Ronan Bolé (Amazon) "Nos entrepôts s'optimisent tout seuls au fil du temps"

Spécialisation des entrepôts, ouverture d'Amiens en septembre, mise en stock aléatoire, recrutements 2017… La machine de guerre logistique d'Amazon expliquée par son directeur des opérations.

JDN. De quels entrepôts disposez-vous en France et comment les organisez-vous ?

Ronan Bolé, directeur des opérations d'Amazon France. © Julien Lutt

Ronan Bolé. Nous avons d'abord Saran (70 000 m² au sol), Montélimar (36 000 m²), Chalon-sur-Saône (40 000 m²) et Douai (90 000 m²). Depuis 2016 nous opérons aussi l'entrepôt d'Amazon Prime Now dans Paris, sur 3 500 m². Et en septembre nous mettrons en service celui de Boves, près d'Amiens (107 000 m²). Nous profitons de cette ouverture prochaine pour poursuivre la spécialisation de chaque site.

De quelle façon ?

Nous allons transférer à Boves tous les gros volumes. Douai, qui faisait de la grande et de la petite taille, est en transition vers de la petite taille uniquement comme Saran et Montélimar qui resteront affectés au "sort" (articles de moins de 40x60cm, ndlr). Chalon-sur-Saône, qui est depuis 2016 notre entrepôt mode et chaussures, conservera cette spécificité, avec un peu de "sort" pour satisfaire plus rapidement les commandes multiples de sa zone.

En plus de spécialiser les entrepôts, vous les mécanisez…

Nous ajoutons des "pick towers" qui comprennent chacune trois étages de 3 000 m². Par exemple, à Saran, les six pick towers que nous avons installées nous ont fait gagner 54 000 m² de surface de stockage. Par ailleurs nous changeons la façon dont nous mettons en stock et prélevons les articles. Auparavant, le préparateur serpentait dans l'entrepôt – selon un parcours certes optimisé – pour remplir son chariot avec les articles de plusieurs commandes. Nous passons progressivement, comme à Saran et Douai, à un modèle différent : l'entrepôt est découpé en petites zones, le préparateur ne sort pas de sa zone et ce sont les bacs qui circulent de l'une à l'autre sur des convoyeurs qui montent aussi dans les étages des pick towers. Cette nouvelle organisation, plus efficace, améliore également les conditions de travail et la sécurité des employés.

Une pick tower de l'entrepôt d'Amazon à Saran. © S. de P. Amazon

La spécialisation de vos sites ne compliquera-t-elle pas le traitement des commandes multiples ?

Nous avons un algorithme pour déterminer comment livrer le client le plus vite possible, sans doute bien plus avancé que les OMS (order management system, ndlr) et outils d'allocation du marché. Souvent, la commande sera simplement préparée dans le site le plus proche du barycentre des articles et du client, et les autres sites concernés livreront cet entrepôt en trans-shipping. Nous créons des chemins tous les jours pour cela. Il arrive que nous laissions au client la possibilité de recevoir un à un les articles de sa commande, dès qu'ils sont prêts à être expédiés. Mais nous pouvons encore améliorer l'envoi en une fois des commandes multiples, sans ralentir la livraison du client. Cela fait partie de nos travaux de cette année.

Sur le "sort", Douai, Saran et Montélimar couvrent bien le territoire français. Mais quid des références non communes ou "non sort" ?

Amazon commercialise 200 millions de références au total, dont environ la moitié en marketplace. Nous stockons en France 35 à 40 millions d'articles, soit environ deux fois moins de références, et la moitié environ sont des stocks FBA (Expédié par Amazon, ndlr) que nous ont confiés des vendeurs marketplace. Pour les références les plus fréquentes, chaque site les a et elles sont sur le quai 2 heures seulement après la commande. Mais de très nombreuses références ne se recouvrent pas d'un site à l'autre.

