Lindsey McInerney (Sixth Wall) "L'industrie du divertissement amènera le premier milliard de gens dans le métaverse"

Le Journal du Net est partenaire du Mastercard Innovation Forum 2022, prévu le 8 décembre à Paris. CEO de la société de production Sixth Wall, créée avec Mila Kunis, et invitée du MIF 2022, Lindsey McInerney dévoile au JDN sa vision du Web de demain.

Lindsey McInerney, cofondatrice et CEO de Sixth Wall. © DR

JDN. Pouvez-vous nous présenter votre parcours au sein de cet écosystème Web3 ?

Lindsey McInerney. Je suis la cofondatrice et directrice générale de Sixth Wall, une société de média et divertissement construite avec Mila Kunis et Lisa Sterbakov. Je suis aussi la fondatrice de Black Sun Labs, qui accompagne les marques et célébrités dans le Web3 et le métaverse. Auparavant, j'étais en charge de la technologie et de l'innovation au sein de Anheuser Busch-Inbev et en 2020, nous avons lancé Stella Artois dans le métaverse, l'une des premières marques et sans aucun doute le premier produit de consommation dans cet espace. C'était très excitant car avec le métaverse, on pense au monde virtuel et c'est difficile de concevoir comment intégrer un produit de consommation dans cet espace.

Le 8 décembre, lors du Mastercard Innovation Forum, votre conférence sera intitulée : "Le métaverse va révolutionner le divertissement". Pourquoi, selon vous, l'industrie du divertissement a besoin du Web3 ?

Ma conviction, notre conviction, est que l'industrie du divertissement sera le facteur qui amènera le premier milliard de gens dans le métaverse. Le divertissement est ce qui rend les choses excitantes, c'est ce qui nous rend humains, nous sommes des storytellers, nous aimons nous connecter les uns aux autres. Si vous vous souvenez des premières expériences dans le Web2, il s'agissait surtout de se connecter avec d'autres personnes, de s'exprimer, partager de la musique, des photos, des vidéos, c'est ce qui rendait le Web2 excitant et ma conviction est que c'est aussi ce qui amènera les gens dans le Web3.

La communauté Web3 s'engage souvent dans un projet en raison d'une incitation économique. Beaucoup de projets Web3 du divertissement ont jusqu'ici eu des difficultés à partager les revenus avec leur communauté, ne serait-ce qu'en raison de la régulation ? Quel est le bon modèle ?

C'est un sujet compliqué. Nous essayons tout d'abord de partager du plaisir, de l'engagement et de rapprocher les communautés des créateurs. A titre d'exemple dans Discord, nous donnons l'opportunité aux utilisateurs de pitcher devant des créateurs d'Hollywood, de les intégrer dans les coulisses des processus de créations télévisée et cinématographique d'Hollywood et de casser les barrières entre le public et l'industrie.

Le livre blanc du Bitcoin publié en 2008 faisait la part belle aux idées de décentralisation et d'intégration de la population exclue du secteur financier. On constate aujourd'hui l'arrivée en nombre de grandes entreprises dans le Web3. Craignez-vous que le Web3 devienne ce qu'est devenu le Web2, aujourd'hui majoritairement dans les mains des Gafa ?

C'est une possibilité et c'est pourquoi en ce moment, je me concentre sur le fait de ne laisser personne sur le côté et d'essayer d'aider les gens à comprendre dans des termes simples ce qui est en train de se passer dans cet écosystème. Le jargon utilisé peut être un frein pour beaucoup de communautés, c'est sans doute pour que les gens se sentent intelligents mais au bout du compte, cela exclut beaucoup de monde. Il est encore suffisamment tôt pour aller dans différentes directions, or mon sentiment est que plus il y aura de gens pour comprendre la technologie et plus cet espace sera intéressant. Ma crainte est qu'il y a aujourd'hui beaucoup de personnes abandonnées par le Web2 et qu'elles sont, peut-être à juste titre, sceptiques au sujet de la technologie dans son ensemble. C'est ce type d'individus que j'aimerais le plus atteindre car ils ont une très forte opinion sur la façon dont rendre Internet meilleur. J'aimerais que ces voix contribuent à cet espace car la réalité est que cet écosystème avancera avec ou sans elles. Nous avons vraiment besoin de voix critiques à cette table. 

Au moment de cet entretien, vous vous trouvez à New York, un Etat avec une législation plus stricte sur cet écosystème que, par exemple, la Californie. Les Etats-Unis ont eux-mêmes une législation différente de celle de l'Union européenne. Ces différences de perception des régulateurs peuvent-elles constituer un frein à l'innovation ?

J'espère vraiment que ce ne sera pas le cas car la crypto est l'avenir de l'innovation. Je pense que l'un des défis de la crypto sera d'être davantage perçue comme un logiciel plutôt qu'une monnaie. Il y a d'énormes opportunités à l'heure actuelle pour les pays visionnaires qui creuseront vraiment le sujet et créeront une régulation bienveillante pour devenir une plaque tournante de l'innovation et de la technologie. Ce serait très décevant si les régulateurs ne comprenaient pas à quel point nous sommes à un moment important. A l'heure actuelle, l'ensemble de l'industrie réclame de la clarté, et ce, le plus rapidement possible. Toutes les personnes que j'ai rencontrées dans cet espace veulent être en conformité et suivre les règles, mais il faut le cadre le plus clair possible pour que nous puissions continuer d'innover dans un environnement sain et sécurisé pour le consommateur.

Entrepreneuse à succès, Lindsey McInerney a cofondé Sixth Wall, le bras numérique et filiale de la société de production Orchard, de Mila Kunis. A l'origine de l'arrivée de Stella Artois dans le métaverse en 2020 lorsqu'elle était responsable de l'innovation du groupe Anheuser Busch-Inbev, elle est considéré comme l'une des personnes les plus influentes de l'écosystème Web3 dans le monde. Elle a notamment été élue l'une des 22 personnalités LGBTQ+ initiatrice de changement lors de l'Adweek Pride Stars 2022.