Isentroniq lève 7,5 millions d'euros pour industrialiser les ordinateurs quantiques

Isentroniq lève 7,5 millions d'euros pour industrialiser les ordinateurs quantiques La start-up parisienne développe une technologie de câblage supraconducteur. Une innovation qui pourrait permettre de multiplier le nombre de qubits utiles dans un ordinateur quantique.

L'informatique quantique promet des avancées majeures dans la santé, l'intelligence artificielle ou encore la modélisation moléculaire. Mais encore faut-il disposer d'ordinateurs quantiques capables de fonctionner efficacement… et de tenir dans des infrastructures classiques. Pour rendre cette technologie réellement industrialisable, la start-up parisienne Isentroniq a mis au point une solution de câblage supraconducteur. L'entreprise annonce ce mardi 14 octobre une levée de 7,5 millions d'euros comprenant une partie de financement non dilutif. Le tour est mené par Heartcore Capital, avec la participation d'OVNI Capital, iXcore, Kima Ventures, Better Angle, Epsilon VC et de France 2030 via la BPI et l'ANR. 

Des câbles jusqu'à 1 000 fois plus efficient

Par nature quand on parle de calcul quantique, les qubits sont extrêmement fragiles et sujets aux erreurs. "Il en faut des milliers pour encoder un seul qubit logique et fiable", précise Paul Magnard, CEO et co-fondateur d'Isentroniq. Conséquence, pour réaliser des calculs utiles dans des domaines comme la simulation moléculaire ou l'optimisation logistique, les machines doivent passer de quelques centaines de qubits aujourd'hui à plusieurs millions demain. Sans cette masse critique, les ordinateurs quantiques resteraient cantonnés aux preuves de concept et seraient incapables de rivaliser avec les supercalculateurs classiques. Or, parmi les cinq plateformes pour construire un ordinateur quantique, l'approche utilisant des circuits supraconducteurs s'impose comme la plus mature. Mais la technologie supraconductrice impose une contrainte majeure : maintenir les puces à une température de 10 millikelvins (-273 degrés environ) à l'aide d'appareils appelés cryostats.

Ce besoin en refroidissement extrême pose problème. Dans un ordinateur quantique supraconducteur, chaque qubit nécessite environ quatre câbles pour être contrôlé depuis l'extérieur du cryostat. Les câbles, qui relient les instruments aux puces ultra-froides, constituent le véritable goulet d'étranglement du système. "La chaleur est à 100% générée par les câbles", explique Paul Magnard. Pour passer au million de qubits nécessaire, l'infrastructure cryogénique deviendrait pharaonique. "On se retrouve avec une machine qui fait la taille de dix stades de foot, qui coûte des dizaines de milliards de dollars et qui a une consommation énergétique complètement dingue, de l'ordre d'un gigawatt", résume le physicien. 

La solution développée par la start-up parisienne s'attaque précisément à ce blocage. Elle a développé une technologie de câblage capable d'apporter "mille fois moins de chaleur" que les câbles conventionnels. Si la composition exacte reste secrète jusqu'aux premiers démonstrateurs prévus début 2026, la technologie pourrait ramener le coût d'un système d'un million de qubits à environ 50 millions d'euros. Le tout en lui permettant de tenir dans un bâtiment de la taille d'un datacenter.

Une commercialisation dès 2026

Isentroniq vise une commercialisation dès 2026. La start-up conçoit les câbles, mais délèguera la fabrication à des partenaires industriels spécialisés. "On peut utiliser toute la maturité technologique que ces fabricants ont, sans avoir à investir dans des machines", explique Théodore Amar, cofondateur et COO. Et les clients cibles sont déjà identifiés. Google, IBM, Amazon côté américain, mais aussi les champions européens comme Alice & Bob, IQM ou Rigetti. "Ils ont déjà fait leur POC et maintenant veulent réussir à augmenter le nombre de qubits considérablement", analyse Paul Magnard. La start-up a pris contact avec certains de ces acteurs pour "vérifier leurs besoins."

Les 7,5 millions récoltés jusqu'à présent serviront à financer l'infrastructure de test quantique (installée sur l'iX Campus de Saint-Germain-en-Laye) et à constituer une équipe d'ingénieurs de haut niveau. Isentroniq prévoit notamment d'ouvrir quatre postes supplémentaires dans l'année (ingénieurs mécanique, quantique, radiofréquence et software). Les recrutements, toujours en cours devraient porter l'équipe à 8 personnes en janvier 2026.