D'autre part, les sites français font partie de notre European Fulfillment Network, qui comprend 31 sites actuellement et en accueillera 8 de plus cette année. Une commande passée dans un pays peut être livrée depuis l'entrepôt d'un autre pays. Par exemple Chalon-sur-Saône livre aussi l'Italie et l'Espagne en chaussures et en habillement. Et nous ne cessons de faire du trans-shipment y compris transfrontalier entre les entrepôts, pour rééquilibrer les stocks ou satisfaire des commandes. Ainsi, Douai se situant au beau milieu de nos marchés européens, il fait beaucoup de trans-shipment, de commandes multiples, et peut absorber de la charge d'autres entrepôts, comme à Noël 2015 lorsqu'il avait traité une partie des commandes de Londres.

Sur quels sites trouve-t-on des stocks FBA et sont-ils entreposés séparément ?

Ils sont dans tous les entrepôts sauf celui de Prime Now et nous les mettons en stock comme n'importe quels articles provenant de fournisseurs ou d'autres sites : tout est mélangé et les process de stockage et d'expédition sont exactement les mêmes.

Vos entrepôts sont connus pour stocker les articles aléatoirement dans des petits casiers, sans même les regrouper par référence. Quel est le principe ?

Amazon n'hésite pas à mélanger les références dans les casiers. © S. de P. Amazon

Comme nous éclatons les stocks et répartissons les articles aléatoirement, nous en faisons tenir beaucoup plus que s'ils étaient rassemblés par référence ou typologie, de la même façon qu'entre des cailloux on peut mettre beaucoup de grains de sable. Grâce à cela, nous n'avons plus besoin d'attendre une quantité minimale importante pour déclencher le réapprovisionnement d'une référence. Nous pouvons commander à partir de paliers beaucoup plus bas et donc plus souvent, ce qui accroît la quantité d'articles disponibles. L'autre avantage est qu'on trouve toujours un préparateur pas loin d'une référence donnée, il est rarement nécessaire de traverser tout l'entrepôt. Enfin, la répartition des articles dans l'entrepôt devient optimale naturellement, sans rien faire de particulier.

Pourquoi ?

Les entrepôts sont organisés en papillon. Côté tête, les produits arrivent dans l'entrepôt : on éclate les palettes ou unités de conditionnement pour mettre en stock les articles. De part et d'autre du corps, deux grandes ailes composent les deux zones de stockage. Les chariots de picking reviennent jusqu'au corps du papillon dans la zone d'emballage et les colis sont expédiés côté queue.

Les employés qui mettent en stock les articles partent donc de la tête et les déposent dans les casiers les plus proches du centre où ils trouvent de la place. Au bout d'un moment, les "low runners" se retrouveront aux extrémités et les "high runners" proches du centre puisque par définition, il y a plus de rotation sur les "high runners" qu'on sort et remet en stock souvent.

N'est-il pas utile de corriger parfois cette mise en stock aléatoire ?

Nous réorganisons parfois un peu la répartition. Nous faisons aussi des mises en stock orientées. Quand sort le dernier Harry Potter ou quand nous sommes prévenus d'une promotion sur les tondeuses, nous les rapprochons des points d'emballage, plutôt que de les laisser au fond de l'entrepôt à côté du E.T. de 1,30 mètre qui n'a pas bougé depuis trois ans. Ceci dit, même lui a toute sa place. Un jour, le client qui le voudra sera très heureux de le trouver !

Quels sont vos autres grands chantiers ?

Nos entrepôts français ont traité 1,4 million de commandes lors du dernier Black Friday et 1,6 million sur le seul 11 décembre 2016. C'est 40% de plus qu'un an avant. Donc nous devons tout simplement étendre nos capacités de stockage, encore mieux mailler la France et maîtriser notre expansion. Cela passe par une optimisation très poussée et une exécution parfaite de tous les process, mais aussi par de gros volumes d'embauches. En 2016 nous sommes passés de 3 000 à 4 000 CDI et en 2017 nous recruterons encore 1 500 personnes.