La souveraineté technologique est l'affaire de tous

La gouvernance du numérique ne reposent plus uniquement sur les États. Et elle s'accompagne de nouveaux déséquilibres.

Dans un monde de plus en plus complexe, l’innovation s’accélère. Les données se démultiplient mais nous échappent. Les réseaux sociaux sont des lieux d’interaction mais reflètent nos fractures. Les algorithmes changent le monde mais inspirent la défiance. Les technologies améliorent nos vies mais leurs progrès fulgurants soulèvent des questions fondamentales. La gouvernance du numérique ne reposent plus uniquement sur les États. Et elle s’accompagne de nouveaux déséquilibres.

Alors comment reprendre la main ? Comment ré-enchanter les technologies pour redonner confiance ? Quelle gouvernance demain pour l’innovation et pour le numérique ?

L’État n’a plus le monopole de la souveraineté

La crise que nous traversons a démontré combien une économie résiliente repose sur un appareil productif puissant et intégré. Les États l’ont bien compris : la notion d’indépendance prend tout son sens lorsque les pénuries de produits de première nécessité apparaissent. Cette indépendance a toujours deux visages : économique et technologique.

Mais cette réalité, pour la première fois, n’est plus réservée aux États. L’émergence de "géants du numérique" puis de nouveaux acteurs non étatiques (entreprises, ONG, etc) bouleversait déjà la donne ancrée dans les mœurs depuis le traité de Westphalie. Mais aujourd’hui plus que jamais et de manière de plus en plus évidente, la souveraineté n’est plus le domaine réservé des États !

Oui, l’indépendance économique et technologique concerne désormais toutes les entreprises et organisations. S’il fallait le démontrer, toutes ces structures sont des proies égales pour les cyberattaques. Et toutes doivent intégrer à leurs stratégies la nouvelle donne technologique

Vers un New Tech deal

Dans la course mondiale qui se joue, toutes les organisations (publiques comme privées) doivent donc intégrer que la maîtrise technologique constitue la clef du pouvoir de demain. C’est cela la nouvelle donne technologique : l’horizontalisation des acteurs a abouti à un partage égal des responsabilités en matière d’appropriation des nouvelles technologies. Avec des rôles certes différents : les acteurs publics sont désormais responsables de l’appropriation collective des enjeux technologiques là où les acteurs privés sont condamnés à innover et à intégrer les nouvelles technologies pour survivre. Une chose est certaine, acteurs publics ou privés : il est urgent que tous intègrent en leur sein le sujet de la souveraineté technologique.

Mais qu’est-ce que cela veut dire ? Pas question simplement de digitaliser son business : l’essentiel n’est plus juste la technologie comme à la fin du siècle dernier mais la technologie juste. Toutes les organisations, publiques ou privées, doivent insuffler du sens et du cœur à leur vision technologiques pour mieux s’approprier leurs réalités et surtout mieux assurer leur développement. Car oui, les entreprises modernes et innovantes sont et seront technologiques. Et force est de constater que la technologie recouvre des réalités sociales, réputationnelles et stratégiques qui forgent leur identité et doivent être appréhendées sous le prisme d’une véritable souveraineté.

Les entreprises et organisations n’ont donc plus le choix : elles doivent reprendre la main en ne se fixant plus uniquement des objectifs techniques mais également des stratégies doublées d’une éthique. A l’heure de Pegasus, de Wikileaks et de la recrudescence à la fois de cyber risques mais également de lois encadrant l’utilisation des technologies (RGPD, etc), la prise de risque n’est plus permise. Il vaut mieux faire le pari d’un ré-enchantement technologique plutôt que de risquer le cauchemar de la perte de contrôle.

Vers une responsabilité technologique des entreprises

La souveraineté technologique est le pivot du nouvel ordre mondial qui se dessine. Mais la difficulté est celle de la compréhension de l’enjeu : il serait trop facile de se tourner vers les ingénieurs et les techniciens en considérant que le sujet est d’abord technique. Alors qu’il est en réalité d’abord stratégique : les managers de demain ne peuvent plus laisser ces questions aux ingénieurs, ils doivent les comprendre tant qu’à se faire aider, les maîtriser et se les approprier eux-mêmes.

L’enjeu est d’autant plus fort que demain, la souveraineté technologique sera l’affaire de tous ; même si les citoyens d’aujourd’hui n’en ont pas encore pleinement conscience. Et si la RSE est devenue si essentielle parce que l’industrie se doit d’être de plus en plus verte, il est logique que les entreprises soient rapidement contraintes à intégrer les logiques de la souveraineté technologiques à leurs business model au-regard de l’importance vitale de ces enjeux. La gouvernance technologique de demain se créait aujourd’hui : prenons un temps d’avance en faisant de la souveraineté technologique l’une des grandes causes des années à venir !