Faillite de NextLevel : que peuvent faire les acheteurs et vendeurs de liens ?

Faillite de NextLevel : que peuvent faire les acheteurs et vendeurs de liens ? Les clients de la plateforme de vente de liens se retrouvent le bec dans l'eau. Avec peu de perspectives de récupérer l'argent perdu.

NextLevel.link était une plateforme de vente de lien qui faisait la "passerelle" entre les acheteurs de liens placés sur des articles bien positionnés dans les SERP de Google et les éditeurs. Même si l'état financier de la plateforme et de l'agence SEO Korleon'Biz affichaient certains signaux préoccupants depuis plusieurs mois, l'annonce de sa liquidation judiciaire le 27 septembre dernier a été vécue très durement par nombre d'acteurs ayant affaire à elle.

Quelles conséquences pour les clients de la plateforme ? "En l'absence de reprise par un repreneur de l'activité dans le cadre de la procédure de liquidation judiciaire, le principal risque pour les acheteurs est technique, si les liens achetés ne sont plus opérationnels", explique Anthony Bem, avocat fondateur du cabinet Bem. Les annonceurs ayant versé un acompte ou ayant une campagne en cours ne devraient pas pouvoir continuer à recevoir leur prestation du fait de la cessation des activités de l'entreprise.

De leur côté, les éditeurs, avec cette liquidation, ont affaire à des sommes impayées de quelques centaines à plusieurs milliers d'euros. Notons que face à la problématique des liens impayés situés sur leur page, certains pensent conserver le lien sur la page, par manque de temps ou encore pour ne pas pénaliser l'annonceur. D'autres envisagent simplement d'enlever les liens non payés, à l'instar de ceux plus généralement non acquittés dans les temps. D'autres encore préfèrent contacter l'annonceur en direct pour trouver un terrain d'entente.

Egalement, des fournisseurs sont concernés par cette liquidation. Parmi eux, notamment, les rédacteurs. "Nextlevel était composé d'une équipe de plusieurs d'entre eux", raconte une rédactrice web SEO, qui n'a pas souhaité donner son identité. Le préjudice, là aussi, peut être important selon les personnes impliquées. "Me concernant, il s'agit de plus de 6 000 euros de mois de créances. Ce qui a forcément des conséquences dans ma vie, puisqu'il s'agissait de mon activité professionnelle".

Deux mois pour déclarer sa créance

Que faire pour les créanciers afin de récupérer leur argent ? Désormais s'ouvre pour eux le temps de la procédure collective et plus spécifiquement celui de la liquidation judiciaire. "Elle a lieu quand on ne peut plus rien faire pour sauver l'activité de l'entreprise", rappelle David Smadja, fondateur de DJS Avocats. "On regarde les actifs que l'on peut valoriser dans cette entreprise. L'objectif est de les vendre pour payer les créanciers."

Afin d'avoir une possibilité d'être remboursés, "les créanciers doivent déclarer leurs créances dans la procédure collective en se conformant au délai imparti", explique Anthony Bem. "Il est de deux mois à compter de la publication du jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire au bulletin officiel des annonces civiles et commerciales." Et attention aux retardataires. "Cela arrive très souvent que les créanciers ne fassent pas attention et dépassent ce délai de deux mois", glisse David Smadja. "On peut toujours demander exceptionnellement de déclarer sa créance, ce qui peut s'avérer assez compliqué en pratique. Mais il faut alors motiver et qu'on ait eu des raisons valables de ne pas avoir pu déclarer sa créance." Il conseille d'ailleurs de mettre en place une veille, en passant par des prestataires tels que Bodacc, Infogreffe, ou encore societe.com, afin d'être notifié de toutes les nouvelles qui affectent les partenaires commerciaux.

Mais, même en respectant ce cadre, la possibilité pour les créanciers de revoir leur argent semble mince. "Il faut en effet comprendre qu'il y a un ordre de remboursement", rajoute David Smadja. "Demain, si le liquidateur fixe les montants qui vont être disponibles, on va échelonner les créances, le temps de trouver une solution pour tous ceux qui déclarent. Les dettes auprès de l'administration fiscale ou auprès des différentes caisses sont évidemment prioritaires par rapport à des clients qui ont souscrit à un service et à qui on doit de l'argent."

Le pessimisme est partagé par beaucoup. "J'ai évidemment envoyé ma déclaration de créances, mais il y a peu d'espoir que je vois la couleur des sommes dues", souffle par exemple une rédactrice SEO. "D'expérience, trois quarts de mes clients, qui ont une activité Saas ou une activité e-commerce, n'ont pas pu récupérer leur agent suite à l'interruption des activités de l'entreprise", dévoile David Smadja. "Ils ont déclaré leurs créances, mais en vain."

La responsabilité des dirigeants en question

Tout n'est peut-être pas perdu. "Le créancier peut dans un deuxième temps alerter le liquidateur sur des faits qui seront potentiellement portés à la connaissance du procureur de la république", déclare David Smadja. "Cela dans le but éventuel, dans le cadre de la procédure collective, de demander la mise en jeu de la responsabilité des dirigeants."

Deux cas se présentent alors. "S'il est considéré que la gestion a été faite en, ce que l'on appelait historiquement, "bon père de famille", il devrait y avoir une clôture de l'affaire pour insuffisance d'actifs. Par contre, si l'on constate une faute de gestion de la part des organes dirigeants, ou même plus grave que cela, des délits, cela peut aller jusqu'à être considéré comme de l'abus de bien sociaux. Le dirigeant peut alors être condamné en comblement de l'insuffisance. Il sera condamné à verser une somme destinée à désintéresser les créanciers, toujours dans la mesure du possible bien sûr."

Sous couvert d'anonymat, un autre créancier explique ainsi aller possiblement plus loin dans cette affaire. "Je souhaite faire un dépôt des créances auprès du mandataire, rechercher la vérité sur cette histoire et faire une action en justice si la faute de gestion est avérée."

Indiquons aussi que pour se prémunir de ce genre d'affaires, la FePSeM, la Fédération des professionnels du search marketing, est en train de mettre en place une collaboration avec un partenaire juridique. "L'objectif est d'indiquer à nos adhérents les bonnes procédures à suivre sur du recouvrement de créance, y compris sur la façon de prendre les devants en amont pour se protéger", narre Patrick Valibus, président du SEO CAMP.