James Park (Fitbit) "Pour créer Fitbit, nous nous sommes inspirés de la Nintendo Wii"

Le cofondateur de Fitbit revient sur le succès de ses traqueurs d'activité et livre sa vision d'un futur rempli de connecteurs.

JDN. Pouvez-vous nous présenter votre société en quelques mots ?

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James Park est le fondateur et CEO de Fitbit. © S. de P. Fitbit

James Park. Fitbit conçoit des produits équipés de capteurs qui permettent de mesurer et d'analyser votre activité quotidienne. La société compte aujourd'hui 220 employés, principalement basés à San-Francisco. Nos produits sont distribués dans plus de 30 000 magasins et 27 pays.

Vous avez été l'un des pionniers à vous lancer sur le marché des traqueurs d'activité en 2007, en vous inspirant, à l'époque, de la console Wii...

Je me rappelle en effet avoir acheté une Wii dès sa sortie en 2006. J'étais complétement fasciné par la manière dont Nintendo avait réussi à combiner le software et le hardware, et à utiliser tous ces capteurs de mouvements, pour inventer une nouvelle façon de jouer aux jeux-vidéos.

Nintendo avait réussi à faire évoluer le mode de jeu traditionnel et à le transformer en quelque chose de positif puisque, au lieu de jouer assis depuis son canapé, le joueur devenait actif. Ce renouveau amené par cette nouvelle utilisation des capteurs de mouvements nous a donc donné l'idée de créer Fitbit.

Quels sont les différents types d'informations mesurées par les capteurs ?

Nos produits vont permettre de mesurer un grand nombre de données parmi lesquelles le nombre de pas effectués, la distance parcourue, les calories brulées ou encore la qualité de votre sommeil. Toutes ces informations sont ensuite accessibles via nos applications ou notre site web. L'intérêt est ainsi de pouvoir se fixer des objectifs et de connaître précisément les efforts qu'il nous reste à fournir pour les atteindre.

Nos objets transportables vont, par exemple, se révéler très utiles pour mesurer votre activité quotidienne. C'est le cas du bracelet Flex ou du traqueur d'activité One qui sont tous les deux sont des produits nomades. Nous concevons également des objets pour la maison comme la balance connectée intelligente Aria qui permet notamment de suivre l'évolution de son poids

Quel est le profil type de vos clients ?

Nos utilisateurs ont en moyenne entre 20 et 50 ans. L'utilisateur type est une femme trentenaire. En général, la majorité des personnes qui commencent à utiliser nos produits le font car elles ont quelques kilos à perdre et elles apprécient le fait de pouvoir être aidées et motivées par nos outils.

En quoi ces appareils peuvent-ils motiver leurs propriétaires à perdre du poids ?

"Nos produits sont distribués dans 30 000 magasins et 27 pays"

L'une de nos études a montré qu'après 12 semaines d'utilisation, les utilisateurs d'un produit Fitbit sont en moyenne 30% plus actifs. Pour aller plus loin et motiver toujours plus nos clients, nous avons également intégré différentes fonctionnalités de gamification permettant de se mesurer virtuellement à ses amis. Il est ainsi possible de savoir en temps réel où en sont vos amis avec leurs propres objectifs. Il faut dire que le fait d'être en compétition avec son entourage est très stimulant et conduit à une augmentation supplémentaire de votre niveau d'activité au quotidien.

Comment avez-vous fait pour convaincre vos premiers distributeurs de vous référencer ?

Nous avons démarré notre distribution physique aux Etats-Unis en 2009 via l'enseigne Best Buy qui cherchait à l'époque à remplacer son rayon DVD, en fin de vie, par des produits plutôt orientés Fitness. Nous étions alors leader dans notre catégorie, le timing était donc idéal. Nous avons ainsi commencé petit à petit en vendant d'abord dans quelques magasins avant d'être distribué dans plus de 600 magasins de l'enseigne. Nous nous sommes, depuis, étendu à d'autres distributeurs.

Où en êtes-vous en France et quelles sont vos ambitions à l'international ?

En France, nos produits sont référencés par de grands distributeurs comme Carrefour, Fnac, Auchan ou encore Decathlon. Les Etats-Unis représentent toujours notre plus gros marché, suivi par la Grande-Bretagne et la France. Concernant notre volonté d'expansion, je pense que l'Amérique latine et l'Asie offrent de belles opportunités. Nous sommes déjà présent au Japon et espérons pouvoir nous lancer sur le marché chinois d'ici peu.

Comment se décomposent vos différentes sources de revenus ?

