SAP : des compétences techiques exigées... et bien rémunérées Philippe Grimaldi (Phronesis) : "S'il y a pénurie, c'est uniquement dans certaines niches technologiques SAP"

On parle de problèmes de recrutement sur des compétences SAP aujourd'hui. C'est nouveau ?

J'ai commencé à recruter en 1999, et je peux vous dire que le recrutement des profils SAP était aussi problématique qu'aujourd'hui. Il y a eu une crise de demande des compétences du fait des gels de budgets informatiques entre septembre 2001 et janvier 2004, c'est certain, mais pour le reste, la question du recrutement s'est toujours posée.

Donc il y a une pénurie récurrente ?

Non, il n'y a pas vraiment de pénurie ou alors si cette pénurie existe elle concerne certaines niches technologiques SAP, notamment les new dim [Ndlr : les modules récents], bien précises et certains types de profils, notamment les seniors disposant de 3/5 ans d'expérience SAP. Le marché des compétences SAP est très complexe et les besoins en fonction des différents modules SAP sont variés. De ce fait, tous les modules SAP ne connaissent pas la même demande et tous les salaires SAP ne sont pas des salaires de ministres.

Alors, ces tensions en fonction des compétences SAP, comment se caractérisent-elles ?

Les consultants SAP ont des profils divers, mais se répartissent généralement entre ce que l'on appelle les abapeurs, des développeurs qui maîtrisent l'ABAP, le langage de programmation de SAP, et les consultants fonctionnels qui viennent eux de la gestion ou d'écoles d'ingénieur de rang B et C comme Centrale Lille et Nantes, voire l'INSA. Les consultants fonctionnels auront une spécialité sectorielle sur la finance ou le décisionnel.

"En Allemagne ou en Belgique, les profils techniques sont beaucoup plus valorisés qu'ici"

Les experts techniques vont effectuer des activités de paramétrage, qui il faut bien le dire en France, ne passionnent pas les foules. En fait, ce qui plait, ce sont des projets en amont, des projets stratégiques à forte connotation business, par opposition aux TMA. Il est assez intéressant de noter que dans des pays comme l'Allemagne par exemple, ou la Belgique, les profils techniques sont beaucoup plus valorisés par les consultants, qui veulent vraiment faire de l'ABAP. En France, tout le monde veut être chef de projet à 25 ans et ne surtout pas mettre les mains dans le cambouis !

Par ailleurs, les clients sont beaucoup plus à la recherche de personnes capables de faire de l'intégration que de la stratégie. Sur un projet SAP, le gros du chiffre d'affaires, c'est l'intégration et pas le conseil en stratégie. D'où le besoin d'administrateurs techniques et de de paramétreurs par exemple.

Enfin, d'un module à un autre, la maîtrise des nouvelles dimensions de SAP se monnaye également plus cher, comme les modules CRM, BPS ou encore BIIP. Avec un an d'expérience seulement sur un module type "new dim SAP ", un consultant expert SAP pourra par exemple être rémunéré 900 euros par jour en freelance alors qu'il gagnerait 45-50 kilo euros maximum en salarié en SSII. De ce fait, les salariés se raréfient et le nombre de freelances SAP explose depuis 2-3 ans en France. Le freelancing est ainsi devenu le pire ennemi des recruteurs SAP en SSII et dans le Conseil !

Une question de compétence sur des modules SAP, mais aussi de cadre de travail, que ce soit en SSII ou chez un client SAP directement, non ?

Oui, c'est sûr mais les gens qui choisissent le statut de freelance sont aussi assez nombreux. Il y a 121 SSII qui font du SAP en France, et elles représentent 95% des offres de recrutement pour des postes en CDI. Et si ce pourcentage est si élevé, c'est que le turnover dans les SSII est très fort, 20 à 30% en moyenne sur les compétences SAP. Pourquoi ? Parce que dans de nombreuses SSII, les meilleurs éléments choisissent de devenir indépendants et ainsi de doubler leur rémunération. Ils quittent les SSII et il faut alors les remplacer.

"Les profils expérimentés qui continuent à faire du conseil le font pour la rémunération, pas pour le mode de vie"

L'autre grande tendance qui joue contre les SSII, c'est que de nombreux consultants souhaitent arrêter le travail nomade pour accéder à un poste de management qui exige moins de déplacements. Quand j'appelle un candidat qui travaille dans une SSII pour le débaucher, si je lui propose un poste dans une autre SSII avec un salaire supérieur, il y a peu de chance qu'il me dise oui, en fait. Ce qu'il veut, c'est changer pour travailler chez un client SAP, avec un poste sédentaire.

Et ce avec un salaire équivalent ?

Oui, au minimum. Les profils expérimentés qui continuent à faire du conseil le font pour la rémunération, pas pour le mode de vie. Mais là encore, il faut nuancer entre des SSII qui payent très bien, des SSII américaines en général, et les autres. Mais il faut voir aussi que le recrutement des SSII américaines est plus élitiste, et que d'autre part elles n'ont pas la même structure de chiffre d'affaires :  elles facturent leurs clients plus chers pour assurer de meilleurs salaires. C'est un cercle vertueux que les petites SSII ne peuvent pas suivre.

Au final, quelle peut être la différence de salaire d'un consultant SAP entre deux SSII ?

15 à 20%. Mais des écarts existent aussi entre les clients SAP. En fonction des secteurs d'activité, on va trouver de très bons salaires, dans les domaines du luxe, de la pharmaceutique, de l'agro-alimentaire, et des salaires moins intéressants comme dans le retail, la grande distribution, ou encore le BTP.

Et puis il ne faut pas oublier que les entreprises rémunèrent de manières très différentes en fonction de leur taille. Jamais une PME ne vous donnera autant de salaire qu'un grand compte.

Est-ce que ça n'est pas aussi une question de compétences sur Business One et R/3, compétences qui ne se paient pas de la même manière ?

Non ça n'est pas aussi net. Je connais de grosses PME qui font du R/3, tout comme des grands comptes tel Air Liquide. Mais il faut bien admettre qu'aujourd'hui le marché des PME pour SAP est assez ridicule en dépit des efforts de communication de SAP en la matière.

Ces tensions sur le marché de l'emploi semblent favoriser les profils à compétences SAP plus que les autres. Quel est votre point de vue sur la question ?

Globalement, les salaires des compétences SAP sont plus élevés qu'ailleurs, mais des experts sur des progiciels de finance ou de BI tels que Cartesis ou Hyperion/Cognos sont au moins aussi bien payés en moyenne que les experts SAP. Tout est encore question d'équilibre entre l'offre et la demande de compétences, et ce quel que soit le progiciel sous-jacent.

Philippe Grimaldi est spécialiste des recrutements sur SAP depuis 10 ans sur le marché français. De formation Sup de Co, il a travaillé pour des SSII en tant que commercial avant de créer son entreprise.