Antoine Freysz (Kerala Ventures) "En investissant notre propre capital, nous gagnons en réactivité et en souplesse"

Lancé en janvier, Kerala Ventures compte déjà cinq start-up à son portefeuille, parmi lesquelles Doctolib et Hopwork. Son cofondateur et directeur général, Antoine Freysz décrit le fonctionnement et les ambitions du fonds.

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Antoine Freysz, DG de Kerala Ventures. © Kerala Ventures

JDN. Vous avez lancé Kerala Ventures en janvier dernier. Pouvez-vous nous décrire le fonds ?

Antoine Freysz. Kerala Ventures n'est pas un fonds régulé classique : nous sommes trois cofondateurs et nous y avons investi notre propre capital. Nous n'avons pas de souscripteurs, ce qui fait de Kerala Ventures un fonds plus réactif et souple. Nous n'avons aucun horizon de placement : nous nous adapterons aux fondateurs des start-up dans lesquelles nous investissons. Notre objectif est de prendre un ticket très tôt, au moment de la création des start-up, au moment où les associés fondent l'équipe. Nous voulons être le premier investisseur historique et que nos intérêts soient totalement alignés avec ceux des cofondateurs.

Pourquoi se positionner si tôt dans la création d'une start-up ? C'est un choix très risqué pour un fonds qui se lance...

Notre vision est de prendre des risques élevés avec des perspectives de retour sur investissement élevés aux-aussi. Nous mettrons des tickets de 50 000 à 300 000 euros, pour environ 10 à 30% du capital, en lead et généralement seuls (éventuellement avec un coinvestisseur). Nous voulons compléter jusqu'à 10 investissements d'ici à mi-2016 –nous disposons de 5,5 millions d'euros à investir. Nous passerons tous deux-tiers de notre temps avec les sociétés, pour les suivre au jour le jour et s'assurer de leur succès. Objectif : concentrer des moyens financiers et de temps sur un nombre restreint de sociétés.

En quoi consiste votre soutien ?

A la demande des cofondateurs, nous pourrons avoir un très fort impact sur les opérations des start-up. Depuis le recrutement jusqu'au développement commercial et développement produit, en passant par le développement international, nous pourrons les conseiller grâce à nos diverses expériences et notre réseau.

Quel sont les profils des trois cofondateurs ?

Ils sont multiples. Olivier Occelli est un entrepreneur et manager : il a fondé NaturaBuy en 2007. J'ai aussi une expérience de manager [Antoine Freysz a notamment été COO de Travelocity/Lastminute.com, ndlr], d'investisseur et d'entrepreneur : j'ai cofondé Otium Capital en 2009 puis en ai été le CEO. Marc Laurent, troisième cofondateur, y a travaillé en tant qu'associé. Nous voulons apporter aux start-up une expérience complète d'investisseur, de créateur d'entreprise et de manager, un triptyque parfait pour un board musclé dès le départ.

Sur quels secteurs allez-vous vous focaliser ?

Le numérique, avec un fort focus sur les places de marché.

Vous avez déjà annoncé plusieurs investissements...

En effet, nous avons déjà bouclé cinq tours de table, et un sixième sera annoncé dans les mois qui viennent. Notre premier investissement a été bouclé début 2014, avant même le lancement officiel de Kerala Ventures : avec Olivier, nous sommes entrés à titre personnel au capital de Doctolib. Nous avons aussi investi dans ClickOn et AdotMob, dans le secteur mobile, ainsi que dans les places de marché Hopwork et Privateaser.

Voyez-vous déjà émerger des pépites ?

Oui, sans hésitation. Doctolib est passé de zéro à 110 salariés en un an et a signé plusieurs milliers de médecins sur sa plateforme. Adotmob, spécialisé dans la publicité programmatique mobile, engrange plusieurs centaines de milliers d'euros de chiffre d'affaires mensuels. Et Hopwork connaît aussi un très gros succès commercial avec des perspectives de croissance énormes.

D'où vient votre dealflow ?

Principalement, d'une vingtaine d'amis entrepreneurs avec qui nous avons travaillé ces dix dernières années, qui font notamment partie des équipes de direction des start-up financées par Otium, et qui sont fortement prescripteurs de notre valeur. Nous n'avons pas un volume d'opportunités énorme, mais un dealflow très prescriptif et de qualité.

Comptez-vous réinvestir dans les start-up de votre portfolio aux tours de table suivants ?

On se donne la possibilité de réinvestir une fois, mais nous n'avons pas la capacité d'investir d'énormes tickets.

Quels sont, selon vous, les secteurs à suivre dans les mois à venir ?

Si je devais donner quelques thématiques en révolution complète, je citerais l'organisation du travail, la santé et l'agriculture.

Diplômé d'HEC, Antoine Freysz débute sa carrière comme directeur du développement puis COO de lastminute.com France. Cofondateur et CEO d'Otium Capital de 2008 à 2014, il dirige le lancement de plusieurs start-up et gère l'acquisition de Lafourchette en 2008, dont il dirigera le board jusqu'à la cession à Tripadvisor en mai 2014. En janvier 2015, Antoine lance Kerala Ventures. Il est aujourd'hui membre du conseil d'administration de Doctolib, A.Mob, Hopwork, ClickOn, Privateaser, Balinea, Evaneos et NaturaBuy.