Nos revenus proviennent essentiellement de la vente de nos produits, dont les prix varient entre 59 euros et 119 euros. L'accès à nos applications, permettant de visualiser les données, est entièrement gratuit. Nous proposons en option la souscription à un compte premium, pour 45 euros par an, qui permet d'avoir accès à une analyse approfondie de vos données ainsi qu'à un programme de coaching Fitness personnalisé.

Vous avez lancé sur le marché américain le Fitbit Force, un bracelet connecté qui fait également office de montre. Quelles sont vos ambitions sur le marché des "smartwatchs" ?

"Les utilisateurs de Fitbit sont plus actifs"

Il s'agit un effet d'un bracelet qui permet de mesurer son activité quotidienne tout en offrant quelques fonctionnalités d'une montre connectée, comme par exemple celles de pouvoir recevoir des notifications en provenance de son téléphone. Le problème avec les montres connectées actuelles est qu'elles sont probablement trop grosses pour être portées quotidiennement. Je pense néanmoins qu'il existe une place pour des produits comme le Fitbit Force qui proposent une alternative en termes de taille et de prix. Nos utilisateurs aiment tout ce qui est facilement transportable et apprécient d'avoir quelque chose de confortable autour de leur poignet, raison pour laquelle nous ne nous risquerons pas à concevoir quelque chose de trop volumineux.

Qui sont vos concurrents et en quoi vous différenciez-vous ?

A mes yeux, notre principal concurrent aujourd'hui s'appelle Nike FuelBand, les autres sociétés du secteur restant pour le moment plutôt petites en termes de parts de marchés. Le fait d'avoir été parmi les pionniers à nous positionner sur ce marché des "wearable devices" il y a 7 ans nous a vraiment été précieux comme le démontre notre position aujourd'hui. Nos applications figurent la plupart du temps dans le Top 5 d'iTunes aux US et les produits Fitbit arrivent également en tête de leur catégorie sur Amazon.

Pensez-vous que le fait de pouvoir transformer son téléphone en un capteur d'activité puisse représenter, à terme, une menace pour vous ? 

Je ne le pense pas pour plusieurs raisons. La première raison évidente est que l'on ne garde pas son smartphone 24h sur 24h sur soi. Lorsque vous rentrez du travail ou que vous allez vous coucher, votre mobile est souvent posé quelque part mais ne se trouve plus dans votre poche. La deuxième raison est que dans le futur une nouvelle génération de capteurs va voir le jour et va permettre de mesurer de nouvelles données comme le stress ou encore la pression du sang. Ces capteurs dernière génération n'auront sûrement pas leur place dans un smartphone. Pour nous, la question est donc de continuer dans notre direction et d'être en mesure de proposer toujours plus d'innovations à nos clients. Toutefois, la nouvelle version de notre application utilise la puce M7 intégrée à l'iPhone 5 pour capter les mouvements des utilisateurs.

Que préconisez-vous de faire des données récoltées ? Pourquoi ne pas les utiliser pour les montrer à son médecin ?

Je pense qu'il peut être en effet très intéressant de partager avec son médecin de telles informations. Celui-ci ne vous voyant que quelques fois dans l'année, ces données vont lui permettre de mieux comprendre votre mode de vie. Nous avons d'ailleurs déjà des partenariats aux Etats-Unis avec des assurances et des hôpitaux qui vont dans cette direction. Aujourd'hui déjà des gens montrent ces données à leurs médecins via leur smartphone ou leur tablette. Mais demain ces données seront sans doute accessibles en temps réel par votre médecin.

Comment voyez-vous Fitbit et le secteur des objets connectés évoluer dans les années à venir ?

Notre vision ne s'arrête pas simplement aux appareils mobiles et transportables, nous nous concentrons plus globalement sur tous les types d'appareils qui permettent de capturer des informations liées à votre santé et votre activité. Nous travaillons à de nouvelles projets mais je ne peux pas en dire plus pour le moment. Dans le monde de demain, les capteurs seront partout dans notre quotidien, et on ne remarquera même plus leur présence. Ils permettront de récolter, en toute passivité,  toujours plus d'informations sur notre activité quotidienne.

C'est en 2007 que James Park fonde Fitbit, sa troisième start-up. Auparavant, il occupait le poste de directeur du développement de produits chez CNET Networks, Avant cela, James avait cofondé Windup Labs, rachetée par CNET en 2005. Il a également été le cofondateur d'Epesi Technologies et travaillé chez Morgan Stanley, où il a participé au développement de stratégies et de logiciels de trading pour un fonds. James Park a poursuivi des études d'informatique à Harvard.