La France, championne du cloud native ?

Ces dernières années ont vu les technologies cloud natives gagner en maturité et leur utilisation se généraliser dans l'Hexagone.

Ces dernières années ont vu les technologies cloud natives gagner en maturité et leur utilisation se généraliser. Elles ont été enrichies de nombreuses fonctionnalités, les cas d’usages sont bien identifiés, et elles sont plus faciles à appréhender par le monde de l’entreprise. La mise en place de telles technologies au sein de son SI ou pour les applications est également plus simple, grâce à un formidable écosystème d’acteurs, d’outils et de solutions.

Au sein de cet écosystème, la France a pu compter dès les débuts sur des figures de proue comme Solomon Hykes, créateur de Docker, ou Jérôme Petazzoni qui participait à l’aventure dès l’origine. Elle peut s’appuyer aussi sur de larges communautés de passionnés regroupés dans les déclinaisons locales de la CNCF (Cloud Native Computing Foundation). On peut citer le CNCF Paris et le CNCF Lyon avec qui nous organiseront la première édition des Kubernetes Community Days France.

Kubernetes est apparu en 2014, issu d’un projet interne chez Google et offert à la CNCF pour le rendre open source et disponible pour la communauté. Cette technologie d’orchestration de conteneurs peut être considérée comme le cœur de l’approche cloud native. Si on remonte 4-5 ans en arrière, Kubernetes était encore très difficile à déployer et encore plus à maintenir en production. Et tout l’écosystème technologique cloud native connexe n’en était encore qu’à ses balbutiements. 

Il existe aujourd’hui un écosystème technologique colossal. Avec plus d’un millier de projets, la large communauté open source qui gravite autour de Kubernetes n’a jamais été aussi dynamique. On peut citer des projets importants “nés avec le cloud native” comme Helm pour le packaging des applications, Prometheus et Thanos pour l’observabilité des applications centralisée, Falco sur la sécurité, Argo et Flux pour la configuration des infrastructures en GitOps, etc. La grande majorité des acteurs traditionnels de l’infrastructure (stockage, bases de données, réseau, monitoring, etc) ont également intégré l’approche cloud native et la compatibilité avec Kubernetes dans leurs solutions. Un rapide détour devant le “landscape CNCF” est la meilleure preuve de la dimension du cloud native aujourd’hui.

Au-delà des technologies elles-mêmes, l’offre de services s’est largement étendue et diversifiée. À titre d’exemple, la migration vers les conteneurs et Kubernetes peut se faire sur tous les environnements : on-premise, sur le cloud public ou privé, en mode multi-cloud ou hybrid-cloud, ou chez des hébergeurs spécialisés. Loin de l’approche d’origine “Vanilla” (“à la main”, avec beaucoup de flexibilité et de maîtrise de l’infrastructure, mais aussi une plus grande complexité), les entreprises ont désormais accès à des distributions Kubernetes sur étagère et à des services Kubernetes managés (par leur fournisseur cloud ou bien par des acteurs spécialisés). Comme les grands clouds US, les principaux acteurs français comme OVHcloud et Scaleway proposent des offres de Kubernetes managées sur cloud public abouties pour adopter le cloud native avec un effort plus limité et moins de besoins en compétences internes. Le bon fonctionnement de leur service Kubernetes et de l’infrastructure sous-jacente repose ainsi en grande partie sur leurs fournisseurs et sur les prestataires spécialisés auxquels elles font appel.

Reste aujourd’hui la question de l’adoption par les organisations avec une réponse un peu plus nuancée. Les technologies sont plus accessibles mais elles n’en restent pas moins compliquées à déployer et à maintenir en production. De plus, faire le choix du cloud native implique une transformation profonde de la manière dont une entreprise pense, conçoit, déploie et utilise ses services numériques. Ceci induit un changement organisationnel au même titre que le mouvement DevOps. Il s’agit là d’embarquer aussi bien les développeurs que les équipes d’infrastructure ou les équipes projet et produit.

Force est de constater que de plus en plus d’organisations ont déjà franchi le pas. Celles pour lesquelles c’est le plus naturel sont souvent les start-up et scale-up modernes qui partent d’une page blanche avec de jeunes équipes formées à ces technologies. Elles souhaitent notamment bénéficier d’une vélocité de conception des applications, ainsi que d’une bonne capacité de passage à l’échelle. On peut citer en France par exemple Deezer, Mirakl, Back Market, Doctolib, ou encore Veepee.

Pour les entreprises et les institutions plus “installées”, les approches cloud natives deviennent souvent la norme sur les nouveaux projets innovants, ou pour des cas d’usages bien identifiés. La migration de l’existant s’opère alors progressivement par plateformes et par applications. On peut citer l’Education Nationale, Pôle Emploi, ou encore le CNRS. Enfin, de très grands comptes ont basculé depuis plusieurs années maintenant tout ou partie de leurs plateformes : Renault, Michelin, la Société Générale ou encore Decathlon.

À côté de ce panorama enthousiaste, il est important de ne pas succomber à l’effet de mode de Kubernetes sans en comprendre les avantages et d’en évaluer la pertinence pour son organisation. L’approche cloud native est une nouvelle façon de penser le développement et l’opération des applications sur son infrastructure, elle n’est pas forcément pertinente sur tous les cas d’usage ni pour toutes les plateformes. 

Les principaux avantages résident dans les capacités de résilience et d’autoscaling de Kubernetes, dans la possibilité d’observabilité fine des applications ou encore dans l’automatisation de l’ensemble de la chaîne de conception et de gestion des applicatifs et du logiciel. Il reste parfois judicieux de laisser certaines plateformes sur des environnements traditionnels. Et dans tous les cas, se lancer dans cette transformation nécessite d’impliquer l’ensemble des équipes techniques en amont et de s’appuyer sur les acteurs spécialisés aguerris à ces technologies. Pour ces prochaines années, tout est désormais bien en place pour que l’adoption du cloud native continue de progresser en France comme à travers le monde. Il reste encore des efforts d’évangélisation à faire auprès des organisations dont le fort poids de l’existant est un frein réel à l’adoption. La première édition de l’événement “Kubernetes Community Days France” souhaite apporter sa contribution. Le 7 mars prochain à Paris, il mettra à l’honneur les communautés et la majorité des acteurs de premier plan présents en France. Ils y partageront leurs retours d’expériences sur la mise en place de ces technologies, leurs méthodes, les difficultés, et surtout ce que cela peut leur apporter sur leurs diverses activités.