Osez parler anglais !

La France entretient avec la performance et son ombre l’échec une relation toxique qui se manifeste dans l’inhibition à parler les langues étrangères. Soit on maîtrise et on est légitime à prendre la parole, soit on s’abstient. Entre les deux un vide profond dans lequel résonnent la peur du ridicule, la gêne et le sentiment d’inaptitude.

Pourtant, à l’ère de la globalisation, parler au moins l’anglais est un incontournable (ne serait ce que pour écrire un CV en anglais pour travailler à l'étranger). Il est temps de vous ressaisir et d’accepter que nul n’est besoin d’être parfait pour s’exprimer en anglais.

Appuyez-vous sur votre envie ou votre besoin de communiquer

Naturellement, il est plus facile pour un extraverti de prendre la parole quelle que soit la langue car il faut a minima avoir envie de communiquer quelque chose à quelqu’un pour trouver l’énergie d’entrer dans l’arène. C’est ce désir qui permet de dépasser le manque de vocabulaire et les à-peu-près grammaticaux. Le plus souvent, dans un contexte professionnel, la nécessité se substitue à l’envie et c’est une bonne nouvelle car le besoin crée des autorisations, au moins celle d’être imparfait. Il permet de court-circuiter les timidités en se focalisant sur l’enjeu. Oubliez la performance et privilégiez la communication !

Autorisez-vous à parler un mauvais anglais

Il est bien sûr évident que mieux vous parlez une langue, plus votre capacité d’impact est importante. C’est ainsi que dans des réunions internationales, le pouvoir peut changer de mains indépendamment des compétences d’experts sur le sujet. Rappelez-vous cependant que si vos interlocuteurs sont américains, ils apprécient l’effort que vous fournissez car la plupart d’entre eux ne parlent aucune autre langue. Par ailleurs, les Américains adorent l’accent français qui teinte votre pseudo-anglais de beaucoup de charme ce qui les rend indulgents. S’ils sont étrangers, ils ont l’habitude de décrypter un anglais massacré. Ils ne vous en tiendront pas rigueur pourvu que vous prononciez les quelques mots clefs susceptibles de les éclairer sur le contenu qu’ils attendent.

Soignez la qualité de la relation

On communique toujours à deux niveaux. Au niveau du contenu et au niveau de la relation. Dans le contexte d’une relation professionnelle le fait de dominer faiblement l’expression ne doit pas vous priver de la capacité à vous manisfester au niveau de la relation.  Pour le contenu, au-delà de vos connaissances linguistiques de base, il suffit de connaître 20 mots clefs de votre dossier, 10 verbes clefs du problème et 10 adjectifs précis pour être nettement plus à l’aise. Faites preuve de synthèse et soyez pertinent. Quant à la qualité de la relation, déterminante dans toute communication, elle passe par votre posture (ouverte ou fermée), vos gestes (rassurants, fermes ou hésitants), votre regard (inquisiteur, accueillant, attentif). Comme dans la plupart des situations, c’est le principe de Pareto qui s’applique : 80 % de ce qui est important à communiquer se trouve dans 20 % de ce que vous exprimez par vos mots ou par vos gestes. Soignez ces 20 % !

Acceptez de ne pas tout comprendre

Il ne suffit pas d’être capable de poser une question, encore faut-il comprendre la réponse. En matière linguistique, l’important est d’être décontracté et d’accepter de ne pas tout saisir, votre cerveau fera le reste. Plus vous êtes tendu, plus vous bloquez la communication. L’important est de capter les mots-clefs, au moins un par phrase et de faire des hypothèses de signification en fonction du contexte que vous connaissez. Quel que soit l’enjeu c’est la fluidité de la relation qui permettra d’atteindre votre objectif. Quand vous êtes dans la relation, vous n’avez jamais l’air ridicule.
A quelques exceptions près, votre interlocuteur fera des efforts pour faciliter votre échange à moins que vous lui laissiez croire que vous êtes « fluent » auquel cas il n’en fera aucun. Ne pas être dans la maîtrise présente donc un intérêt !
Il ne s’agit pas d’encourager l’à-peu-près linguistique mais de le considérer comme l’étape nécessaire pour atteindre un niveau de langue acceptable. Oser parler l’anglais c’est momentanément lâcher-prise sur le contrôle d’une certaine image de soi, exposer ses limites et en même temps montrer qu’on a rien à craindre de tout cela mais beaucoup à gagner.