"Carrefour des illusions", les meilleurs extraits 2004, ambiance fin de règne

Cette année-là, Carrefour connaît toujours autant de difficultés et Daniel Bernard est de plus en plus contesté. Après le décès accidentel de Paul-Louis Halley un an plus tôt, l'ancien directeur général de Promodès, Luc Vandevelde, a été nommé à la tête du conseil d'administration. L'affrontement avec Daniel Bernard se profile et l'ambiance au siège du groupe devient irrespirable.

Sans tomber dans la paranoïa ambiante, je fais malgré tout vérifier ma ligne, heureusement sans résultat.

"D'une manière générale, une forte pression se fait sentir sur l'ensemble de la direction de l'entreprise. Nous avons le sentiment en cet été 2004 que si les tendances du chiffre d'affaires comme du résultat ne s'améliorent pas avant la fin de l'année, Daniel Bernard sera remplacé. Certains d'entre nous au comex se sentent également menacés. Ma proximité avec la famille Halley et Luc Vandevelde, si elle me protège, n'est pas facile à vivre au jour le jour. On est venu dire à Eric Bascle, le secrétaire du comité exécutif, de se méfier de moi et d'éviter de me donner de l'information. L'ambiance est telle qu'elle est propice à la multiplication des rumeurs : "Daniel Bernard vient de rencontrer le patron de Wal-Mart en Chine pour lui proposer de lui céder certains pays", "la mort de Paul-Louis Halley n'est pas accidentelle, on a voulu se débarrasser de lui", ou encore "Carrefour est aux mains des francs-maçons, la direction générale en est truffée et Daniel Bernard est sous leur contrôle" ou, enfin, "on est tous sur écoute". Qui écouterait qui ? Pour quoi faire ?

En tant que DRH, je suis responsable des services généraux, à qui je demande régulièrement de faire ce que l'on appelle un "dépoussiérage", c'est-à-dire de vérifier qu'il n'y a rien d'anormal sur les postes téléphoniques des principaux dirigeants du groupe. Nous n'avons jamais rien trouvé. Mais il est vrai que nous cherchions alors à nous protéger de l'extérieur, quand, cette fois, la "menace" peut venir de l'intérieur. Sans tomber dans la paranoïa ambiante, je fais malgré tout vérifier ma ligne, heureusement sans résultat. On m'explique cependant que pour être tout à fait sûr, il faut approfondir le contrôle en s'intéressant au central téléphonique du groupe.

la peur des écoutes.
La peur des écoutes. © Stockbyte / Thinkstock

Je décide de ne pas poursuivre les investigations. De toute façon, si je découvre que ma ligne est écoutée, que puis-je faire ? Déposer plainte ? On imagine l'effet d'image pour le groupe. Je demande simplement à Nadine, mon assistante, d'être encore plus prudente que d'ordinaire au téléphone. Quant à moi, je m'astreins à ne tenir au téléphone que des propos "publiables". "

 En savoir plus : http://www.carrefourdesillusions.com/