La France, terre fertile pour la deeptech

Alors que la France a fait de la deeptech un axe de développement stratégique, de nombreux obstacles subsistent pour les acteurs du secteur qui ne parviennent pas tous aujourd'hui à être rentables.

En janvier 2023, l’État français déclare engager 500 millions d’euros supplémentaires pour encourager le développement de la deeptech dans le cadre du plan d’investissement « France 2030 ». Quelques semaines plus tard, l’annonce des lauréats 2023 de la nouvelle promotion Next40 & FT120 sacre de nombreuses start-up industrielles et de la deeptech. Si certaines sont encore inconnues au bataillon, elles font pourtant la fierté de notre écosystème tricolore.

La deeptech désigne les entreprises, et en particulier les start-up, concentrées sur des technologies de pointe, promettant un impact significatif dans la résolution des grands défis industriels et de société. En d’autres termes, la deeptech identifie des solutions de rupture permettant de repousser les frontières du possible. Cette nouvelle vague d’innovations prend le relai d’une transformation digitale à l’œuvre depuis déjà deux décennies, en se consacrant à des « technologies profondes », moins accessibles car plus coûteuses et prospectives. Elle se décline dans des domaines de pointe comme la mobilité, à l’image d’Orok, start-up permettant d’automatiser les tarmacs des aéroports, le stockage et l’analyse des données, à travers une société comme Scality, ou encore la médecine, révolutionnée par des outils comme Therapixel, une entreprise mettant l’intelligence artificielle au service du dépistage précoce des cancers. Dans cette équation complexe, comment créer les conditions de réussite pour la structuration efficace et pérenne des acteurs de la deeptech ? La France est-elle une terre fertile pour la deeptech ?

Les nombreux défis de la tech à impact

Consacrée aux innovations de rupture, la deeptech se positionne par définition dans un environnement de défis. Quand la soft-tech fait appel à des technologies logicielles matures, relativement simples par comparaison et accessibles de tous, la deeptech implique quant à elle des connaissances très pointues en sciences et ingénierie, et des cycles de recherche & développement (R&D) longs et coûteux. Des investissements conséquents doivent être consentis avant que des solutions puissent espérer voir le jour. En France, les volets R&D sont largement promus dans ce domaine, comme le montre la promotion 2023 du Next40 intégrant trois nouvelles start-up issues de la deeptech (Flying Wales, Innovafeed et Verkor).

Au-delà des financements, la deeptech doit aussi affronter une maturité du marché largement incertaine. Et pour cause : la deeptech travaille sur des solutions et des cas d’usage innovants, pour lesquels nous n’avons pas l’assurance qu’ils trouveront leur marché – comme l’ordinateur quantique qui présente de nombreux cas d’usage théoriques devant encore faire leurs preuves auprès des entreprises. Cette marche vers l’inconnu rend incertains les retours sur investissement.

Des facteurs de succès clairement identifiés

En France, la deeptech se développe aujourd’hui majoritairement grâce aux start-up. Cette spécificité peut paraitre détonante compte tenu de cycles de développement et de mise sur le marché beaucoup plus rapides pour ces dernières. Agilité et projets de long-terme doivent ainsi s’accorder afin que les innovations atteignent sereinement leurs cibles industrielles.

Un premier facteur de succès pour les acteurs de la deeptech se trouve dans la nécessité d’une vision orientée marché : il s’agit d’anticiper la viabilité commerciale des solutions en développement, en partant en premier lieu du problème à résoudre et non pas de la technologie. Cette écoute du marché se prolonge par une approche design thinking, un processus itératif centré sur l’utilisateur impliquant le prototypage et le test de chaque solution pour apporter une réponse ciblée et pertinente.

Un autre facteur clé de réussite concerne l’importance de développer des écosystèmes d’acteurs au sein du secteur. Compte tenu de la haute technicité des champs de recherche et des ressources importantes à mobiliser, les start-up ont par exemple tout intérêt à constituer des partenariats stratégiques avec des instituts de recherche et des industriels pour accélérer leur croissance et la mise sur le marché. De la même manière, point de deeptech sans une équipe pluridisciplinaire en mesure de solliciter différentes expertises correctement maîtrisées, de la recherche fondamentale à l’ingénierie, en passant par le marketing et la commercialisation du produit final.

Deeptech un jour, deeptech toujours

A l’image des transformations qu’ont entraînées les machines lors de la Révolution Industrielle, la deeptech s’attache à trouver des solutions disruptives permettant de passer un cap économique, sociétal ou culturel. Prenons l’exemple de la modélisation moléculaire dans la santé. Grâce à la puissance apportée par l’ordinateur quantique, il devient possible de simuler le fonctionnement et les interactions entre molécules du vivant et de synthèse sans avoir à les produire. Ces simulations permettraient à l’industrie pharmaceutique d’accélérer et de réduire les coûts associés au développement de nouveaux médicaments et traitements. Le champ d’application de la deeptech ne s’arrête pas là, et les progrès sont autant envisagés dans les domaines de l’énergie, l’agriculture et l’alimentation, ou encore les transports et la mobilité durable.

Ces changements de paradigme induits par la deeptech se placent dans le temps long, avec des défis à relever. Mais les technologies qui perceront deviendront incontournables. Pour les start-up du secteur, la rentabilité peut certes paraître lointaine au départ, mais s’agissant de technologies de niche, brevetables et exploitables à l’échelle mondiale, le potentiel révolutionnaire est massif. Investisseurs, chercheurs, talents, partenaires : armez-vous de patience, mais soyez prêts. Le futur se joue maintenant !