Cryptos : le sale été de la SEC… avant la défaite finale ?
Entre décisions de justice et joutes verbales, l'été crypto aura été mouvementé aux Etats-Unis. Cependant, contrairement à ce qu'on aurait pu penser au départ, ce n'est pas le régulateur financier américain qui en est sorti gagnant.
Pendant que beaucoup étaient en vacances, le secteur crypto américain a vibré cet été au rythme de la bataille entre certains acteurs du secteur et la Securities and Exchange Commission (SEC), le régulateur financier américain, qui malgré sa toute puissance a essuyé plusieurs revers.
Un été marqué par plusieurs échecs pour la SEC…
La qualification rejetée de titres financiers
Cela fait plusieurs années que la SEC mène une bataille contre Ripple, mais aussi contre d'autres projets moins médiatiques. La raison est simple : selon la SEC, Ripple et les autres ont mis en vente leurs tokens sans autorisation. En effet, selon le régulateur financier américain, un token est un titre financier et la loi sur les valeurs mobilières dispose que tout titre financier doit d'abord être approuvé par la SEC avant d'être proposé aux investisseurs.
Dans notre article sur l'affaire Ripple, nous expliquons que la SEC utilise le test de Howey et ses trois critères pour qualifier le XRP de titre financier. C'est notamment le critère d'espérance de profit qui est important aux yeux du régulateur. Si, dans un premier avis, la juge n'a pas donné entièrement raison à Ripple Labs, elle a cependant exclu la qualification de titre financier lorsque le token est proposé à des investisseurs particuliers. Un premier revers pour la SEC et son président Gary Gensler, qui s'ensuivit d'un second avec l'affaire Uniswap.
En effet, le 30 août dernier, un tribunal new-yorkais a débouté un recours collectif, auquel la SEC n'était pas partie, alléguant que le protocole décentralisé avait permis l'échange de tokens frauduleux. Ce n'est pas tant cela qui nous intéresse, mais plutôt la qualification de l'ETH d'Ethereum. Le juge le qualifie de commodité et rejette elle aussi celle de titre financier.
C'est un gros revers pour la SEC quand on sait que l'ETH est de très loin le token le plus utilisé sur les plateformes décentralisées.
Les arguments rejetés contre l'enregistrement d'un ETF Bitcoin
Au-delà de l'affaire des titres financiers non enregistrés, une autre dure depuis plusieurs années : celle des ETF Bitcoin. Pour rappel, un ETF est un fonds coté en bourse permettant notamment d'investir passivement. De nombreux institutionnels attendent un ETF Bitcoin, car ils ne veulent pas l'acheter directement sur le marché crypto.
Des acteurs ont donc voulu faire enregistrer un ETF Bitcoin. Toutefois, la SEC a longtemps refusé cette possibilité, avant finalement d'accepter la cotation de plusieurs d'entre eux, sous réserve qu'ils suivent un contrat future (contrat autorisé par la SEC), qui permet de parier sur l'évolution du cours. En revanche, les ETF Bitcoin Spot, c'est-à-dire qui suivent directement le cours de la cryptomonnaie, ont tous été rejetés.
Parmi ces ETFs rejetés, il y avait celui de l'acteur crypto Grayscale qui a fait un recours en justice. Or, le 30 août dernier, décidément une mauvaise journée pour la SEC, une cour de Washington a donné raison à Grayscale, en précisant que la SEC avait traité de manière différente deux produits similaires, puisque les ETFs basés sur les contrats futures ont été autorisés. C'est d'ailleurs ce que nous avions indiqué dans notre article du mois de février.
C'est donc un revers majeur pour la SEC et Gary Gensler. Il n'en demeure pas moins que le régulateur financier continue de rejeter les demandes d'enregistrement.
… qui continue pourtant de tenir sa ligne de conduite
La ligne Gensler peut-elle perdurer longtemps ?
Malgré les défaites qui s'accumulent, la SEC ne bouge pas. Tout d'abord, elle continue d'estimer que de nombreux tokens sont des titres financiers et que, par conséquent, leur absence d'enregistrement rend illégale la vente aux investisseurs.
Ces arguments sont ceux de la SEC dans son assignation contre Coinbase et Binance. Ils n'ont pas évolué malgré la défaite préliminaire contre Ripple Labs. Cependant, tous les projets peuvent désormais invoquer la décision partielle de la juge de l'affaire Ripple pour rejeter cette qualification de titre financier.
Ensuite, la SEC continue de refuser l'homologation d'un ETF Bitcoin Spot, en avançant des arguments pourtant rejetés par le juge. Or, il est certain que cela ne pourra pas durer, car c'est un gros morceau qui se présente désormais devant le régulateur financier américain : BlackRock, le plus important gestionnaire d'actifs au monde.
La SEC a rejeté une première fois le dossier de BlackRock. Mais c'était avant la décision du 30 août en faveur de Grayscale. On se demande désormais comment la SEC pourrait à nouveau rejeter la demande d'enregistrement de BlackRock sans une nouvelle argumentation.
Une position qui pourrait faire perdre le contrôle du secteur crypto à la SEC
Et si la SEC perdait sa crédibilité dans cette croisade lancée contre le secteur crypto ? C'est une possibilité à ne pas négliger. Il est important de noter que cette crise actuelle est orchestrée par son président Gensler, qui est devenu au fil des années l'anti crypto le plus connu aux Etats-Unis.
Or, la personnalité de Gensler commence à agacer. Interrogé par des membres du Congrès en avril dernier, il n'avait pas répondu de manière claire à la question de savoir si l'ETH était un titre financier ou non. A la SEC, on voit de plus en plus l'étau judiciaire se resserrer, sans que de nouveaux arguments soient mis sur la table.
Si Gensler pourrait à terme perdre sa place, c'est surtout la compétence de la SEC qui est en jeu. En effet, le flou juridique entourant la régulation du secteur crypto aux Etats-Unis est immense. Il n'est pas certain que la SEC soit in fine en mesure de le réglementer. Les Etats-Unis ont plusieurs autorités de régulation et certaines seraient ravies de récupérer la régulation d'un secteur qui pèse plusieurs milliards de dollars.