Harcèlement démissionnaire : savoir le détecter assez tôt pour éviter d'en souffrir

Il est étonnant de constater que, dans une période où les directions générales et les DRH sont de plus en plus sensibilisées sur le sujet des risques psychosociaux, les cas de harcèlements démissionnaires sont de plus en plus fréquents... et bien réels 

Une fois le harcèlement mis en place, il est bien difficile de s'en sortir sans dégâts. Apprenez plutôt à identifier les signes avant-coureurs pour partir avant de souffrir !
Il y a encore peu de temps, on entendait souvent dire que le harcèlement était soit « imaginé » par ceux qui pensaient le subir, soit provoqué par la perversité maladive de quelques cas « exceptionnels » de mauvais managers.
Désormais, après plusieurs séries de suicides et de procès plus ou moins médiatisés, les Directions Générales et les DRH ont pris conscience que le problème était bien réel et que le risque pour les entreprises était extrêmement sérieux. De nombreuses organisations ont d'ailleurs mis en place des processus de prévention très structurés pour les éviter.
Comment expliquer alors que les cas de harcèlements ne cessent d'augmenter ? Y aurait il de plus en plus de pervers stupides parmi les managers ? Y aurait il de plus en plus de paranoïaques parmi les employés ?
Non, bien sûr. Cette augmentation est provoquée par deux paramètres tout à fait concrets : 
  • Le manque de courage de certains managers qui plutôt que de se confronter directement avec les membres de leurs équipes qui ne sont plus en phase avec leur poste préfèrent les «dégoûter»  jusqu'à ce qu'ils partent d'eux-mêmes.
  • Le manque de lucidité des personnels qui, ayant peur de perdre leur emploi dans cette période de crise grave, préfèrent ne pas voir les signaux faibles lancés par leur hiérarchie et leurs collègues.
Résultat : Les situations se détériorent, la vie devient insupportable pour le salarié concerné jusqu'à ce qu'il craque : Démission, Dépression...voire suicide !! Comme le dit Sophie Aubard dans le « Courrier cadres & dirigeants » de Juillet-Août, «S'accrocher à son poste dans ces conditions est peine perdue, il faut avant tout "bétonner" son dossier et agir vite ! »
J'irai plus loin en proposant de ne pas attendre qu'il y ait un dossier à bétonner, mais d'identifier les signaux faibles pour négocier son départ avant même que le harcèlement ne s'installe.
Dans l'incertitude, demandez les conseils d'un spécialiste de la gestion de carrière ou d'un coach, car il peut être difficile de repérer des signaux faibles dans le stress du quotidien.

Quand faut il envisager de quitter son entreprise ?

Comme je l'explique dans mon livre «Les 5 clés pour rebondir et piloter sa carrière», il existe deux situations extrêmement fréquentes qu'il faut savoir identifier et accepter :
  • Vous ne faites plus partie de la stratégie de l'entreprise
Pour une raison qui vous échappe, et que vous ne comprendrez sans doute jamais, vous ne faites plus partie de la stratégie d'entreprise. Voici quelques indices qu'il faut absolument repérer :
- votre évaluation annuelle est « très bonne » mais on ne vous donne pas d'augmentation depuis deux ans et on ne vous propose aucun projet nouveau,
- vous devez désormais prendre rendez vous pour rencontrer votre chef direct,
- vous n'êtes plus invité aux réunions de directions,
- on vous avait promis l'an dernier des stock options, mais lorsque l'échéance arrive, votre chef devient très imprécis,   
- votre « mentor », ce cadre de haut niveau qui vous suit depuis plusieurs années, même s'il n'a aucun rapport hiérarchique avec vous, vient de quitter la société,
- votre collègue, plus jeune, a été nommé responsable d'un projet dont vous êtes à l'origine,
...
Aucun de ces symptômes n'est signifiant s'il est isolé mais si vous en constaté plusieurs, il faut réagir vite.
- Si vous ne souhaitez pas quitter votre entreprise, prenez très rapidement contact avec la direction générale et la DRH pour discuter ouvertement de votre sentiment afin de vérifier s'il s'agit d'incidents non voulus (peut-être un nouveau chef intermédiaire interprète mal les  objectifs de l'entreprise par exemple). Selon les réponses (officielles et sous entendues) vous pourrez vous décider sur la marche à suivre.
- Si par contre, vous commenciez à envisager un départ, c'est le moment d'accélérer vos démarches.
  • Vous ne vous sentez plus en accord avec votre travail
- Vous vous ennuyez dans votre travail depuis quelques mois et vous commencez à devenir très (trop) critique par rapport à l'autonomie qui vous est laissée, à la compétence de votre responsable hiérarchique, aux procédures de votre structure... et tous vos collègues le remarquent (vous trouvez qu'ils sont de moins en moins agréables).
- Votre motivation baisse et vos résultats s'en ressentent... et votre hiérarchie vous le fait remarquer, ou du moins s'en aperçoit (même si vous pensez qu'ils sont trop incompétents pour se rendre compte de quoi que ce soit).
Bref vous êtes en train de vous aigrir.  Attention, danger! La prochaine étape sera à votre grande surprise, un licenciement ou une proposition de transaction pour une raison ou une autre, que vous ne comprendrez pas. Agissez immédiatement ! Autant envoyer votre lettre de démission tant qu'il en est encore temps.

Et après la séparation ?

Voilà. Vous êtes parti. Vous avez quitté l'entreprise. Cela a été difficile mais vous avez su préserver l'essentiel : votre santé morale et physique. Bravo! Vous avez géré efficacement cet « incident de parcours ». Sachez maintenant en tirer tout le bénéfice en analysant sereinement les événements :
  • Ne vous sentez pas coupable :
Si l'entreprise vous licencie, c'est qu'elle a de bonnes raisons économiques de se séparer de vous et tous les arguments négatifs qu'elle utilise ne visent pas à vous dévaluer mais simplement à se séparer de vous au moindre coût. Ne prenez donc pas ces critiques pour vous. Ce ne sont que des arguments de négociation.
  • Ne vous posez pas non plus en victime :
Si l'entreprise se sépare de vous plutôt que de votre collègue, c'est qu'elle préfère le garder parce qu'il est mieux adapter à l'avenir ou à la culture de l'entreprise. On ne vous saque pas, on se sépare de vous. Réclamez les indemnités qui vous reviennent, négociez rudement mais ne cherchez pas à réparer un préjudice moral qui n'existe pas. Le licenciement fait partie de la vie professionnelle comme l'embauche.
Enfin, soyez conscient du fait que vous portez une part de responsabilité.
Soyez vraiment convaincu de votre part de responsabilité. En l'identifiant vous apprendrez à mieux vous connaître et à mieux choisir votre prochaine entreprise.

Refermez proprement et rapidement la porte du passé pour passer à l'avenir

Si vous partez sur cet état d'esprit, vous êtes déjà sauvé : l'important est de négocier du mieux  possible votre sortie et de passer au plus vite à la recherche de votre prochain poste. J'ai accompagné des centaines de cadres licenciés : aucun n'arrive à chercher efficacement un nouveau poste avant d'avoir fermer correctement la porte du passé.
Bien sûr, dans la période difficile que traverse l'économie de notre pays, on peut être tenté d'ignorer les « petites » malveillances de la hiérarchie (et des collègues, toujours complices silencieux de telles situations). Mais attention, cela ne s'arrange jamais tout seul. On en vient vite à accepter l'inacceptable et alors ... le pire est à craindre.