Quel modèle économique pour le moteur de recherche de demain ?

Quel modèle économique pour le moteur de recherche de demain ? Si cela reste de la prospective, l'arrivée de l'IA générative sur Google ou Bing pourrait faire évoluer le modèle économique de ces moteurs de recherche.

Alors que Google et Bing sont largement tributaires des revenus publicitaires, quel est leur avenir avec l'arrivée de l'IA générative ? Les experts interrogés par le JDN ont du mal à se mettre d'accord. 

Fabien Raquidel, consultant SEO, ne pense pas que le modèle actuel va changer. "Google ne va pas "casser" son business. Il fait déjà des tests de publicités placées en haut ou en bas sur l'IA générative. Son but est de la mettre sur différents services. Elle pourrait lui rapporter encore davantage. Avec l'aide de l'IA sur le volet Ads, davantage d'utilisateurs pourraient arriver. Beaucoup d'agences Adwords pourraient en revanche être impactées par cela." Il note aussi que la firme de Mountain View pourrait trouver d'autres sources de revenus ailleurs. "Si Google continue à devenir un moteur de réponse, il pourra peut-être passer à un modèle d'abonnement comme ChatGPT."

De son côté, Gennaro Cuofano, directeur des ventes chez Pixis, pense que le marché publicitaire de Google risque de se réduire. "A l'avenir, si le modèle prédominant de consommation de contenu est le "chat", nous continuerons à avoir des clics sur moins d'annonces. Ils seront principalement effectués sur les recherches commerciales, comme "je veux acheter le produit X", et beaucoup moins dans un but d'information ou de navigation. Conséquence, le marché d'un moteur de recherche comme Google pourrait être beaucoup plus petit qu'il ne l'est aujourd'hui. Cela ouvrirait la voie à de nouveaux modèles d'entreprise. L'IA générative pourrait ainsi se prêter à des modèles commerciaux fondés sur les micro transactions, l'abonnement, la consommation et un mélange de ces modèles."

Julien Pillot, enseignant-Chercheur à l'Inseec estime aussi que les moteurs de recherche dopés à l'IA générative pourraient induire une réduction du volume théorique d'annonceurs. Ceci à cause de la baisse du nombre d'annonces affichés. Pour lui, cela pourrait amener Google a augmenter ses tarifs pour "reconstituer" ses revenus. Et pousser les annonceurs à débourser davantage que par le passé pour bénéficier de cet "effet de rareté". A l'avenir, il imagine de l'IA intégrée dans les sites des entreprises comme possible source de revenus des moteurs de recherche. Ou la possibilité pour eux de passer par du freemium. 

Il remarque également que l'IA générative n'est qu'une des causes de l'affaiblissement du modèle économique du moteur de recherche basé sur la publicité. "Selon des données datant de fin 2019, on estime qu'il y a moins d'une recherche sur deux sur Google qui aboutit à une redirection vers un site qui n'appartient pas au moteur de recherche américain. Google propose de plus en plus des réponses directes dans les SERP. D'où un manque à gagner pour les éditeurs qui reçoivent moins de trafic. Ils gagnent moins d'argent par la publicité, ce qui pourrait à terme les inciter à se détourner de la régie publicitaire de Google."

De plus, pour lui, la classe d'âge d'environ 15 à 25 ans se tourne moins vers Google. "Ils trouvent leurs informations sur les réseaux sociaux de type TikTok et Instagram pour les recherches locales. Ils préfèrent se référer à leur communauté avec des formats plus adaptés à eux. La communauté est d'ailleurs pour moi la vraie révolution pour les moteurs de recherche. Cela représente aussi une perte de revenu pour les moteurs de recherche."

Modèle commercial asymétrique

Actuellement Google est particulièrement dépendant de la publicité, contrairement à son concurrent Microsoft. D'après le blog FourWeekMBA, Google a généré en 2022 environ 70 % de ses revenus grâce à  Adwords et Adsense. Soit la coquette somme d'environ 162 milliards de dollars. Toujours d'après FourWeek MBA, le géant américain a dépensé plus de 48 milliards en coût d'acquisition de trafic en 2022, soit 21 % de ses revenus publicitaires totaux.

De son côté, Microsoft possède un business model plus diversifié. On y trouve des services comme Windows, Office, le Gaming avec Xbox, la plateforme Linkedin, ou encore le cloud… En 2022, Microsoft a réalisé plus de 198 milliards de revenus, d'après le Microsoft Annual Reports 2019-2022. La publicité de recherche via Bing représentait "seulement" 11, 5 milliards de dollars. 

"Aujourd'hui, Google et Bing suivent tous deux un modèle commercial basé sur la publicité. Google, en particulier, suit un modèle que l'on appelle techniquement "hidden revenue generation", pour génération de revenus cachés", explique Gennaro Cuofano. "Je le qualifie de modèle commercial asymétrique. L'outil est gratuit pour l'utilisateur et est financé par une entreprise qui paie pour la publicité en ligne. En retour, l'utilisateur fournit des données pertinentes au moteur de recherche, qui sont présentées et vendues comme de la publicité qualifiée sur le marché Google Ads."