Marc Oiknine (Alpha Capital Partners) "La proposition de valeur d'une start-up doit être radicale"

Conseiller en levée de fonds entre Paris et Londres, Marc Oiknine évoque la différence de mentalité entre fonds français et anglo-saxons.

JDN. Quel est le premier conseil que vous donnez aux entrepreneurs français ?

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Marc Oiknine a accompagné des sociétés comme Deezer et Dailymotion dans leur financement © S. de P. Alpha Capital Partners

Marc Oiknine. Trop d'entrepreneurs se plaignent de manquer de financements mais ils doivent d'abord franchir des étapes. Le temps est la denrée la plus précieuse dans l'entrepreneuriat et c'est également le cas pour les investisseurs. Il faut donc partir à la recherche de financements au bon moment, c'est-à-dire une fois les paliers de validation atteints. La start-up doit notamment avoir deux ou trois clients au minimum.

Un deuxième conseil : on voit beaucoup de "one man show" mais malheureusement, trop peu d'entrepreneurs ont conscience de la nécessité d'avoir une équipe de cofondateurs ou de "VP" à l'anglo-saxonne. Les entrepreneurs doivent par ailleurs avoir pris pleinement conscience du business model des investisseurs et doivent être en mesure de concilier leur vision, leur ambition, avec les exigences des LPs (les souscripteurs des investisseurs, ndlr) des investisseurs à qui ces derniers doivent rendre des comptes.

Vous qui travaillez également avec des investisseurs anglo-saxons, pouvez-vous nous dire ce qui peut les intéresser dans les start-up françaises ?

"La proposition de valeur doit être radicale"

Les investisseurs britanniques ou américains sont à la recherche d'approches "game-changing". C'est-à-dire que la proposition de valeur d'un projet ne doit pas être une amélioration incrémentale mais radicale. Il faut proposer une solution ou un service permettant de réaliser 50% d'économies, ou 50% plus performante que ses concurrents Pas seulement 10%. Il faut aussi que le marché soit international. Or les entrepreneurs français ont l'habitude de se concentrer davantage sur le marché français quitte à attaquer l'Europe du Sud par la suite. Il faut au contraire qu'ils aient réussi à trouver des clients sur les marchés britanniques, américains et allemands. Dans l'idéal, 50% du chiffre d'affaires de leur start-up doit être réalisé en dehors de la France.

Cela veut dire que les fonds français sont moins ambitieux ?

Non, mais les investisseurs français ont des habitudes culturelles qui les font plus souvent se concentrer sur de moins nombreux marchés. Les fonds anglo-saxons ont une propension plus forte à faire un lien entre la taille du marché adressable et la valorisation des sociétés à la sortie. La barre est donc souvent mise très haute par ces derniers, ce qui veut donc dire que le marché sous-jacent auquel s'adresse la société doit être important. Par ailleurs les actionnaires anglo-saxons ont également leurs spéficités culturelles. Ils seront par exemple moins à l'aise si le potentiel acquéreur d'une start-up de leur portefeuille n'est pas anglo-saxon. 

Marc Oiknine structure les financements de sociétés Internet depuis 15 ans comme Dailymotion, Deezer, CCM-Benchmark (éditeur du JDN), mais aussi Mediastay, Twenga et Phone and Phone. Il était auparavant directeur Technologies-Medias-Télécoms dans les fonds d'investissement 3i et Atlas Venture. Il est également maître de conférences à Sciences Po Paris.