de traduire facilement cette hyper-personnalisation potentielle dans les faits. Pour proposer des offres hyper-personnalisées, il apparaît nécessaire dans un premier temps de se concentrer sur des cibles réduites et donc de s’appuyer en amont sur un premier niveau de segmentation.

Enfin, l’hyper-personnalisation fait également face à des limites économiques. En effet, la segmentation a pour but de permettre l’identification de cibles prioritaires, ce qui permet ensuite de pondérer les investissements à réaliser  dans une logique d’efficience. L’hyper-personnalisation, quant à elle, sert l’ensemble du marché en offrant une infinité de possibilités, mais ne permet pas une répartition pertinente des investissements sur les clients à plus forte valeur ajoutée pour l’entreprise.

L’hyper-personnalisation ne serait-elle qu’un mythe ? 

L’hyper-personnalisation est en marche, mais il apparaît encore peu probable qu’elle se généralise à tous les produits et services. Pour être efficace, elle doit s’appuyer sur une segmentation, plus que jamais nécessaire, en amont, pour continuer à identifier les clusters de client porteurs de la plus forte valeur ajoutée pour l’entreprise. C’est sur ces segments prioritaires que l’hyper-personnalisation pourra être mise en place afin de leur procurer une expérience unique, en adéquation parfaite avec les attentes des clients finaux.