Salaires web & e-commerce 2014 : vers une baisse des rémunérations ?

Des études sur les salaires des métiers du web et du e-commerce évoquent l’attractivité du secteur. On y voit des rémunérations parfois élevées pour des métiers assez nouveaux. Laissant croire que l’emploi dans ces domaines du bénéficie de fourchettes de salaires très attractives. Que disent réellement les fiches de paie ?

Les métiers du web et du e-commerce : c’est le nouvel eldorado pour les juniors, et un fantasme de gap de salaire pour les seniors. Quand on voit sur certaines études que parfois, des community managers junior perçoivent des rémunérations supérieures à 40k€, ça fait rêver non ? Et ça nous paraît même logique après réflexion : ces métiers nouveaux sont très recherchés, avec en face peu de profils qualifiés. La dure loi de l’offre et la demande tirerait donc les salaires vers le haut ?

Nous avons relayé plusieurs études sur E-Works sur les salaires du web, émanant de cabinets de recrutement du digital qui existent depuis plusieurs années (une concernant les salaires du web, une spécifique aux salaires du SEO, et une pour les salaires des développeurs). Beaucoup de profils juniors et seniors utilisent ces études de salaires comme des références pour leurs prétentions salariales, voire pour négocier une augmentation
Mais attention : souvent, les commentaires de salariés que nous avons à propos de ces études, indiquent qu’il y a des décalages importants entre leur bulletin de paie, et les chiffres présents sur ces tableaux. Logique également : les sociétés qui ont recours à des cabinets de recrutement ont des moyens financiers plus importants, et proposent des salaires plus attractifs. Ces entreprises clientes de cabinets ne représentent qu’une minorité des entreprises qui embauchent. Ces études ne sont donc pas totalement représentatives de l’embauche dans le secteur du web. 
Par exemple, dans le e-commerce, qui embauche régulièrement, et qui occupe une partie non négligeable du web-business : une étude de CCM Benchmark pour la FEVAD indiquait qu’il y avait 84 000 salariés dans le e-commerce en 2012 (+15% VS 2011), et que la tendance prévue pour 2013 était de + 10 %. La majorité des recrutements se font donc hors circuit des cabinets, sans intermédiaire entre le recruteur et le candidat. Il suffit de voir les offres d'emploi publiées sur le web pour le constater.

Par ailleurs, la position que j'ai au sein d'E-Works me permet de parler régulièrement salaire avec des dizaines de candidats, tout type de profil confondu (commerciaux, développeurs, traffic managers etc). Egalement les recruteurs qui me communiquent les rémunérations réelles qu'ils appliquent à chacun de leur salarié. De plus, mon expérience personnelle (j'ai débuté dans le web en 2007) m'a permis de voir comment les salaires ont fluctué et ont pris une toute autre tendance en 2013. 

Quels constats sur les salaires pratiqués dans le web & le e-commerce en 2013 ?

Voici quelques constats, plus quali que quanti, de mon expérience et des différents échanges sur le sujet du salaire dans le web et le e-commerce en 2013 :
  • les écarts de salaires entre différentes entreprises du e-commerce pour un même poste se sont clairement réduits, les recruteurs sont beaucoup plus au fait des salaires pratiqués par leurs concurrents qu'il y a quelques années, notamment graçe au web, et appliquent donc des grilles de salaires plus homogènes,
  • les exigences de compétences pour des postes en junior se sont de plus en plus accrus : en effet, le volume de CV reçu aujourd’hui pour les postes niveau débutant a considérablement augmenté, avec des profils qui ont consolidé durant leurs études entre 1 à 2 ans d'expérience (en cumulant parfois stage et alternance), et qui viennent donc postuler avec un bagage non négligeable (on les appelle les « junior + »)... et cela répond à la logique du marché de l'offre et de la demande, plus il y a de postulants, plus l'entreprise qui recrute augmente ses exigences... à salaire égal voire inférieur,
  • ces « juniors + » débutent avec des rémunérations souvent inférieures à 30k€ en package, et on constate une nette tendance à des parts de fixes faibles parfois proches du SMIC, et de variables importants (surtout chez les e-marchands qui souhaitent de plus en plus indexer les rémunérations variables sur le C.A. de l'entreprise dans un objectif de ROI),
  • quant aux intermédiaires et seniors (à partir de 3 ans d'expérience en CDI et plus), ils ont de plus en plus de difficultés à quitter leur poste pour un autre car le critère du salaire entre en jeu : en effet, beaucoup de candidats expérimentés se rendent compte que leur salaire actuel est très attractif (car négocié il y a quelques années, lorsque le secteur y était plus favorable) et ne conçoivent pas de baisser en rémunération pour un nouveau challenge,
  • les top managers quant à eux, sont souvent pour la plupart "contraints" de rester en poste tant leur package actuel est parfois supérieur de 20% avec ce qui leur est proposé, et beaucoup de profils de plus de 5 ans d'expérience ont de réelles difficultés à trouver une nouvelle opportunité,
  • les gaps de salaires entre deux postes dans le web sont de plus en plus faible pour des postes à niveau équivalent : il y a beaucoup de candidats qui changent de poste avec des variations de salaires inférieures à 1 ou 2 k€.

Quelles conclusions tirer de tout cela pour les salaires du web et e-commerce en 2014 ?

L'objectif de cet article n'est pas de tirer une sonnette d'alarme, tout nouveau secteur qui recrute connaît au fil des années un "durcissement" de ses salaires, puisque le nombre de candidats à la recherche d'un emploi dans le web croît plus vite que le nombre de postes ouverts. L'objectif n'est pas non plus de déprimer le lectorat du JDN, avec un énième article axé sur la crise économique et ses conséquences sur le pouvoir d'achat des salariés du web. Les métiers du web sont d'ailleurs plutôt bons au global, au regard des rémunérations pratiqués dans d'autres branches.
L'objectif est avant tout de contre balancer sur cette idée que c'est la ruée vers l'or dans l'emploi web & e-commerce : c'est surtout l'occasion de vous dire, ami(e)s candidat(e)s, de ne pas surestimer les salaires proposés dans le secteur pour éviter bon nombre d'illusions que j'ai pu observer auprès de candidats (seniors et juniors), bercés par les discours enchanteurs des médias ou parfois même de leurs écoles.
Bien sûr, les salaires diffèrent selon la configuration de l'entreprise : par exemple il y a des deltas de rémunération entre les e-marchands pure player, et les pôles e-commerce de grandes sociétés du retail (et pas forcément en faveur de celui que l'on pense). Ou encore, des startups bien financées prêtes à embaucher les meilleurs éléments, et donc à proposer des rémunérations plus élevées voire même des stock options en comparaison avec la petite startup sur fonds propre qui ne peut pas s'aligner.
Cependant, des candidats qui ont pris une "claque" face à cette réalité économique, j'en ai beaucoup connu sur 2013, et si vous souhaitez changer de poste ou démarrer votre carrière dans le web / e-commerce en 2014, tenez compte du fait que les salaires pratiqués ne sont plus aussi bankable qu'ils ne l'étaient il y a quelques années. Mais surtout, si le salaire est le seul critère qui vous pousse à changer de poste, vérifiez si ailleurs l'herbe est plus verte avant de prendre votre décision.